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La fin sans gloire de ce que fut le Comité International
Le Comité International - un des regroupements internationaux qui prétendaient assumer la continuité politique et organisationnelle de l'Internationale fondée par Trotsky - vient de connaître une deuxième scission en à peine plus d'un an. Après la scission, en 1971, entre deux de ses principales organisations, la Socialist Labour League en Angleterre et l'AJS-OCI en France, la rupture est aujourd'hui consacrée entre l'AJS-OCI et la Ligue des Révolutionnaires Socialistes de Hongrie (LRSH) suivie par divers groupes ou militants d'Europe de l'Est. Cette dernière scission consacre apparemment la fin du Comité International en tant que tel. En effet, le regroupement formé autour de l'AJS-OCI a abandonné jusqu'au nom de Comité International pour s'intituler désormais Comité d'Organisation pour la reconstruction de la IVe Internationale. Et ceux qui se retrouvent autour de la Ligue des Révolutionnaires Socialistes de Hongrie viennent de fonder de leur côté un regroupement international appelé Ligue Internationale de reconstruction de la IVe Internationale.
La façon dont s'est déroulée cette scission, les méthodes utilisées sont infiniment plus caractéristiques sur le plan politique de ce que fut le Comité International, de ce que sont les organisations qui l'avaient composé, que les raisons proprement politiques invoquées de part et d'autre - lorsque même il y a des raisons politiques invoquées, ce qui n'est pas toujours le cas. Si la grandiloquence vide, les phrases creuses et le bluff au sujet de leurs propres activités et surtout de leur propre importance politique sont autant le fait des uns que des autres protagonistes, l'AJS-OCI y a ajouté sa touche particulière. La campagne de calomnies dans laquelle elle s'est lancée contre les organisations et les hommes avec lesquels elle avait pourtant collaboré parfois depuis plus de dix ans, est d'une abjection digne de n'importe quelle organisation stalinienne. En guise d'argument, elle se limite pour l'essentiel à répéter à longueur de colonnes dans ses diverses publications ( Informations Ouvrières, la Vérité ou Correspondances Internationales) que la Ligue Internationale est « une agence politique au service de la bureaucratie du Kremlin » et que son principal dirigeant, Michel Varga, est « un agent du Guépéou » avec, accessoirement, un passé au service de la CIA.
Pendant des années, l'OCI a non seulement collaboré avec Varga au sein du même regroupement international et de la même organisation nationale, mais elle était prodigue de flatteries à son égard, d'exagérations à l'égard des activités politiques et organisationnelles de la Ligue des Révolutionnaires Socialistes de Hongrie. Pendant des années, elle a contribué à jeter un voile pudique sur ce qu'il y avait de plus contestable, de plus étranger aux positions socialistes dans le passé politique de Varga - ancien collaborateur d'Imre Nagy pendant la révolution hongroise - , lorsqu'elle n'est pas allée jusqu'à même mettre en avant ce passé et tenter de s'en servir politiquement. Et maintenant que la rupture est consommée l'OCI ressort des textes de Varga, vieux de quinze ans, textes qui expriment des positions qui n'ont certes rien à voir avec les positions révolutionnaires socialistes, mais que l'OCI connaissait parfaitement au temps où Varga était un des dirigeants du comité international.
La complicité à l'égard de ce qu'il y avait à critiquer dans le passé politique de Varga a cédé la place aux injures les plus basses et aux calomnies les plus ignobles. La seule raison de ce changement est que Varga a rendu publics un certain nombre de désaccords politiques avec l'OCI
Les calomnies et les basses manoeuvres qui entourent la scission du Comité International ne constituent pas un aspect secondaire par rapport aux motifs politiques invoqués, mais, au contraire, le fond du problème. C'est parce que tous les regroupements internationaux issus de l'éclatement de la IVe Internationale sont gangrenés par les pratiques dont celles de l'OCI ne constituent qu'une illustration extrême, que toutes leurs tentatives de créer une direction internationale se soldent par des fiasco.
L'éclatement du Comité International
Le fiasco du Comité International est patent, et le remplacement par l'organisation qui fut politiquement à l'origine de ce regroupement international de l'ancienne étiquette par une nouvelle, celle de « Comité d'Organisation », le consacre en quelque sorte officiellement. Pourtant, pendant longtemps, le Comité International avait prétendu représenter - voire représenter seul - la continuité politique et organisationnelle de la IVe Internationale fondée par Trotsky.
