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« Protégez-moi de mes amis »
La rupture ouverte entre la Chine et l'URSS est plus que jamais à l'ordre du jour.
Apparemment il s'agit d'un conflit idéologique sur la manière la plus efficace d'amener la victoire du socialisme. Krouchtchev prône la concurrence pacifique du socialisme et du capitalisme, sinon leur coexistence et le Parti Communiste chinois traite les dirigeants russes de « révisionnistes modernes », prétend qu'ils veulent rétablir le capitalisme en URSS et manifestent un chauvinisme de grande puissance. Or, cette crise correspond à tout sauf à des heurts « idéologiques ».
La cause de la crise réside dans la nature même du pouvoir du Parti Communiste chinois. En effet, le Parti Communiste chinois représente des couches et classes sociales nationales, chinoises, et non les intérêts de la bureaucratie russe. Ses « divergences » avec celle-ci ne résident pas dans des conflits de doctrine, mais dans la divergence des intérêts nationaux de leurs pays respectifs, c'est à dire des couches ou classes dominantes des deux pays. Les divergences « idéologiques » entre les deux grandes puissances qui ne portent pas, directement ou indirectement, sur un éventuel accord entre l'URSS et les USA (ce que Krouchtchev appelle la « coexistence pacifique » ) ont leur importance, mais sont secondaires et n'auraient en rien affecté les rapports sino-soviétiques.
La déstalinisation à laquelle s'est livré Krouchtchev, pour pouvoir par la suite imposer son propre culte, a bien entendu gêné Mao Tsé Toung (elle a bien gêné Thorez) car Krouchtchev a mis en route la chose en ne tenant absolument pas compte des répercussions que cela pourrait avoir en dehors de l'URSS
Le monolithisme imposé à tous les partis communistes gêne le Parti Communiste chinois dans la mesure où il tient à exprimer une opinion indépendante de celle de l'URSS. Mais ces divergences seraient restées à l'usage intérieur si la Chine n'avait pas dû entamer le combat pour empêcher l'URSS de rechercher un règlement unilatéral avec les USA
Mao Tsé Toung a pris le pouvoir en Chine en opposition avec la politique étrangère de l'URSS Staline, à l'époque, n'a rien fait pour l'aider, bien au contraire. Alors même que la guerre civile faisait rage, l'armée russe a remis les armes qu'elle avait prises aux Japonais en Mandchourie, aux troupes de Tchang Kaï Chek. Elle a même aidé à les transporter par avion puisque les campagnes étaient aux mains de l'armée de Mao. Un phénomène semblable s'est produit lorsque Tito a constitué en 1943 son gouvernement, sans y inclure le monarchiste Mihaïlovitch. Staline tempêta, mais comme les accords avec les Alliés considéraient la Yougoslavie comme devant passer presque entièrement dans l'orbite russe après la guerre et que les Anglais n'en firent pas un drame, il n'y eut pas alors d'éclat. Le cas de la Chine en 1946 était différent. C'est pourquoi Staline, respectueux de ses accords avec les Alliés, fit tout pour que le PC chinois partage le pouvoir avec Tchang Kai Chek.
Mais Tchang Kai Chek, fort de l'appui des Anglais, des Américains, ... et des Russes, n'accepta pas de compromis. Seulement, il n'avait pas, malheureusement pour lui, l'appui des Chinois. Les Américains eux-mêmes s'en rendirent compte et envoyèrent Marshall imposer un compromis.
