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Les militants révolutionnaires et l'activité syndicale en France (IV)
Nous avons vu dans les précédents articles de cette série les principes qui devaient guider l'activité syndicale des révolutionnaires étant donnée la situation française et, en particulier, nous avons tenté de montrer que les accusations d'anti-syndicalisme que portaient contre nous les groupes français du SU et du CI ne reposaient que sur un alignement, sinon formulé du moins de facto, de ces groupes respectivement à la bureaucratie stalinienne et à la bureaucratie réformiste.
Les militants du PCI (Secrétariat Unifié) nous reprochent principalement d'exprimer, par les bulletins Voix Ouvrière, des critiques publiques contre la CGT et les syndicats en général, ce qu'il ne faut pas faire, selon eux, parce que, d'une part cela nous « couperait » des militants syndicaux et, d'autre part cela inciterait les travailleurs à déserter encore plus les syndicats. Réserver leur activité et leurs critiques uniquement à l'intérieur de la CGT amène ces camarades à ne formuler en fait aucune critique autrement que clandestine et à ne mener dans les entreprises qu'un travail au sein de l'appareil syndical, sans le contrôle de prises de positions publiques vis-à-vis de l'ensemble des travailleurs. Pour ceux-ci, comme pour les membres de base des syndicats CGT, les militants du PCI, et leurs positions, sont indiscernables de ceux et celles de la bureaucratie stalinienne.
Quant à l'OCI (Comité International) elle nous reproche de « ne pas avoir d'activité syndicale » ou même d'y être opposés, sous prétexte que nous serions opposés à militer à l'intérieur des appareils bureaucratiques, c'est-à-dire au niveau des Fédérations, des Congrès, etc... Ce à quoi nous serions opposés c'est au fait de n'avoir, comme l'OCI, pour seule activité syndicale que cette action au sein de l'appareil Force Ouvrière (l'action au sein des syndicats d'enseignants est en dehors de la question car il ne s'agit pas à proprement parler de syndicats ouvriers). Force Ouvrière est largement minoritaire en France, aucun travailleur n'a les yeux fixés sur ce qui s'y passe, les interventions de trotskystes en son sein, leurs défaites ou leurs victoires (et il faut voir lesquelles) restent inconnues même d'une minorité des travailleurs. Aucun succès au sein de cet appareil ne peut avoir la moindre influence sur la situation de la classe ouvrière française qui est surtout dominée par la CGT (aux mains des staliniens), le syndicat F.0. étant depuis déjà longtemps presque totalement déconsidéré.
L'activité que mènent les militants de l'OCI au sein de l'appareil FO, n'est qu'un simulacre d'activité syndicale, qui revient en fait à masquer des liens et des rapports sans principes avec des éléments réformistes ou petits-bourgeois, souvent parmi les plus corrompus du mouvement ouvrier, en baptisant la chose du nom d'activité syndicale afin de la recouvrir du Programme de Transition ; le Programme étant utilisé ici, comme dans bien d'autres domaines, pour masquer les problèmes et non pour les éclaircir.
L'OCI dans sa presse « monte en épingle » tous les événements qui se déroulent au sein de Force Ouvrière comme s'ils avaient réellement une importance sur le plan national, le devenir de la classe ouvrière française, l'évolution des rapports de force en son sein ou entre elle et la bourgeoisie. Cela afin de justifier la présence de militants de l'OCI au sein de l'appareil FO et surtout de justifier leurs alliances ou leurs compromis avec certains éléments de cette bureaucratie. Ce n'est pas parce que certains de ces éléments ont des responsabilités syndicales même élevées qu'ils ont une influence quelconque sur la classe ouvrière (nous examinerons ce problème plus précisément un peu plus loin) ou surtout qu'ils jouent, ou qu'ils souhaitent jouer, un rôle déterminant pour la prise de conscience des travailleurs dans un sens, nous ne disons même pas révolutionnaire, mais simplement progressif, celui du renforcement de la position des travailleurs par rapport à l'État, au patronat ou au stalinisme.
La raison de cette attitude est que l'OCI a pour principale activité de militer par ce qu'on pourrait appeler des « regroupements ».
Le principe de ces « regroupements » repose sur une conception formaliste et superficielle du « front unique ». Il ne s'agit pas là d'une erreur théorique, mais de la justification théorique d'une adaptation passive aux courants petits-bourgeois au sein du mouvement ouvrier (et enseignant) due principalement à l'absence de méthodologie organisationnelle de l'OCI.