Les organisations qui le créèrent en 1953 - la majorité de la section française de la IVe Internationale d'alors, rejointe par la SLL anglaise, le SWP américain notamment - avaient à inscrire à leur actif d'avoir été les seules sections de la IVème Internationale à ne pas suivre la direction de l'époque lorsque, devant l'imminence supposée d'une nouvelle guerre mondiale, elle s'engagea dans la politique « d'entrisme sui generis », impliquant l'intégration dans les partis staliniens (ou réformistes) et l'abandon de la construction d'organisations révolutionnaires prolétariennes indépendantes.
Les thèses patronnées par Pablo, partagées par la majorité des sections de la IVe Internationale d'alors, qui consacrèrent de façon claire l'abandon du terrain du prolétariat par cette organisation, ne constituèrent cependant pas un coup de foudre tombé d'un ciel serein, mais l'aboutissement logique d'une série d'errements opportunistes. Après avoir partagé la responsabilité de ses errements, les organisations à l'origine du CI se sont rebiffées devant le pas ultime.
Mais si, à partir de la rupture de 1952-1953, l'affirmation de la nécessité de combattre le pablisme fut invoquée à tout propos et même hors de propos, si le CI critiqua ultérieurement de façon claire et souvent violente certaines des positions du Secrétariat International les plus étrangères aux positions révolutionnaires socialistes, il fut toujours incapable d'expliquer pourquoi la IVe Internationale a été gangrenée au point de faire siennes en sa grande majorité les thèses pablistes, pourquoi ses cadres se sont adaptés aux courants petits-bourgeois au point de reprendre à leur compte et d'accommoder avec une phraséologie « trotskysante » les idées politiques et les préjugés dominants de ces courants petits-bourgeois ; pourquoi les sections ont été incapables de rompre avec ces cadres, pourquoi elles ont été incapables de créer une nouvelle direction internationale.
Le Comité International, tout au long de son existence de près de vingt ans, a été incapable de répondre à ces questions. Il n'a même pas été capable de les aborder sérieusement. Car le faire eût impliqué que ces organisations se penchent sérieusement non seulement sur leur propre passé, non seulement sur leurs propres responsabilités passées dans l'échec de la IVe Internationale, mais aussi sur leurs pratiques politiques présentes, sur leurs méthodes organisationnelles. Le Comité International a préféré jeter un voile pudique sur le passé, expliquer le pablisme comme une sorte d'accident dû tantôt à la diabolique influence de Pablo, tantôt aux circonstances objectives, sans jamais jeter le pont entre les deux, sans jamais se poser la question de ce qu'aurait dû faire l'Internationale pour que la pression des conditions objectives ne se traduise pas par la mort de l'Internationale. En s'interdisant l'analyse critique sérieuse du passé, le Comité International s'interdisait de prendre les mesures indispensables pour que les pratiques politiques et organisationnelles qui ont conduit l'Internationale à la faillite politique et à l'éclatement organisationnel, ne se perpétuent en son propre sein.
En fait, malgré la dénonciation verbale de plus en plus violente du pablisme au fil des ans, le Comité International est resté le décalque du Secrétariat International pabliste dans ses méthodes organisationnelles, dans ses pratiques politiques faites de manoeuvres de coulisse, de bluff, de variations opportunistes des positions.
Et quant à la continuité politique par rapport à l'Internationale de Trotsky, que le Comité International et le Secrétariat International se disputaient, elle ne peut se mesurer qu'à la capacité de donner des réponses fécondes, conformes aux intérêts de la révolution prolétarienne, aux différents événements politiques intervenus depuis la mort de Trotsky. Or, à côté de certaines critiques justes mais en général partielles des positions pablistes, l'histoire politique du Comité International est émaillée d'erreurs quand il ne s'agit pas de franches trahisons du point de vue révoIutionnaire socialiste. Du soutien à l'organisation nationaliste algérienne MNA à la quasi assimilation du gaullisme à ses débuts au facisme, en passant par l'incapacité de donner une analyse valable de la déstalinisation, pour ne citer pêle-mêle que ces exemples parmi bien d'autres, combien de preuves de l'incapacité du Comité International d'être une direction politique ! De surcroît, en se réclamant de la continuité de la IVe Internationale des années 40 jusqu'à 1952, le Comité International a repris à son compte l'héritage politique de cette organisation qui avait déjà politiquement failli et qui, sur toutes les questions importantes qui se sont posées pendant cette période au mouvement ouvrier, sur l'analyse de tous les phénomènes politiques nouveaux, a abandonné le terrain du prolétariat.