Tchang Kaï Chek n'accepta pas encore. Et Mao engagea la lutte pour le pouvoir qu'il conquit pour ainsi dire sans combattre. Celui de Tchang Kaï Chek pourri jusqu'à l'os ne put opposer la moindre résistance. Les Américains ne virent bien entendu pas d'un bon oeil cet immense pays échapper au marché et au contrôle impérialiste . Ils craignaient de plus, ce qui s'est effectivement réalisé, que la victoire de Mao ne mette en branle tous les peuples d'Asie, d'Afrique et d'Amérique latine qui pliaient sous le joug impérialiste. Ils firent tout pour que Tchang Kaï Chek ne soit pas vaincu. Tout sauf envoyer leurs « boys », ce que le peuple américain n'aurait pas accepté un an à peine après la fin de la guerre du Pacifique. Mais le régime de Tchang Kai Chek était tel que les armes américaines étaient vendues au marché noir, à peine avaient-elles touché les ports chinois. Quant à celles qui parvenaient au front elles passaient dans les plus brefs délais, avec leurs propriétaires, dans les troupes adverses. Les USA imposèrent alors un blocus sévère de la Chine et l'imposèrent même à leurs alliés. Aucun des pays de d'occident ne put vendre à la Chine le moindre gramme des produits « stratégiques » figurant sur la liste établie par les Américains. Aucune des puissances d'occident ne reconnut le gouvernement de la Chine populaire. Le gouvernement de Tchang Kai Chek continua à siéger parmi les Cinq Grands au Conseil de Sécurité de l'O.N,U., alors qu'il n'administrait plus que l'île de Formose. Les Américains armèrent ce dernier à outrance et font depuis quinze ans croiser la plus importante de leurs escadres devant les côtes chinoises. La Chine est constamment menacée d'une agression. A l'immensité de son territoire près, sa situation est, depuis quinze ans, celle de Cuba.
Ce qui l'a à l'époque, préservé d'une rupture avec l'Union Soviétique, c'est la fin (intervenue à l'époque de la victoire de Mao), de l'âge d'or des relations de l'URSS avec ses ex-alliés, c'est-à-dire le début de la guerre froide. La politique extérieure de l'URSS rejoignit celle de la Chine. Mais il y'a bien d'autres raisons pour que leurs politiques extérieures ne se recouvrent pas. L'URSS cherche à obtenir des impérialistes la reconnaissance du statu quo et elle est prête à utiliser son poids, son influence et tout son appareil politique extérieur, pour empêcher les positions de l'impérialisme de se détériorer, si celui-ci accepte de traiter avec elle. Les limites de son agressivité sont justement un tel accord, elle n'attaque les puissances impérialistes que pour les contraindre à traiter.
La Chine, au contraire, si elle mène sur le plan mondial une politique semblable, cherche, en Asie, à battre en brèche la domination de l'impérialisme, afin de s'entourer, comme l'URSS l'a fait, d'un glacis qui la protège militairement. C'est ainsi que la Chine a aidé la République Nord-Coréenne et la République Nord-Vietnamienne (quoique dans les deux cas sur le tard) alors que l'URSS ne l'a fait à aucun moment. De plus, la Chine a besoin, économiquement et socialement, d'être entourée de pays à son image, tout comme la bourgeoisie française eut recours aux guerres napoléoniennes pour créer à la société bourgeoise française naissante l'entourage dont elle avait besoin sur le continent européen.
Par ailleurs, l'histoire des dix dernières années à montré aux dirigeants chinois que, même dans la mesure où un accord entre l'URSS et les USA pourrait intervenir l'URSS, ayant déjà bien du mal à obtenir pour elle-même des garanties, ne pourrait pas en obtenir pour la Chine. En conséquence, la « coexistence pacifique » entre l'URSS et les USA ne pourrait se faire qu'au détriment des pays ex-coloniaux et de la Chine en particulier. La Chine sait par expérience que l'URSS pourrait se tenir à l'écart (elle l'a vu lors de la guerre de Corée) d'une guerre américano-chinoise ou sino-japonaise. Elle sait aussi par contre que les impérialistes ne la laisseraient pas à l'écart d'une guerre engagée contre l'URSS
C'est pour ces raisons que la Chine n'est pas pour la « coexistence pacifique » et non par fidélité à la doctrine de Lénine. On peut gager sans crainte qu'on la verrait vite changer de ton si les Américains lui faisaient des avances.
