Des voies et des moyens de la reconstruction de la IVe Internationale01/01/19681968Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Des voies et des moyens de la reconstruction de la IVe Internationale

Face à la campagne de calomnies et de violences que le Parti Communiste Français mène actuellement contre tout ce qui se trouve sur sa gauche, il est souhaitable, sinon nécessaire, que les militants et les organisations qui se réclament du trotskysme soient capables d'opposer un front unique sans faille.

Et si les différentes tendances du mouvement trotskyste parvenaient, malgré leurs divergences politiques, à mener, chaque fois que nécessaire, des actions communes, cela nous semblerait plus riche de promesses, pour la reconstruction de la Quatrième Internationale, que bien des « congrès mondiaux », ou que bien des « conférences internationales » ; parce que cela révélerait un profond changement d'attitude de la plupart de ces tendances.

Il est certain que le militant qui prend conscience du rôle réel du stalinisme, et qui se tourne vers le mouvement trotskyste, est généralement décontenancé par la division de celui-ci en multiples fractions rivales, en multiples « Internationales » même. Et la première idée qui vient alors à l'esprit, c'est de se demander pourquoi tous ces groupes, qui se réclament finalement d'un même drapeau, ne peuvent résoudre une bonne fois pour toutes, par la discussion, leurs divergences.

Le problème n'est bien sûr pas si simple, ainsi que le montrent trente années d'histoire de la Quatrième Internationale, de scissions en réunifications, et de ramifications en nouvelles scissions, où ce ne sont pas les discussions ni les polémiques qui ont manqué le plus.

Mais, sous des formes plus ou moins voilées, cette idée qu'entre gens de bonne foi, la simple discussion de toutes les divergences politiques en présence pourrait suffire pour résoudre les désaccords qui opposent les différentes fractions du mouvement trotskyste, se retrouve au sein de ce mouvement lui-même.

C'est ainsi que le PCI (tendance Frank), juste après avoir affirmé : « Il est vrai que les problèmes qui nous divisent ne peuvent être réglés simplement par une ou plusieurs réunions contradictoires »... et « Loin de nous l'idée de la possibilité d'effacer les scissions et les clivages politiques par le coup de baguette magique de la « bonne volonté ». écrivait en mars 1967, dans une lettre qu'il nous adressait : « Nous pensons que le seul moyen d'atténuer les conséquences négatives de l'actuelle division, et même d'en tirer parti, c'est d'introduire un débat large sur toutes les questions qui nous opposent »... et, après une longue leçon sur les bienfaits de la discussion dans le mouvement ouvrier, le rédacteur concluait : « le repli sur soi-même, la peur du débat, la crainte d'exposer vos militants à des idées extérieures ne seront profitables ni à l'ensemble du mouvement trotskyste en France, ni en dernière analyse, à votre organisation elle-même. »

Nous n'avons pas peur du débat, nous ne craignons nullement d'exposer nos militants à des idées extérieures. Nous sommes, bien au contraire, favorables à la plus large discussion avec les autres tendances du mouvement trotskyste. Mais certainement pas sous la forme que nous proposait le PCI, c'est-à-dire sous celle de réunions publiques communes consacrées à débattre de nos divergences politiques.

Il est faux de croire que l'élaboration, ou la confrontation des idées politiques, puissent valablement se faire autrement que par écrit. Or nos divergences ne découlent pas d'un malentendu par défaut d'information, du moins ne ferons-nous pas l'injure à nos camarades du PCI de le supposer. Nous avons pour notre part édité de nombreuses brochures où nous développons nos positions sur tous les points en litige. Et si nous publions la « Lutte de Classe », c'est bien pour pouvoir exposer nos idées, et discuter celles des autres tendances, auprès de tous les courants du mouvement trotskyste international. Cela nous semble infiniment plus sérieux que toute discussion « contradictoire » en salle close.

Mais il nous faut reconnaître que nos efforts n'ont pas été couronnés de succès, en ce sens que nos prises de position écrites n'ont guère soulevé d'échos chez ceux-là même qui nous accusent de refuser la discussion.

Nous avons publié de nombreux articles critiquant les analyses du PCI concernant les démocraties populaires, la révolution coloniale, ou le problème de la reconstruction de l'Internationale. Nous attendons toujours une réponse.

Il est vrai que cette attitude n'est pas propre à cette tendance. En 1966, la discussion préparatoire à la conférence de Londres du Comité International a été réduite à sa plus simple expression. L'OCI n'a pas cru devoir prendre en considération notre proposition d'éditer un bulletin intérieur commun régulier. Les articles publiés dans « Voix Ouvrière » à propos de cette conférence, n'ont avant celle-ci reçu aucune réponse. Mieux même, nous nous sommes aperçus à Londres que nos camarades anglais ignoraient tout de nos positions politiques. C'est dire le sérieux avec lequel le CI mène son activité.

