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La première conférence nationale de « Ceux du Technique »
Le dimanche 27 avril 1975 s'est tenue à Paris la première Conférence Nationale de « Ceux du Technique ». Une centaine de délégués mandatés par les assemblées générales préparatoires à la Conférence qui se sont tenues dans une trentaine de villes, ont fait le bilan de l'activité de « Ceux du Technique » et ont examiné les perspectives du mouvement.
Cette conférence a donc été l'occasion de faire le point après un second trimestre marqué par un important développement des luttes dans les CET De nombreuses interventions au cours des débats se sont fait l'écho du renforcement de l'audience de « Ceux du Technique » et de la sympathie que les militants rencontrent auprès de leurs camarades. Car, cette année encore, comme ce fut le cas l'année précédente et en mars 1973 contre la loi Debré, « Ceux du Technique » n'a pas seulement été engagé dans l'action, les grèves et les manifestations. « Ceux du Technique » a encore été à la tête, dans la plupart des villes, du mouvement des collégiens. En aidant les collégiens à se doter d'organismes qui les représentent, comités de grève, comités de lutte, coordinations, les militants de « Ceux du Technique » ont permis au mécontentement profond qui règne dans le Technique de s'exprimer.
« Ceux du Technique » sort donc du mouvement de grève du printemps dernier renforcé, avec des capacités d'intervention plus grandes, avec un capital de confiance plus important.
La tenue même de cette première Conférence Nationale le confirme : les délégués représentent une centaine de comités « Ceux du Technique ». Ils venaient de vingt-cinq villes de province, de Paris et de tous les départements de la région parisienne.
En deux ans d'activité, « Ceux du Technique » s'est donc renforcé au point de pouvoir se structurer - pour organiser les jeunes collégiens qui sont attirés par « Ceux du Technique » et regrouper en son sein une fraction de la jeunesse ouvrière. C'est précisément à cet objectif que s'est attelée la Conférence.
Les délégués ont adopté un texte d'orientation politique qui définit les cadres généraux de l'intervention des militants « Ceux du Technique », un texte d'organisation, le rapport moral et des statuts provisoires. Au terme de cette Conférence, une direction nationale du mouvement a été élue.
Les textes votés par les délégués confirment l'orientation générale du mouvement durant les deux années écoulées :
- Organisation autonome des jeunes du Technique, comme fraction de la jeunesse
ouvrière ayant des problèmes spécifiques
- Prise en charge des revendications du Technique
- Propagande générale pour les idées du socialisme révolutionnaire.
Depuis l'apparition du mouvement, en mars 1973, au moment des grandes luttes lycéennes contre la loi Debré visant à supprimer les sursis « Ceux du Technique » a visé à regrouper les collégiens de l'Enseignement Technique et à les organiser en une force politique autonome ; autonome, bien sûr, par rapport au mouvement lycéen. Cette politique qui, aujourd'hui, n'est guère contestée publiquement par les groupes de gauche et d'extrême gauche, a été à l'époque, et encore en 1974, vivement combattue par les Jeunesses Communistes et la quasi-totalité des groupes d'extrême-gauche ; vouloir organiser une force indépendante dans les CET aurait consisté à affaiblir le mouvement de l'ensemble de la jeunesse contre l'État, à diviser les collégiens et les lycéens.
En réalité, la stratégie des uns et des autres dans cette discussion dépassait le cadre d'une querelle tactique : à savoir comment être le plus efficace dans la lutte contre les projets de Debré, de Fontanet ou d'Haby. Le fond de la discussion était autrement plus important... et socialement plus significatif. Pour Lutte Ouvrière, il s'agissait d'organiser à part les fils de travailleurs, de ne pas fondre et confondre dans des structures uniques des couches socialement différentes, où les jeunes issus de la classe ouvrière et les plus délaissés par l'Éducation Nationale seraient à la remorque de jeunes issus des classes petites-bourgeoises. Que cette organisation autonome ne soit en rien une entrave à la solidarité nécessaire des jeunes en lutte contre l'État bourgeois, cela a pu être démontré par les organisations de collégiens durant tous les mouvements passés : pas une manifestation centrale des lycéens à laquelle les collégiens ne soient restés étrangers.
La nécessité d'une organisation autonome des collégiens peut aujourd'hui apparaître comme un acquis. Du moins, personne n'a osé le remettre en cause durant les grèves du printemps 1974. Mais cet acquis a été le fruit d'une longue lutte où les organisations qui se sont mises à la traîne des lycéens, comme Rouge ou l'AJS, n'ont cessé, d'une manière de plus en plus feutrée certes, de saboter toute initiative autonome des collégiens pour les entraîner derrière les lycéens. Cela s'est encore vérifié au printemps dernier, où ces groupes, n'ayant pas l'influence nécessaire pour défendre publiquement leur politique dans les assemblées de collégiens ou dans les coordinations, ont essayé d'introduire en contrebande cette même politique par le biais des structures locales de lycéens qui avaient été mises en place. Ces structures ont souvent tenté d'entraîner derrière elles, et avec des mots d'ordre étrangers au mouvement du Technique, les élèves de CET
L'organisation « Ceux du Technique » qui se met en place actuellement est le fruit de cette lutte que Lutte Ouvrière a menée contre ceux qui tentaient d'empêcher l'expression autonome d'une fraction de la jeunesse ouvrière.