Le CI assume l'héritage politique des errements nationalistes d un certain nombre de sections - dont la section française - pendant la Seconde Guerre mondiale. Il assume le refus de critiquer clairement ses positions et d'en déterminer les causes. Il assume la responsabilité politique et reprend à son compte toutes les analyses de la IVe Internationale des années d'après-guerre concernant les Démocraties Populaires ou la Chine. Même si, en assumant cet héritage, il se trouve en contradiction avec ses propres analyses postérieures à la rupture de 52, portant sur des phénomènes sociaux similaires. Et cela, sans même être capable de se rendre compte qu'il est contradictoire de vilipender la position du Secrétariat International caractérisant Cuba comme un État ouvrier déformé, et d'affubler en même temps la Chine de Mao de ce même qualificatif. Le programme politique du Comité International, dans la mesure où on peut en dégager un par-delà les prises de positions et les attitudes politiques souvent divergentes, voire contradictoires, des sections nationales, était un ensemble pragmatique d'analyses et de prises de positions définies en fonction des opportunités du moment, assaisonnées de passages tronqués du Programme de Transition.
Les sections n'étant pas cimentées par la conscience commune des tâches à entreprendre pour reconstruire l'Internationale, - ce qui eût supposé la compréhension commune des raisons de sa destruction - ni même par le désir commun de s'intéresser aux problèmes qui se posaient aux différentes sections, le Comité International n'a, en fait, jamais été autre chose qu'un conglomérat d'organisations, poursuivant chacune ses propres buts. Le Comité International n'a jamais été une direction internationale, pas même au niveau où il aurait pu l'être, c'est-à-dire une direction susceptible d'aider politiquement au moins les groupes qui le composaient et de leur inspirer confiance.
Les départs successifs, celui du SWP en 1963, parti pour rejoindre le Secrétariat International pabliste (devenu par la même occasion le Secrétariat Unifié) puis la scission de la SLL en 1971, créant son propre regroupement international où elle n'avait plus à disputer l'hégémonie à l'OCI, ont constitué tout au plus des occasions d'accabler ceux qui partaient de tous les pêchés d'Israël, mais non point l'occasion de réfléchir à ce qui n'allait pas dans les méthodes mêmes de la construction de l'Internationale.
Un regroupement international ouvert ?
A première vue, la scission avec la SLL avait néanmoins incité l'OCI sinon à chercher à comprendre les raisons fondamentales de ces échecs répétés, du moins à reconsidérer la prétention selon laquelle le Comité International incarnait, et incarnait seul, la continuité politique et organisationnelle de la IVe Internationale et que, hors du CI, il n'y avait point de salut pour une organisation trotskyste.