Nous regrettons profondément cette attitude, tout en étant persuadés que ce n'est pas la discussion qui peut régler tous nos problèmes.

Si nos divergences existent et se perpétuent, cela tient en effet pour une bonne part à la faible prise du mouvement trotskyste, dans son ensemble, sur les événements. Et cela, les camarades du PCI en sont conscients eux aussi, puisqu'ils écrivaient dans la lettre précitée : « Il est vrai que le critère de validité de nos thèses respectives est, en dernière analyse, la vérification dans la pratique politique. » La faiblesse numérique des organisations trotskystes réduit considérablement, à elle seule, les possibilités d'une telle vérification.

Mais il y a divergences et divergences. Nous sommes convaincus que des tendances politiques multiples, pourraient fort bien coexister au sein d'une Internationale digne de ce nom. Et nous tenons à préciser que ce n'est pas parce que nous avions une position politique originale sur tel ou tel sujet que nous sommes à l'écart depuis 1940 de la Quatrième Internationale, ou du moins des organisations qui se prétendent telles.

Si nous n'avions été séparés de l'organisation qui se reconstitua en 1944 en France sous le nom de PCI que par des divergences sur tel ou tel point, notre devoir aurait incontestablement été d'accepter l'unification, et de défendre notre point de vue à l'intérieur de l'organisation unifiée.

Nous avons choisi de mener une existence séparée, nous avons pris cette responsabilité pour des raisons infiniment plus graves. Parce que les pratiques organisationnelles du PCI d'abord, de la Quatrième Internationale reconstituée ensuite, nous sont apparues indignes d'une organisation révolutionnaire prolétarienne, parce que ces organisations ne nous paraissaient pas viables en tant qu'organisations révolutionnaires.

Ces moeurs petites-bourgeoises étaient particulièrement manifestes dans le pardon réciproque des offenses politiques que s'accordaient les dirigeants entre eux.

Le fait que les organisations françaises qui devaient donner naissance au PCI aient défendu en 1940 des positions nationalistes reflète bien la pression qu'elles subissaient de la part de la petite bourgeoisie. Mais ce qui est infiniment plus grave, c'est que, tout en ayant modifié sa position, l'organisation unifiée qui se formait en 1944 préférait jeter un voile pudique sur le passé, plutôt que de rechercher les causes de telles erreurs, et de critiquer impitoyablement les responsables. De telles pratiques, où les considérations personnelles prennent le pas sur les nécessités politiques, sont parfaitement caractéristiques d'un comportement petit-bourgeois, et elles ne peuvent que condamner une organisation à l'impuissance politique.

C'est pour cela que nous nous sommes refusés à « rentrer pour discuter ensuite », parce que, sur ces bases-là, le PCI nous semblait irrémédiablement condamné dès le départ. D'autant d'ailleurs, c'est important et nous y reviendrons plus loin, que les pratiques internes tant du PCI que de la Quatrième Internationale, ne nous auraient pas permis de discuter « ensuite ».

Nous avons fait appel de l'Internationale, qui s'était elle aussi reconstituée. Mais le refus de celle-ci de prendre le problème en considération, la pratique de méthodes semblables dans bien d'autres sections nationales, montraient que le problème ne se limitait nullement à la section française.

Les pratiques que nous dénoncions en 1944 n'ont pas disparu, bien au contraire hélas, du mouvement trotskyste. Changer de position sur tel ou tel problème capital, sans se donner la peine de formuler une critique claire et franche de la position de la veille, y est toujours monnaie courante, et cela quelle que soit la fraction de l'Internationale considérée.

Vingt ans d'histoire n'ont fait que confirmer le diagnostic ébauché en 1944. La Quatrième Internationale, celle qui fut fondée par Léon Trotsky en 1938, est morte en 1940. Et l'organisation qui prétendit lui succéder, comme celles issues de ses différentes scissions, ne peuvent absolument pas être considérées comme une direction internationale digne de ce nom.

Cette constatation est évidemment le point essentiel qui nous oppose aux différents autres groupes se réclamant du trotskysme en France. Et ce qui les oppose entre eux, c'est d'être affiliés chacun à une organisation qui se prétend l'Internationale, ou qui se comporte comme si elle l'était.

Pour nous, le problème capital qu'il faut discuter, est donc un problème organisationnel. Mais pour tous ces camarades-là, il ne semble pas y avoir de problèmes organisationnels qui se posent.