Il y a une différence importante entre les Partis Communistes qui, tels le Chinois ou le Yougoslave sont parvenus au pouvoir à la tête des forces nationalistes, en mouvement pour réaliser des objectifs nationalistes ou démocratiques bourgeois et les Partis Communistes des pays du glacis soviétique et des pays capitalistes et impérialistes. Les Partis Communistes de l'ancien Komintern sont des appareils de propagande qui, quelle que soit leur influence sur les masses des pays considérés, ne vivent que de l'appui de Moscou. Ils n'ont plus que de lointains rapports avec les organisations révolutionnaires qui constituèrent l'Internationale Communistes à ses débuts. Ils servent exclusivement les intérêts diplomatiques de la bureaucratie russe. Bien sûrs leur politique non-révolutionnaire et souvent nationaliste et chauvine, tend à développer en leur sein des forces plus liées à la petite bourgeoisie et à la bourgeoisie locale, qu'à la défense inconditionnelle de la bureaucratie russe. C'est ainsi que l'on a vu lors de l'affaire hongroise des éléments du Parti Communiste Français désavouer l'intervention russe, bien plus sous la pression de l'opinion petite bourgeoise que sous celle du prolétariat. Mais ces tendances sont généralement brisées dès qu'elles se manifestement. Ainsi, pour ne parler que de la France, l'Union Sacrée de la dernière guerre et la politique chauvine du PC avaient amené à lui sur ces bases-là des fractions de la petite bourgeoisie qui, une fois la guerre froide installée rêvaient d'abandonner l'allégeance à l'URSS, pour construire un Parti Communiste bien Français. L'appareil s'est donc débarrassé des Tillon, Lecoeur et Guingouin. Les forces nationalistes peuvent devenir assez puissantes au sein de ces appareils pour qu'ils en arrivent à rompre avec l'URSS, mais la bureaucratie est vigilante, et cela ne s'est pas encore vu dans les pays capitalistes occidentaux (c'est cependant à un tel phénomène que nous assistons au sein du Parti Communiste Italien).
Dans les pays du glacis, le fond du problème est exactement le même, mais le rapport de forces est différent. les partis communiste y sont arrivés au pouvoir dans les fourgons de l'armée rouge. eux aussi ils représentent dans ces pays les intérêts de la bureaucratie russe. et celle-ci y veille sérieusement et férocement. mais les faits sociaux ont la vie dure et les antagonismes de classe ne peuvent être résorbés que parce que les hommes politiques dirigeants s'appuient sur certaines formes réactionnaires et nationalistes, et cela aboutit, au sein même de l'appareil dirigeant, à l'apparition de fractions anti-russe. comme nous l'avons dit, la bureaucratie y veille : de là les procès retentissants ou les disparitions silencieuses. mais, dans certains cas, le rapport des forces évolue à tel point qu'il arrive à ne plus être en faveur de la bureaucratie (cas de l'albanie) surtout lorsque la situation internationale ou géographique ne permet pas à l'armée rouge d'intervenir directement. c'est ainsi que l'on peut trouver absolument toutes les gradations, depuis les pays du glacis où la couche dirigeante est entièrement pro-russe sans que cela pose d'autre problème qu'un procès politique de temps à autre jusqu'à la chine où le parti communiste est arrivé au pouvoir uniquement par ses propres forces sans l'aide de l'u.r.s.s., et même contre sa volonté. un premier échelon nous est fourni par la pologne où, du fait de l'intervention du prolétariat, la bureaucratie russe a préféré transiger avec les forces nationales pour éviter une véritable révolution prolétarienne et où l'on a sorti gomulka de sa prison pour le ramener au pouvoir. l'échelon suivant est la hongrie. où il y eut une véritable révolution, ceci bien entendu à cause de l'intervention du prolétariat, qu'il fallut réduire dans le sang. le pas après c'est l'albanie, où les forces centrifuges ne sont peut-être pas plus puissantes qu'en pologne ou en hongrie, mais où l'intervention russe est à la fois plus difficile et moins nécessaire pour la bureaucratie que dans ces deux derniers pays. après, c'est la yougoslavie. tito est venu au pouvoir grâce, bien entendu, au fait que les armées allemandes aient été défaites par l'armée rouge et les alliés, mais en s'appuyant sur une armée nationale. il y eut dès le début en yougoslavie un appareil de direction indépendant de la bureaucratie russe. et c'est justement lorsque cette dernière voulut prendre en mains directement l'administration du pays, que les dirigeants yougoslaves s'y refusèrent et provoquèrent la rupture. un exemple voisin, au propre et au figuré, nous est donné par la grèce où les organisations de résistance avaient une force telle qu'elles n'acceptèrent pas entièrement le règlement, intervenu entre l'u.r.s.s. et les alliés, mettant la grèce dans l'orbite anglaise. mais là, conformément, pourraît-on dire, aux accords, ce sont les anglais et les américains qui intervinrent de façon sanglante (en janvier 1945).