C'est ainsi que, dans le numéro 7 de « La Correspondance Internationale » daté de janvier 1973, Stéphane Just porte l'appréciation suivante sur le Comité International : le jamais te CI n'a été un « centre dirigeant », tout simplement parce que la dislocation de la IVe Internationale ne le permettait pas. La dislocation de la IVe Internationale a non seulement des conséquences organisationnelles mais aussi politiques. Les organisations, groupes, militants, qui se réclament du programme de la IVe Internationale, qui se dressent contre le pablisme liquidateur, qui se prononcent pour la reconstruction de la IVie Internationale, n'ont pas l'homogénéité théorique et politique suffisante et il n'existe pas à l'heure actuelle de direction de l'internationale qui se soit formée et sélectionnée dans la lutte politique commune, qui ait l'autorité politique justifiée suffisante, pour que puisse se constituer un « centre dirigeant ». Il n'existe pas de centre dirigeant. »
Affirmation incontestable, quoique fort superficielle. Elle signifie très clairement que, ni organisationnellement, ni même politiquement, le CI ne pourrait avoir la prétention de représenter la continuité de l'Internationale de Trotsky. Elle signifie tout aussi clairement que cette situation n'a pas été créée depuis et par la scission SLL-OCI. Il s'agit par conséquent de tout recréer, et pas seulement à partir des seules organisations de l'ex-CI
Le numéro d'avril 1973, reproduisant une résolution du Bureau international du Comité d'Organisation est également fort explicite sur le sujet : « C'est pourquoi nous ne devons nous faire aucune illusion. La IVie Internationale est entrée depuis longtemps déjà dans une époque de confusion et de scissions. Certes, à cette étape de notre travail commun, le Comité d'Organisation ne saurait revendiquer le rôle de centre dirigeant. Mais il s'agit, dans le combat politique, de le créer comme axe indépendant pour la cristallisation de tous les éléments qui se dégageront des organisations officielles, y compris des organisations du Secrétariat Unifié, recherchant les voies du nouveau parti révolutionnaire, de l'internationale. Certes, encore une fois, nous ne nous faisons aucune illusion : cette nouvelle cristallisation est bien lente, bien douloureuse. Nous devons la commencer. »
On aurait pu se féliciter d'une pareille modestie et d'un pareil sens des réalités inhabituels sous la plume des dirigeants de l'OCI La compréhension et la reconnaissance que la IVe Internationale n'existe plus est un premier pas indispensable sur le chemin de sa reconstruction.
Mais en fait, ce n'est pas la première fois que, pour des raisons d'opportunité, l'OCI fait des déclarations semblables. Étant donnés l'opportunisme et le manque de sérieux profonds de cette organisation et de ses semblables, rien ne les empêche d'affirmer sans la moindre gêne exactement le contraire le lendemain.
C'est ainsi que lors de sa troisième - et dernière - conférence, en 1966, le Comité International avait invité en observateurs un certain nombre d'organisations trotskystes, dont Voix Ouvrière, sur la base d'un texte affirmant notamment que : « l'opportunisme petit-bourgeois sous forme d'une tendance révisionniste cristallisée, pénétrant toutes les sections du mouvement trotskyste, a détruit la IVe Internationale comme organisation fondée sur le Programme de Transition, et exige aujourd'hui une rupture complète avec les méthodes théoriques, politiques et organisationnelles des révisionnistes. »
Mais après avoir entrouvert de la sorte la possibilité qu'une véritable discussion s'engage entre les différentes organisations trotskystes quant aux voies et aux moyens de reconstruire une Internationale reconnue par tous les participants comme morte, le CI l'a refermée aussitôt, en plein milieu de la conférence, en proposant le remplacement de la phrase citée par l'amendement commençant de la manière suivante : « La IVe Internationale s'est défendue et a remporté une victoire sur l'opportunisme petit-bourgeois qui... » etc.
Alors que dans la rédaction d'origine, il était dit que l'Internationale avait été détruite, après l'amendement, elle avait ressuscité et, qui plus est, elle avait remporté une victoire. Et cette Internationale qui avait retrouvé si soudainement sa vigueur, était représentée par le Comité International, bien entendu. Et ceux qui n'acceptaient pas de régler aussi cavalièrement ce qui demeurait la tâche centrale de tous les révolutionnaires de notre époque, étaient aussitôt voués aux gémonies.
Il ne s'agit pas d'un simple rappel du passé ou d'un « faux pas » qui ne se reproduira pas nécessairement demain. Il s'agit d'une absence fondamentale de sérieux, qui se retrouve au-delà de toutes les variations des positions en fonction des opportunités.
Ce n'est pas sans raison que Varga, qui s'en tient aux positions passées du CI, reproche à l'OCI de piétiner allégrement ces positions passées sans même se donner la peine de s'attarder outre-mesure sur les raisons de ce changement de positions qui est tout de même de taille. Plus même, l'OCI parvient à la remarquable performance de présenter ce changement d'attitude lui-même comme se situant dans la droite ligne de sa politique passée.
C'est sur le recto et le verso de la même page de La Vérité du numéro de juillet (pages 93 et 94) que l'on retrouve les deux positions contradictoires, présentées comme l'expression d'une même continuité de pensée.