Il s'agit d'abord de trouver une « plate-forme » susceptible de « regrouper » le maximum de « militants ouvriers » ou de « militants révolutionnaires ». Puis on rédige un texte et l'on fait signer ce texte par le maximum de militants connus ou inconnus, mais qui, bien entendu, lorsqu'ils sont syndicalistes appartiennent toujours, à de très rares exceptions près, aux syndicats d'enseignants ou à FO, tout en le faisant approuver quand on le peut par quelques dizaines de travailleurs du rang ; et l'on organise enfin une réunion à laquelle sont invités tous les signataires (ou tous ceux qui approuvent). C'est alors l'apothéose : on peut faire état de centaines de « travailleurs », ou de « jeunes ». S'il s'agissait effectivement d'un « front unique » orienté vers une action quelconque il n'y aurait rien à dire, au contraire. Mais il ne s'agit pas de cela, loin de là : le regroupement est un but en soi, et cela suffit... jusqu'à la prochaine fois. La seule activité du « regroupement » est de faire signer ou approuver la plate-forme mais surtout pas de mettre à profit l'influence des signataires (quand il s'agit de militants « connus » ) ou leur audience (dans le cas de militants ayant fait approuver la plate-forme par de « nombreux » travailleurs) pour engager une action quelconque dans le sens du programme commun.
C'est ainsi qu'en quelques six ou sept ans, nous avons connu le regroupement des signataires de « l'appel des syndicalistes révolutionnaires » qui fournit quelques mois d'activité aux militants de l'OCI et se termina, au plein sens du terme, par la réunion de 400 « syndicalistes » dans une salle de la Bourse du Travail à Paris (en réalité les participants s'ils étaient révolutionnaires étaient loin d'être tous des syndicalistes).
Puis, plus récemment nous avons connu « l'appel de Nantes », appel rédigé par des militants nantais le jour où avait lieu dans cette ville une manifestation importante organisée par les directions syndicales de la région pour protester contre des licenciements intervenus aux Chantiers navals de Saint-Nazaire. Notons en passant que l'annonce de cet appel parut dans les publications de l OCI - ce fut repris sous la même forme par le Newsletter - d'une façon suffisamment tendancieuse pour qu'un lecteur pas très attentif puisse croire que c'étaient les 40 000 manifestants de la journée qui avaient lancé cet appel (ce sont de tels procédés qui caractérisent, ou plutôt mettent en lumière, le manque de sérieux de l'OCI). La signature et la préparation d'une « manifestation » à Paris, fournit ainsi le cadre et le support de l'activité des militants de l'OCI pendant plusieurs mois (plus d'un an) jusqu'à ce que la réunion de « 7 à 800 travailleurs » salle Lancry (en réalité 500 personnes dont les deux tiers de jeunes étudiants et d'enseignants) clôture et termine la chose.
Plus près de nous encore ce fut le « regroupement pour les Assises Nationales -d'Unité » qui réunit à la Mutualité, le 25 juin 1967, 800 personnes de même composition sociale, sur les mêmes bases, c'est-à-dire sur des prises de position qui ne sont ni un programme ni une plate-forme puisque cela n'engage personne et que, de toutes façons, ceux qui se réunissent ainsi ne sont pas organisés pour mettre le programme en chantier, si même ils en avaient le désir.
Tout cela ne serait que matière à rire si ce type d'activité n'entraînait l'OCI à rechercher l'accord sur le papier de militants, en général réformistes (même lorsqu'ils ont un passé anarcho-syndicaliste, ce qui n'est pas toujours le cas) au prix de compromissions politiques se traduisant généralement par un acquiescement total et sans principes à l'ensemble du comportement et de l'attitude de ces militants dans leur activité quotidienne.