Le PCI considère pour sa part que, s'il y a en France plusieurs organisations se réclamant du trotskysme, c'est un phénomène purement national. « Pas plus que vous - nous écrit-il - nous ne savons si le mouvement trotskyste pourra s'unifier en France, COMME IL L'A FAIT AU NIVEAU INTERNATIONAL EN 1963 » (c'est nous qui soulignons). Et il suffit de lire la revue « Quatrième Internationale » pour voir que, pour les dirigeants du Secrétariat Unifié, malgré les scissions et les crises, tout est pour le mieux dans la meilleure des organisations mondiales.

La lecture des comptes-rendus de congrès serait à cet égard fort réjouissante s'il ne s'agissait pas d'un problème aussi grave.

Au « Deuxième congrès mondial » qui se tenait à Paris, en 1948, le secrétaire de l'Internationale déclarait : « Nous sommes réellement en présence de l'assemblée internationale la plus représentative qui ait jamais été réunie par notre mouvement international depuis sa fondation. »

L'éditorial de « Quatrième Internationale » consacré au « Troisième congrès mondial » (1951), disait pour sa part : « Jamais dans le passé on n'avait connu cette atmosphère de sûreté, de conviction, d'optimisme, d'homogénéité réelle du mouvement trotskyste... Tous ceux qui participèrent au Troisième congrès mondial avaient le sentiment de se tenir, fermes, sur un terrain solide,.. inflexibles, prêts à affronter l'orage apocalyptique qui approche avec un optimisme révolutionnaire décuplé quant à l'issue finale de la lutte ». C'était pourtant, rappelons-le, le congrès où s'amorçait la scission qui allait donner naissance au Comité International !

Il est vrai qu'au cinquième congrès (1957), Pablo caractérisait ainsi cette scission : « Cette crise dans nos rangs survenait à un moment où les conditions objectives changeaient... en faveur du trotskysme et de la Quatrième Internationale. Notre propre crise, loin d'être un signe de déclin de notre mouvement était en réalité un signe de ces temps nouveaux... »

Appréciation optimiste qui n'empêchera pas le septième congrès (1963) - qui vit la rentrée au bercail du SWP américain - de se parer du titre prestigieux de « Congrès mondial de réunification ».

Ainsi, si l'on en croit ses dirigeants, la Quatrième Internationale « officielle » n'aurait fait depuis vingt ans que voler de succès en succès. A quoi bon alors, en effet, discuter de ses difficultés et de leurs causes. Tout ce qui ne va pas bien, ou plutôt ce qui n'allait pas bien dans le passé (parce que maintenant tout va s'arranger), c'était à cause des difficultés objectives. Nul n'y pouvait rien. Quant aux fractions dissidentes de''l'Internationale », elles ne représentent rien. La seule, « l'authentique » Quatrième Internationale, c'est celle de Pierre Frank !

Les fractions dissidentes en question ont pourtant, sur ce terrain-là du moins, autant de droit de revendiquer la continuité avec l'Internationale d'après-guerre.

Nous ne citerons que pour mémoire la tendance Posadas, quasi inexistante en France, mais qui continue imperturbablement à considérer qu'il n'y a qu'elle de trotskyste (ce qui est après tout son droit), et à ignorer superbement les autres organisations (ce qui n'est pas faire preuve d'un très grand sérieux).

Le fait que Posadas ait pendant des années participé, aux côtés de Frank et de Pablo, à la direction de la Quatrième Internationale, et cautionné l'entrisme « sui generis », ne l'a nullement empêché de dénoncer par la suite ses anciens compères comme « traîtres » au trotskysme, sans pour autant faire la critique de ses propres responsabilités dans l'adoption de cette politique, ni rechercher pourquoi et comment elle avait pu être adoptée.

La tendance Posadas se présente elle aussi aujourd'hui, comme la seule, « l'authentique » Quatrième Internationale. Certains prétendent que son principal dirigeant souffre de mégalomanie, mais en fait ce comportement n'est que la caricature un peu poussée de la Quatrième Internationale, telle qu'elle a existé après la Seconde Guerre mondiale, et de ses rejetons. Il n'est que de relire les déclarations précédemment citées pour s'en convaincre.

Quant au Comité International, qui se veut le champion de la lutte anti-pabliste, sa « continuité » est également incontestable dans ce domaine.

Dans la forme d'abord : n'avons-nous pas entendu à la conférence de Londres Healy déclarer, alors que les débats ne faisaient que commencer : « le niveau politique (de la discussion) est plus élevé que celui que j'ai connu à aucune conférence internationale du trotskysme ».