Reprenant les idées exprimées dans les passages cités ci-dessus, La Vérité affirme notamment : « Comprenant qu'à l'époque actuelle de la situation la IVe Internationale il ne saurait être question de proclamer un centre international dirigeant (SI ou CI) qui, l'expérience du SU et du CI le prouve, ne dirige rien, l'OCI proposera a la deuxième session de la pré-conférence internationale que soit constitué un « Comité d'Organisation pour la reconstruction de la IVème Internationale »...
« Nous constatons que la IVe Internationale proclamée sous la direction de Léon Trotsky en 1938 a été détruite par le pablisme liquidateur comme organisation internationale basée sur le centralisme démocratique. Nous constatons que, pour ne l'avoir pas compris, la direction de la SLL a tenté de se constituer en direction de l'Internationale, en chargeant en paroles le CI d'un rôle de centre international dirigeant, tout en refusant, par ailleurs, d'accomplir les tâches internationales.
Nous constatons ce qui est. Il faut reconstruire la IVe Internationale comme parti mondial de la révolution socialiste... Nous nous constituons, pour accomplir cette tâche, en « comité d'organisation pour la reconstruction de l'Internationale. » Ce faisant, nous resterons fidèles à la résolution adoptée à Londres en 1966, à la troisième Conférence du Comité International dont nous reproduisons dans les pages qui suivent des extraits. »
Et suivent les extraits où il est affirmé entre autres choses que :
« La conférence affirme que la IVe Internationale n'a pas dégénéré. La continuité historique de la IVie Internationale fondée en 1938 par Léon Trotsky, restructurée dans les années 1943-1946, que le pablisme a voulu détruire, en 1950-1953, a été maintenue depuis 1953 par le combat mené par les organisations trotskystes rassemblées dans le Comité International.
En conséquence, la conférence internationale proclame que la continuité de la i IVie lnternationale a été préservée par l'action du Comité International. »
Et voilà. Et ceux qui ne voient dans ces positions successives aucune continuité, si ce n'est dans le caractère lamentable des contorsions d'une « direction » incapable de prendre au sérieux ses propres affirmations, eh bien ceux-là s'attireront assurément les foudres de l'OCI
Quelles sont les raisons de ces nouvelles contorsions ? Les appels du pied multiples lancés en direction d'autres organisations, mêmes membres du SU, laisseraient penser que l'OCI éprouve le besoin de laisser la porte ouverte pour attirer un certain nombre d'organisations, afin de renflouer un regroupement international que les scissions successives ont réduit à peu de choses. D'autant que les crises qui secouent plusieurs organisations du Secrétariat Unifié et qui se sont déjà traduites ou sont en passe de se traduire par des scissions, laissent un petit espoir à l'OCI sur ce plan. Le nouveau regroupement qui pourrait en résulter serait aussi instable que le précédent, il ne permettrait pas d'avancer d'un seul iota sur le chemin de la construction de l'Internationale mais, au fond, qu'importe à l'OCI ? Du moment qu'il y aura là de nouvelles occasions pour de nouveaux communiqués ?
L'OCI se réclame du Programme de Transition. Mais il ne suffit pas d'avoir un programme juste, il faut encore être capable d'appliquer ce programme. Pour mettre en pratique un programme révolutionnaire il faut des organisations bolcheviques, des sections bolcheviques, et non pas des groupements opportunistes qui signent n'importe quoi et qui agissent ensuite à leur guise ou, plus exactement, en fonction des vents dominants de leurs régions respectives.
Même le programme, ces gens-là le triturent tous les jours pour justifier leur opportunisme à la petite semaine. Ces dirigeants-là, ces organisations-là, avec les méthodes qui sont les leurs et quelle que soit la phraséologie momentanément utilisée, ne pourront rien faire d'autre que recommencer éternellement la constitution des mêmes conglomérats hétérogènes d'organisations nationales, condamnés à disparaître aussitôt nés, offrant tout au plus un étroit champ pour toutes sortes de dérisoires manoeuvres d'appareils, alliant le silence complice à l'égard des insuffisances des autres, au caporalisme à l'égard des plus petites organisations, du moins tant que la collaboration dure. Et en y substituant la calomnie dès que la collaboration cesse. Mais où est dans tout cela la construction de l'Internationale ? Où est même simplement l'internationalisme militant ?