Et ces compromissions sont de calibre différent . La moins grave revient simplement à accorder une importance hors de proportion avec leur influence ou avec leur originalité ou leur signification réelle, à des mouvements auxquels certains militants « amis » participaient en tant que responsables syndicaux (aux côtés de ceux de la CGT ou de la CFDT et pas forcément avec un rôle déterminant : la CGT et la CFDT tenant beaucoup à « l'unité syndicale » de façade invitent systématiquement les représentants de FO même s'ils n'ont aucune influence sur le terrain). Nous avons vu ainsi le rôle de l'U.D.-FO de Loire atlantique monté en épingle, lors de la grève des mensuels à Saint-Nazaire (voir I.O. n° 332 et LDC n° 4) et dans le même temps la grève de Dassault à Bordeaux éclairée des feux de la rampe de la presse OCI. Cette grève aurait été la seule grève victorieuse de la période (ce qui est à peu près juste) parce que « l'unité syndicale » aurait été complète et la tactique syndicale on ne peut plus juste. En réalité la politique de la CGT et la CFDT ayant été la même que partout ailleurs, celle de FO a été ipso facto la même aussi. Au risque de déplaire aux militants à qui il ne s'agit pas de faire la cour - nous les estimons assez pour les croire au dessus de cela - nous pensons que, indépendamment des autres caractères de cette grève dont nous avons largement parlé en son temps, si les grévistes obtinrent en grande partie satisfaction ce ne fut pas grâce à une tactique syndicale meilleure que celle qui conduisit à des défaites partout ailleurs, mais grâce à la grande combativité des travailleurs d'une part, et au fait, d'autre part, que cette grève se situait en période préélectorale. Et ce dans une ville dont le candidat à la députation sortant, maire par surcroît, était un membre du gouvernement, tandis que l'entreprise impliquée était une compagnie d'aviation travaillant pour l'armée et dont le propriétaire Dassault est un gaulliste notoire. C'est un fait connu que le député maire intervint avec accord de De Gaulle auprès de Dassault pour obtenir qu'il cède. Sans compter que ces circonstances préélectorales n'étaient pas tout à fait étrangères à la relative combativité des staliniens.
De la même façon, en avril 1966, l'OCI fit état d'une sensationnelle victoire de son activité syndicale : une opposition syndicale « Lutte de Classe » s'était révélée au cours du Congrès national de la CGT-FO.
Nous voudrions pouvoir citer l'ensemble des interventions des délégués de cette tendance ; le ton de ces interventions - nous ne parlons que des interventions des militants de l'OCI - était bien révélateur de ce que nous appelons « céder à la pression du milieu ». Il n'était pas le ton de militants révolutionnaires s'exprimant librement et publiquement. Partout il n'est question que de « mon camarade Bergeron » (secrétaire général de la CGT-FO), les propositions de la tendance sont faites dans le but de renforcer FO, et la CGT n'est présentée que comme l'adversaire. L'un d'eux a même dit, on parlant des dirigeants CGT, du haut de la tribune d'un Congrès de Force Ouvrière, que c'étaient des « canailles ». Cet adjectif nous parait véridique et ce n'est pas lui qui nous choque dans la bouche de ce camarade, ce qui nous choque c'est qu'il traite Bergeron de « camarade », alors que ce dernier n'a rien à envier, au contraire, dans ce domaine à ses homologues de la CGT. Ce que nous reprochons aux camarades de l'OCI c'est dans leur activité syndicale, illustrée par leurs interventions à ce Congrès, de se présenter comme les défenseurs (les meilleurs) des intérêts de boutique de FO (qui coïncideraient pour la circonstance avec les intérêts de classe des travailleurs).
Cette tendance « Lutte de Classe » s'était regroupée autour d'une position on ne peut plus juste : elle reprochait au Bureau Confédéral son inertie face aux mouvements sociaux de l'époque dans le cadre bien particulier des « grèves tournantes » ou partielles déclenchées par la CGT et la CFDT, grèves qui ne servent qu'à briser la combativité des travailleurs et à désamorcer d'éventuels mouvements plus violents et plus efficaces. Mais les camarades de cette tendance - et ceux qui nous intéressent ici sont ceux qui appartiennent à l'OCI - ne combattent le Bureau Confédéral qu'à fleuret moucheté, par souci d'efficacité sans doute.
Pour tout travailleur conscient, et en particulier pour tout travailleur dont les sympathies vont à la CGT (la majorité), voir et entendre les militants trotskystes traiter les dirigeants cégétistes de « canaille », ceux du PC d'«assassins», tandis qu'ils appellent Bergeron « camarade » ne peut guère le convaincre que d'une seule chose : c'est que trotskystes et sociaux-démocrates ne sont qu'une seule et même espèce ; les critiques des premiers se font sur la gauche, des seconds sur la droite, mais ils se comportent comme larrons en foire et ne sont finalement les uns et les autres que des adversaires du communisme.
Quelle valeur peuvent prendre pour un travailleur de la CGT les critiques de ses dirigeants faites par un « camarade » de Bergeron ?