Dans le fond ensuite, et c'est infiniment plus grave. L'histoire du savant virage négocié par le CI à cette conférence de Londres, partant des prémisses que « la Quatrième Internationale n'existe plus » pour arriver à cette conclusion que « la Quatrième Internationale n'a pas dégénéré », est à cet égard parfaitement significatif.

Certes, le CI ne se prétend pas encore tout à fait ouvertement LA Quatrième Internationale. La résolution adoptée à la conférence de Londres affirmait : « A l'étape actuelle, les décisions du CI ne pourront être prises que selon la règle de l'unanimité. Le CI ne se proclamant pas, à cette étape, la direction centralisée de la Quatrième Internationale qui reste à construire ».

Mais le Manifeste de cette même conférence affirmait, lui, en pleine contradiction avec cette déclaration, que : « Qui tourne le dos à la Quatrième Internationale, à la lutte pour sa continuité historique, à son expression organisée - le Comité International - rompt avec son programme, avec l'internationalisme prolétarien dont le CI est l'expression concrète. »

Cette affirmation, bien plus conforme à la pratique du CI que la précédente ne saurait prêter à confusion : pour ses dirigeants, le CI et la Quatrième Internationale ne font qu'un.

Nous voilà donc en présence d'au moins trois « Quatrième Internationale » rivales, qui ont au moins un point commun : le refus de discuter du problème essentiel du mouvement trotskyste, du problème de la reconstruction de la Quatrième Internationale, chacune se prétendant la seule, l'authentique héritière de Léon Trotsky.

Mais ce perpétuel éparpillement du mouvement trotskyste en multiples « Internationales » rivales, est la preuve même qu'il n'existe nulle part une véritable direction internationale, éprouvée, sélectionnée dans la lutte, jouissant d'un capital de confiance suffisant auprès de l'ensemble des militants révolutionnaires pour disposer de l'autorité nécessaire.

Nous ne pouvons reprocher à personne une telle absence de direction. Mais ce qui est alors aberrant, c'est de maintenir la fiction qu'une telle direction existe.

Les statuts de la Quatrième Internationale adoptés en 1938 lors de sa conférence de fondation (improprement baptisée plus tard « Premier congrès mondial » pour justifier le titre des suivants) déclarait que : « Le régime intérieur de l'Internationale est déterminé, à l'échelle locale, nationale et mondiale, par les principes et la pratique du centralisme démocratique ».

Que la Quatrième Internationale naissante reprenne à son compte le centralisme démocratique bolchevik était on ne peut plus normal. Il ne saurait y avoir d'autre régime intérieur possible pour une Internationale révolutionnaire digne de ce nom, et l'organisation fondée par Léon Trotsky possédait, ne serait-ce qu'en la personne de ce dernier, une véritable direction, jouissant d'une autorité considérable.

D'ailleurs, justement parce qu'il était un véritable dirigeant à l'échelle internationale, Trotsky ne considérait pas le centralisme démocratique comme une machine destinée à sanctionner par l'exclusion la moindre infraction à la discipline. Il suffit de relire « D'une égratignure au danger de gangrène » pour voir quel prix il attachait à toujours essayer de convaincre les opposants, même lorsqu'il avait avec eux des divergences aussi profondes qu'avec Shachtman.

Mais le centralisme démocratique, en l'absence d'une direction reconnue (et il ne suffit pas d'une majorité électorale pour faire « reconnaître » une direction politique) n'est qu'une fiction inefficace et stérilisante.

Or, adoptant de nouveaux statuts au congrès de Paris, en 1948, l'organisation internationale qui venait de se reconstituer apportait des précisions à la notion de centralisme démocratique, précisions restrictives du point de vue de la démocratie :

« Le régime intérieur... comprend la procédure suivante :...

- Le caractère strictement obligatoire des décisions des organismes supérieurs pour les organismes inférieurs ; l'exécution immédiate des décisions, mais avec le droit d'appel aux instances supérieures, ces appels ne justifiant pas un retard dans l'exécution des directives ;

- une obéissance disciplinée des minorités aux décisions des majorités, combinée aux droits incontestables des minorités de se constituer elles-mêmes en tendances et de jouir de droits démocratiques tels que : avoir leurs positions présentées devant l'Internationale dans un bulletin intérieur pendant la période de discussion dans l'Internationale ; avoir la permission d'intervenir sur le plan national dans les discussions préparatoires aux congrès après consultation préalable avec les organismes de direction ;... »

Un tel régime intérieur en l'absence, répétons-le, d'une direction internationale véritable ne pouvait que mener à l'éclatement, et aboutir au résultat actuel, où il y a autant « d'Internationales » que de tendances. Le cas de la fraction Pablo n'est d'ailleurs pas une exception puisque, s'il se proclame seulement « tendance marxiste-révolutionnaire de la Quatrième Internationale », il n'en a pas moins rompu organisationnellement avec la direction Frank-Germain-Maïtan.