Le cas du Parti Communiste Chinois est donc à la fois identique à celui des autres Partis Communistes et exceptionnel. A un pôle il y a les Partis Communistes qui ne sont que des instruments obéissants et serviles de la bureaucratie russe, à un autre pôle, il y a le Parti Communiste Chinois qui représente uniquement des forces nationalistes et petites bourgeoises, et entre les deux, il y a tous les autres Partis Communistes qui représentent plus ou moins chacune de ces deux fores toujours antagonistes et parfois alliées.
Quand on parle de « rupture » possible entre la Chine et l'URSS il ne faut donc pas perdre de vue que la « rupture », au sens que cela pourrait avoir avec un quelconque autre pays du bloc « socialiste », ou avec un des Partis Communistes d'occident, n'est pas possible pour la bonne raison qu'elle est déjà consommée. Depuis 1946, en effet, le PC Chinois n'est manifestement plus un instrument de la politique extérieure de l'URSS Il sert des intérêts qui ne sont pas ceux de l'URSS, mais ceux de la petite bourgeoisie chinoise.
Le schisme yougoslave s'est produit lorsque l'URSS a voulu faire passer sous son contrôle absolu l'administration et l'économie des pays du glacis. Les différents Partis Communistes de ces pays se sont exécutés, et ont évincé du pouvoir les représentants des intérêts nationaux (il restait en effet dans la plupart de ces pays des partis « libéraux », bourgeois ou sociaux-démocrates) et ont permis à l'URSS de gouverner par leur intermédiaire. Le PC Yougoslave était, lui, le seul représentant de ces intérêts nationaux, bourgeois ou petits bourgeois. Il ne céda pas à l'URSS qui n'avait en Yougoslavie aucune formation politique, et aucune force à lui opposer. La pression qu'exerça l'URSS fut, justement la rupture d'avec la Yougoslavie et sa mise au ban des pays « socialistes ». Tito, pour survivre, chercha de l'aide auprès des pays occidentaux et composa avec l'impérialisme américain. La rupture se traduisit par un changement de camp et, depuis, le régime de Tito, malgré les rapprochements actuels est « neutraliste ».
Une telle évolution de la Chine est impensable. La bureaucratie russe n'a jamais su, et n'a jamais pu avoir l'intention de faire passer la Chine sous son contrôle direct. Elle n'a donc jamais employé vis-à-vis de la Chine le « chantage » à la rupture (c'est au contraire la Chine qui exerce un tel chantage). Les dirigeants russes ont bon gré mal gré accepté, depuis le début, que le PC Chinois joue son propre jeu.
C'est une lutte d'influence à l'intérieur de la Yougoslavie qui a provoqué la rupture entre elle et l'URSS et, par la suite, une divergence des politiques extérieures. Mais c'est la divergence des politiques extérieures qui provoque le différend entre la Chine et l'URSS
Pour la bureaucratie russe, les Partis Communistes ne sont que les instruments de sa politique extérieure. Elle ne se préoccupe guère, vis-à-vis d'eux, de justifications ou de ménagements. Ils sont rompus à toutes les contorsions que le respect de la « ligne » nécessite, la politique du PCF étant une riche illustration de ce phénomène. L'URSS a rompu avec la Yougoslavie dans l'espoir de briser le pouvoir de Tito. Celui-ci a survécu et la bureaucratie russe « pardonne » dans la mesure où elle s'est résignée au fait de son « indépendance », et dans la mesure où leurs politiques extérieures se rejoignent plus ou moins. C'est le modus vivendi qui existait depuis longtemps avec la Chine.
Mais, de même que ses rapports avec la Yougoslavie se sont améliorés dans la mesure où sa politique extérieure menait à un compromis avec les USA et ont empiré dans le cas contraire, ses rapports avec la Chine ont été bons tant qu'aucun compromis URSS-USA défavorisant la Chine n'était en vue, et se sont détériorés dans la mesure où la possibilité d'un tel accord pouvait s'entrevoir.
Le PC Yougoslave et le PC Chinois sont également indépendants de l'URSS mais ils se situent aux deux pôles entre lesquels évolue sa politique extérieure.