Il y aurait beaucoup à dire ainsi des raisons de l'attitude des camarades de l'OCI vis-à-vis d'une tendance comme celle de Labi. Non pas que la plupart des critiques formulées contre Labi ne soient pas justes ; mais contre Labi, tout est bon ! Et les credos de l'OCI se déchaînent presque plus contre cette tendance que contre le Bureau Confédéral. Labi serait d'après l'OCI plus partisan d'une intégration à l'État que ne l'est le Bureau Confédéral. Ce serait là une des contradictions au sein de l'appareil. Voire ! C'est faire là bien d'honneur au Bureau Confédéral et c'est l'excuse de toute une stratégie manoeuvrière, de bon nombre de membres de cet appareil, faite de beaucoup de soutien à la direction de FO.
Or Labi est partisan aussi de l'unité avec la CGT, et en cela il est un adversaire bien plus gênant pour la Bureau Confédéral. L'OCI se débarrasse de la chose en affirmant que Labi est pour l'unité car il est « plus facile d'intégrer une seule Centrale » ( « Informations Ouvrières » n° 24 de mai 1966), ce qui est un non-sens, et par surcroît de mauvaise foi, car si une centrale est « inintégrable » dans les circonstances actuelles, c'est la CGT et pas FO. Pour être intégrée, si ce vocable cher à l'OCI a un sens, sous cette forme, il faudrait que la CGT et le PCF ne soient plus ce qu'ils sont à l'heure actuelle (ils sont en voie de changer mais ce n'est pas encore fait) tandis que FO n'aurait vraiment aucun retournement à accomplir. La fusion des deux ne rendrait sûrement pas l'intégration de FO plus facile (il est vrai que cela faciliterait certainement « l'intégration » de la CGT).
Et en attaquant Labi à boulets rouges, les camarades de l'OCI et les militants qu'ils soutiennent, tel Hébert, (qui est allé frapper Labi à la tribune lors de ce Congrès, sous l'oeil hilare et approbateur du Bureau Confédéral), apportent un soutien non négligeable aux dirigeants de FO. En présentant une deuxième motion d'opposition, contre celle de Labi, ils ont d'ailleurs réparti les voix de l'opposition.
Tout cela n'est d'ailleurs que la tendance générale de la politique des militants de l'OCI au sein de la CGT-FO, et cela est dû aux rapports que son type d'activité, son orientation, l'amènent à entretenir avec certains militants de cet appareil syndical réformiste.
Il y a quelques années, au début du gaullisme, l'orientation principale de l'OCI au sein des syndicats était de « s'opposer à l'intégration des syndicats à l'État ».
Nous ne discuterons pas ici de la confusion voulue ou involontaire qu'il y a à mettre sur le même pied l'intégration brutale des syndicats à l'État que réalise le fascisme en détruisant les appareils réformistes ou staliniens pour les remplacer par un syndicat « fasciste », et la tendance générale des États à l'époque de l'impérialisme à assimiler les appareils syndicaux réformistes, sans les détruire, au contraire, et qui n'est ni plus ni moins importante sous de Gaulle que sous les gouvernements qui l'ont précédé - à l'exception sans doute de l'immédiat après guerre où cette évolution fut bien plus rapide.
L'OCI n'a jamais fait cette distinction dans ses textes qui faisaient généralement état d'un avenir cataclysmique (au point d'ailleurs de considérer chaque grève comme dangereuse ou aventuriste et de s'y opposer en certaines circonstances, S.E.V. en 1960 par exemple).
Il est vrai que pour l'OCI le gaullisme n'était pas le fascisme mais une défaite pour la classe ouvrière « comparable à celle du 1er janvier 1933 ».
Mais cette analyse a permis à l'OCI de se donner une raison de soutenir certains syndicalistes de Force Ouvrière. Tous ceux qui s'opposaient à l'intégration des syndicats à l'État étaient à soutenir. Et, bien sûr, certains réformistes se défendaient contre « l'intégration » ne serait-ce que pour se défendre eux-mêmes. Et voilà.
C'est ainsi que l'OCI pouvait s'allier avec Hébert, déjà cité, lequel pouvait dans les Congrès voter le rapport moral de Bothereau : que ne ferait-on pas pour aider les syndicats à ne pas être « intégrés à l'État ».
Le triste - ou le comique c'est une affaire de perspectives - de l'histoire, c'est que s'il y a un appareil syndical intégré à l'appareil d'État, sur tous ceux qui existent en France, c'est bien l'appareil réformiste de FO.
La CGT-FO fut pratiquement créée sur les ordres du gouvernement en 1947, au moyen de l'ancien appareil réformiste, pour faire pièce aux staliniens qui venaient de quitter le gouvernement, au début de la guerre froide, et qui avaient en mains la CGT.