Ce centralisme « pur et dur » ne permet pas pour autant un contrôle réel de l'activité des différentes sections. Cela se vérifie lorsque l'une d'elle acquiert une certaine importance et peut jouer un rôle national. Le cas du L.S.S.P. de Ceylan fut à cet égard parfaitement démonstratif.

Il n'empêche pas non plus la soi-disant direction internationale de fermer les yeux quand cela l'arrange sur la politique de tel ou tel groupe.

Pierre Frank, dans une note marginale à sa brochure « Une révision du trotskysme » a d'ailleurs fort remarquablement théorisé la chose, à propos de la rentrée du SWP dans le sein de son organisation internationale : « Il est tout à fait vrai qu'en effectuant la réunification il fut entendu que cette question ne serait pas abordée pendant une certaine période. Dans la réunification était essentielle précisément l'accord politique sur la situation d'après-guerre auquel était parvenue la très grande majorité des trotskystes pour mener leur action future. Les leçons de la scission relatives à cet aspect se trouvent incluses dans les documents élaborés au Congrès de la Réunification. Quant à la partie relative aux erreurs et aux fautes des uns et des autres (aussi bien sur le plan politique qu'organisationnel) elle se fera d'autant mieux que la réunification se trouve consolidée et que les uns et les autres pourront alors être le plus objectifs possible ».

On peut bien sûr, de cette manière, « réunifier » pour un temps telles ou telles branches dispersées de telle ou telle « Internationale ». Mais quel résultat cela pourra-t-il donner alors que l'on admet implicitement que cette unité est trop fragile pour pouvoir résister au choc... d'une discussion ?

On peut certes de cette manière aussi cultiver des illusions. Mais les révolutionnaires n'ont que faire de cela. L'Internationale qu'ils doivent construire, ce n'est pas un objet d'apparence flatteuse, la solidité important peu, destiné a faire envie à la tendance rivale. L'Internationale qu'ils doivent construire, c'est l'instrument de la révolution socialiste mondiale.

Il faut en finir au contraire avec les illusions, avec les rodomontades et avec le bluff, qui ne sont eux aussi qu'un aspect de pratiques organisationnelles petites-bourgeoises. La Quatrième Internationale n'existe plus. C'est un fait et il faut le reconnaître ouvertement. Cela ne signifie nullement que tout travail international soit impossible, mais cela signifie qu'il faut faire ce travail au niveau des organisations et des hommes qui existent aujourd'hui.

A l'heure actuelle, seule aurait un sens, parce qu'elle permettrait effectivement de travailler plus efficacement à la reconstruction de la Quatrième Internationale, une organisation internationale reconnaissant le droit de fraction, admettant en son sein toutes les organisations se réclamant du trotskysme, même s'il y en a plusieurs dans un seul pays, une organisation qui ne se prétendrait pas « direction internationale », mais qui serait un lieu de confrontation pour tous les militants qui se battent sous le drapeau de la Quatrième Internationale. C'est d'ailleurs parce que le texte du CI préparatoire à la conférence d'avril 1966 reconnaissait explicitement que la Quatrième Internationale n'existe plus, que nous avions accepté d'y participer, et nous sommes toujours prêts envisager, avec quelque tendance que ce soit, une collaboration sur ces bases-là.

Cela ne signifie nullement que nous renonçons à une Internationale centralisée, état-major de la révolution socialiste mondiale. Mais ce n'est pas en construisant une apparence d'organisation que l'on pourra lui donner corps un jour.

La Quatrième Internationale n'existe plus. Mais le trotskysme n'a pas fait faillite. Et le fait que cinquante ans après la révolution russe, ce soit la seule tendance révolutionnaire qui existe encore à l'échelle internationale en est la meilleure preuve.

La reconstruction de la Quatrième Internationale implique le renoncement aux méthodes organisationnelles petites-bourgeoises qui ont eu cours jusqu'à présent dans la plupart des groupes trotskystes. Elle implique en premier lieu qu'un nombre sans cesse croissant de militants prenne conscience de ces problèmes, étudie d'une manière critique l'histoire du mouvement trotskyste, et en tire les leçons qui en découlent. Si les militants trotskystes savent vaincre ces faiblesses de leurs propres organisations, nul doute que l'avenir leur appartienne.

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