C'est pourquoi la « rupture » entre l'URSS et la Chine ne pourra guère passer le stade actuel car, contrairement à la Yougoslavie qui a pu s'appuyer sur l'impérialisme américain, la Chine ne pourra pas quitter le camp « socialiste ». Par ailleurs, l'URSS, quoique très gênée par les critiques de la Chine ne pourra pas renoncer à la fiction de la « grande alliéé » car toute la propagande russe sur le « renforcement du camp socialiste » repose sur la présence dans ce camp de ce quart de l'humanité que représente la Chine.
La Chine exerce un chantage à la rupture car elle sait que l'URSS n'y tient pas. La Chine vise ainsi un double but : d'une part obtenir qu'un gentlemen's agreement, intervenant entre l'URSS et les USA, ne se fasse pas sur son dos ; d'autre part se servir, elle aussi, des différents PC comme instruments de sa politique extérieure. C'est ce dernier aspect qui provoque le plus de réactions de la part de l'URSS Tant que la Chine ne se mêlait pas des affaires des autres PC, les « divergences » restaient à l'usage interne. L'indépendance de langage que l'URSS est bien obligée de consentir à la Chine ou à la Yougoslavie, lui est inacceptable venant d'un autre État « socialiste » ou d'un quelconque PC L'Albanie a pu le vérifier, et dans son cas la rupture a été immédiate et radicale (comme pour la Yougoslavie il s'agissait de faire pression par un véritable siège politique et économique). Que la Chine soit intervenue pour soutenir l'Albanie dissidente et remplir auprès d'elle le rôle que les USA jouèrent auprès de la Yougoslavie, voilà sans doute ce que l'URSS peut le moins pardonner à la Chine. C'est en effet un facteur important de décomposition de tout l'édifice politique international constitué par les différents PC
Les possibilités de réussite de la Chine ne sont cependant guère nombreuses. Elle ne peut en effet l'emporter que lorsque le PC considéré s'appuie sur une base nationaliste importante. C'est-à-dire uniquement dans les pays du glacis. Or, ces pays ont tous un revolver sur la nuque du fait de la présence - ou de la proximité - de l'armée russe.
Dans les pays impérialistes, comme en France, l'appareil du PC est entièrement aux mains de la bureaucratie russe. Il n'existe en son sein aucune force centrifuge suffisamment importante pour que la Chine puisse espérer lui voir mener une politique indépendante de celle de l'URSS La seule possibilité serait pour elle de concurrencer directement le PC auprès du prolétariat. Ce qui ne manquerait pas d'avoir un succès considérable. Mais il faudrait pour qu'ils le fassent que les dirigeants chinois ne soient pas révolutionnaires et radicaux uniquement en paroles (qu'ils ne le fassent pas mesure d'ailleurs leur sincérité).
Les plus gands succès que peut rencontrer la Chine dans ce domaine c'est auprès des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique Latine. Dans la mesure où l'URSS se déconsidèrerait par un accord avec les USA, la Chine pourrait apparaître comme le leader susceptible de les aider. Mais cela, dans la mesure seulement où les PC de ces pays ont de l'influence sur les masses, c'est-à-dire dans la mesure où ils sont appuyés par des forces nationalistes importantes. Sinon, ils sont entièrement entre les mains de l'appareil russe et rien ne peut les en détacher. Sinon fabriquer des appareils concurrents, mais la Chine n'en est pas là. L'URSS d'ailleurs fera tout pour que la crise ne s'aggrave pas plus et n'aille à ce genre d'extrémités.
Et l'on peut jouer les prophètes à bon compte en affirmant que dans ce conflit c'est l'URSS, la grande puissance, l'URSS qui possède des fusées et des bombes H, qui cèdera devant les exigences des Chinois. L'URSS ne peut pas se permettre de rompre totalement avec la Chine. Elle ne peut pas se permettre non plus de laisser la Chine détruire de l'intérieur l'hégémonie russe dans le bloc « socialiste ». Elle devra se résigner à gouverner à deux le camp « socialiste » : à refuser ce que la Chine n'accepte pas, et à n'accepter que ce qu'elle veut bien.
La bureaucratie soviétique a pu, depuis quarante ans, paralyser dans le monde entier tout développement de la révolution prolétarienne, mais elle est actuellement victime de sa propre réussite, car le retard de la révolution prolétarienne a permis à des forces sociales, qui autrement eussent été dépassées, d'apparaître dans l'arène mondiale et d'y montrer les dents d'un milliard et demi d'affamés.