Pendant dix ans la CGT-FO fut un syndicat gouvernemental s'il en fût. Elle ne put exister pendant cette période que fort peu grâce aux cotisations de ses membres et beaucoup grâce aux subsides gouvernementaux (un fond spécial fut créé pour donner des bourses syndicales pour « l'amélioration de la productivité » ), grâce aussi aux positions qui furent reconnues à FO au sein des diverses administrations et qui n'étaient pas en rapport avec son influence (Banque de France, SNCF, Air France, Conseil d'État, Conseil Economique, banques nationalisées, etc... où les grandes confédérations syndicales ont des administrateurs, sans compter les « conquêtes » de la Libération : Sécurité Sociale, etc...). Jusqu'à des fonds d'Irving Brown qui atterrirent dans l'escarcelle de FO en cette période : c'était même de l'intégration, par réformiste interposé, à l'appareil d'État américain.
C'est à consacrer toutes nos forces à l'action dans l'appareil de ce syndicat que nous nous refusons. Et c'est cela qui nous fait accuser par l'OCI d'antisyndicalisme. C'est la preuve que la maladie a déjà fait bien des ravages.
Ce n'est pas, encore une fois, que toute activité de cet ordre soit inutile. Nous disons seulement, et l'expérience de l'OCI le montre, qu'une organisation révolutionnaire, tant qu'elle n'est qu'un petit groupe dont le recrutement ouvrier est faible, doit veiller à ne pas permettre à ses membres de militer exclusivement dans leur milieu quand ils sont d'origine petite-bourgeoise, et ne doit pas, lorsque ce sont des ouvriers, limiter leur activité au seul milieu « syndical », surtout s'il s'agit d'un milieu réformiste. L'adaptation politique aux influences de ces milieux est le résultat quasi inéluctable de cette absence de méthodologie organisationnelle.
La CGT-FO peut être le tremplin, le moyen, par lequel on peut agir, dans certaines circonstances, sur l'appareil stalinien de la CGT qui lui, et lui seul, sauf dans certains milieux limités, possède l'influence sur les travailleurs.
Par l'intermédiaire de la CGT-FO les militants ouvriers révolutionnaires peuvent intervenir publiquement en tant que militants syndicaux, ce qui leur est refusé au sein de l'appareil syndical contrôlé par les staliniens.
Mais il ne peut être question de conquérir la moindre influence sur la classe ouvrière française et espérer diriger ses combats à venir par l'intermédiaire de FO. Il s'agit d'un appareil trop compromis, qui n'a pas et n'aura plus jamais la confiance des masses (excepté dans des secteurs limités à l'audience de quelques militants de base honnêtes et connus comme tels, ou encore dans certaines branches comme les Services Publics).
Le travail au sein de la CGT-FO ne peut donc être qu'une partie, une faible partie, d'un tout qui comprend obligatoirement l'activité plus ou moins clandestine au sein de la CGT comme activité purement syndicale, une activité politique, publique, large au sein des entreprises, ainsi qu'une activité directe, clandestine ou pas, auprès des militants staliniens.
Réduit à lui-même, le travail au sein de la CGT-FO, même en y ajoutant une activité dans les syndicats d'enseignants, n'est pas une activité syndicale, c'en est un simulacre et d'autant plus dangereux politiquement qu'il est présenté comme essentiel ou déterminant par la presse de l'OCI, ce qui ne peut que détourner ses militants du patient travail de construction du parti révolutionnaire au profit d'activités plus bruyantes qu'efficaces.
Nota : nous n'avons pas fait allusion dans cette série d'articles à l'un des reproches que nous fait l'OCI à propos du rôle que nous avons joué en 1947-1949 dans la création d'un syndicat « minoritaire » chez Renault, parce qu'il s'est agit là d'un problème tactique lié à la situation du moment. La création de tels syndicats n'était pas une orientation générale de notre tendance pas plus qu'elle ne l'est aujourd'hui. Nous rappelons seulement qu'à l'époque FO n'existait pas en tant qu'appareil indépendant, et que nos militants ainsi que les centaines de travailleurs qu'ils influençaient n'ont rien fait d'autre que ce qu'ont fait plus tard les militants de l'OCI qui allèrent chercher dans FO, le cadre d'une activité syndicale qu'ils ne pouvaient plus avoir dans celui de la CGT. Si ce que nous avons choisi de faire à l'époque est contraire au Programme de Transition, rejoindre FO, syndicat minoritaire s'il en est, doit y être contraire aussi !