Le fait qu'une telle organisation existe, rencontre de la sympathie, suscite des dévouements, attire des jeunes issus de milieux populaires, a une importance particulière dans la tâche des révolutionnaires en France et pour l'objectif qu'ils se fixent : construire un parti ouvrier révolutionnaire.
Certes, « Ceux du Technique » est une organisation faible. Ses militants sont peu nombreux. L'adhésion de la plupart est encore très récente. Mais « Ceux du Technique » regroupe dans son sein une partie de la jeunesse ouvrière qui a été sélectionnée naturellement sur les bases mêmes de l'activité de « Ceux du Technique » : les jeunes collégiens qui y militent, sont venus parce qu'ils ont pu vérifier par eux-mêmes, dans la lutte, la justesse du programme mis en avant par « Ceux du Technique ». Ils se sont rendus compte que pour changer quelque chose dans les CET, pour arracher des revendications, pour faire cesser les brimades mesquines, pour faire respecter leur dignité, les collégiens ne devaient compter que sur eux-mêmes, leur force, leur détermination, leur organisation. La conscience d'être partie intégrante de la jeunesse ouvrière, et par là-même de la classe ouvrière, d'être à part entière dans le camp des opprimés, cette conscience-là est une conviction que partagent tous les militants de « Ceux du Technique ». Et ceci est important, et ceci sera peut-être déterminant dans les années qui viennent.
« Ceux du Technique » en effet ne veut être ni l'organisation de toute la jeunesse, le creuset où puissent se fondre tous les jeunes attirés par les idées révolutionnaires, indépendamment de leur milieu social, ni l'organisation de jeunesse de Lutte Ouvrière.
Mettre en place une organisation de la jeunesse de lutte ouvrière n'aurait, dans les circonstances présentes, aucune justification : lutte ouvrière, comme toutes les organisations révolutionnaires, est ouverte aux jeunes. la jeunesse, de par ses qualités de dévouement, de disponibilité, de spontanéité a toujours fourni aux organisations révolutionnaires prolétariennes des militants qui ont. pris leur place, au même titre que tous les autres militants, dans les rangs des combattants de la révolution sociale. non seulement lutte ouvrière est ouverte aux jeunes, mais encore la présence de jeunes et de très jeunes parmi nous est le meilleur thermomètre du dynamisme, de la capacité de rayonnement, d'attraction d'une organisation révolutionnaire.
Bien sûr, les meilleurs de éléments de « Ceux du Technique », les plus conscients politiquement, les plus dévoués prennent et prendront de plus en plus leur place à Lutte Ouvrière.
Mais il y a les autres, tous les autres : les collégiens qui se sont éveillés et révélés dans les récentes grèves, qui ont pris le goût de la discussion et de l'action, qui ont compris, à travers les luttes, l'importance de l'organisation, qui se sentent, le plus souvent confusément certes, attirés par les idées du socialisme révolutionnaire.
Tous ceux-là ont leur place dans une organisation de la jeunesse ouvrière au sein de laquelle ils pourront militer, faire l'apprentissage de la vie collective, découvrir qu'il n'est possible de s'épanouir et de donner tome la mesure de ses facultés, de ses qualités, que dans le cadre d'une communauté. Ces centaines de jeunes, qui seront peut-être demain des milliers, pourront développer au sein d'une telle organisation leur conscience de classe, se familiariser avec les idées du socialisme révolutionnaire, avec l'histoire du mouvement ouvrier. « Ceux du Technique » peut ainsi devenir une organisation de la jeunesse ouvrière regroupant ceux qui se sentent attirés par le marxisme révolutionnaire, qui sont prêts à se battre pour faire respecter leur dignité, qui n'acceptent pas que les fils de travailleurs soient les laissés pour compte de cette société, ceux auxquels l'État consacre la part congrue dans son budget de l'Éducation Nationale, ceux qui n'ont pas accès aux loisirs, à la culture, ceux qui, au sortir du CET, végètent dans des travaux sous-payés, en attendant l'embrigadement militaire.
Ainsi, les perspectives que s'est fixées « Ceux du Technique » dépassent le cadre des Collèges d'Enseignement Technique. Certes, la grande majorité, voire la quasi-totalité des militants de « Ceux du Technique » sont actuellement des collégiennes et des collégiens. Mais cela est, par nature même, une situation provisoire. A l'heure où paraîtront ces lignes, près du tiers des adhérents de « Ceux du Technique » auront quitté le CET pour entrer « dans la vie active », ou du moins essaieront de le faire !
« Ceux du Technique » ne limitera donc pas son activité et son recrutement au cadre des jeunes de l'Enseignement Technique. La nécessité d'une organisation autonome des collégiens n'est apparue que par rapport aux lycéens, c'est-à-dire que par apport à une couche sociale petite-bourgeoise. Une telle démarcation par rapport à d'autres couches de la classe ouvrière jeunes apprentis, jeunes chômeurs, jeunes travailleurs, n'a pas de raison d'être.
C'est ainsi que « Ceux du Technique », tout en consacrant une part très importante de son activité aux CET, et largement ouvert à la jeunesse ouvrière. A ces jeunes exploités, à ces fils de travailleurs qui sont les plus mal lotis et ne reçoivent de la société que la part congrue, « Ceux du Technique » peut donner des raisons d'espérer, de lutter et un idéal.
Et l'apparition de cette nouvelle génération, issue de la jeunesse ouvrière, combative et échappant à la coupe des centrales syndicales et des partis réformistes, est de la plus haute importance pour les militants ouvriers révolutionnaires.