Une caricature de caricature
Quant à l'autre regroupement international, celui qui s'est constitué autour de la Ligue des Socialistes de Hongrie et du Comité d'Organisation des Communistes (trotskystes) de l'Europe de l'Est, il n'offre certes pas plus de perspectives.
Les jeunes organisations qui le composent ont été à une bien mauvaise école. Et si de toute évidence, elles ont retenu de leurs mentors politiques quelques-unes de leurs pires déformations comme la grandiloquence, le manque de sérieux et corollairement l'absence totale de capacité d'analyser une situation politique, ne serait-ce que celle du mouvement trotskyste, rien ne prouve pour l'instant qu'elles aient retenu l'infime portion du capital politique trotskyste que le Comité International était susceptible de leur transmettre.
Les raisons principales avancées pour expliquer leur rupture politique avec l'OCI n'augurent en tous cas pas grand-chose de réconfortant pour l'avenir. La proclamation qui tient lieu de manifeste pour le nouveau regroupement intitulé « La Ligue Internationale de reconstruction de la IVe Internationale » prétend se placer dans la continuité de ce Comité International dont l'OCI elle-même reconnaît, ne fut-ce que provisoirement, la faillite. Et c'est au nom de cette continuité qu'elle veut combattre l'OCI
Se proclamant la seule continuatrice du Comité International, la Ligue internationale est finalement logique avec les positions passées du CI en se proclamant la seule continuatrice de la IVe Internationale tout court. C'est la logique de l'absurde.
Comme l'affirme la proclamation « Les organisations et les groupes fondateurs » (de la Ligue Internationale) « proclament que la continuité théorique, politique et organisationnelle de la IVe Internationale fondée en 1938, maintenue et défendue par le Comité International entre 1953 et 1972, est assurée par la Ligue Internationale, héritière de tous les acquis de plus de trente années de l'histoire de la IVe Internationale, à travers notamment le Comité International ».
Et d'ajouter plus loin, apparemment sans gêne, que :
« ...La Quatrième Internationale existe et lutte Aujourd'hui c'est la Ligue Internationale qui, en dépit de sa faiblesse, assume la tâche de résoudre la crise historique de l'humanité - celle de la direction révolutionnaire du prolétariat mondial- car elle est la continuité du bolchevisme ».
Oh, certes, la continuité politique - car parler de continuité organisationnelle dans le cas de la Ligue est tout simplement risible - n'est pas une affaire de force numérique. Mais pour pouvoir prétendre représenter cette continuité-là, il ne suffit pas de la proclamer. Quel est le bilan politique des organisations et de la direction, qui ont pris l'initiative de créer une nouvelle - et à leur avis seule organisation trotskyste internationale ? Quelques années passées au sein du Comité International en épousant toutes les contorsions politiques de ce dernier, par conviction ce qui ne constitue pas un bilan positif, ou par compromission, ce qui est pire. Quelques années pendant lesquelles ces organisations ont fait leur, ou en tout cas cautionné, les pratiques et les méthodes des organisations membres du CI, y compris les méthodes dont elles sont aujourd'hui les victimes. Car tout de même, les membres de ces organisation sont été en général également membres de l'OCI, et Varga était même membre du bureau politique de cette organisation. Comment pourraient-ils prétendre qu'ils ignoraient tout des calomnies et des injures dont l'OCI a fait une spécialité et qui ne date pas d'aujourd'hui ? Ou s'ils l'ignoraient réellement, à quelle direction peuvent prétendre des militants et des cadres qui ne sont même pas capables de voir ce qui se déroule devant leur nez ?
Quant aux positions et analyses politiques, le seul bilan que peut présenter la Ligue Internationale est d'avoir décalqué les siennes sur celles, dérisoires, du Comité International.
Alors, certes, il y a une place dans la construction de l'Internationale pour les militants qui composent les organisations de la Ligue Internationale, comme d'ailleurs pour tous les militants trotskystes. D'autant qu'il est incontestable qu'on ne peut pas même parler d'un embryon d'organisation internationale révolutionnaire sans un travail engagé en direction des pays sous la férule de la bureaucratie stalinienne. Mais ce n'est pas en s'engageant dans la direction dans laquelle ces organisations se sont engagées qu'elles contribueront aussi peu que ce soit à la naissance d'une internationale digne de ce nom.