- Accueil
- Lutte de Classe n°29
- Les complices
Les complices
Si la déstalinisation a été pour les différents partis communistes la source de remous intérieurs importants et dangereux, la presse du PCF se contente d'expliquer qu'il y a eu des fautes commises, bien sûr, mais que, tout étant pour le mieux dans le meilleur des mondes, celles-ci sont maintenant corrigées.
La presse bourgeoise, elle, a trouvé là une abondante pâture anti-soviétique et se félicite d'avoir, bien avant Krouchtchev, montré que Staline et son gouvernement n'étaient qu'une bande de criminels... dont Krouchtchev faisait partie.
Pourtant, pour nombreux que soient les crimes qui lui ont été imputés, ils ne constituent qu'une toute petite partie de la sanglante carrière de Koba. Seulement, ce que Krouchtchev et la presse bourgeoise passent sous silence, comme d'un commun accord, ce qui fait de Staline le plus grand criminel de toute l'histoire de l'humanité, ils ne peuvent le reconnaître sans se condamner l'un et l'autre, par la même occasion.
Les accusations de Krouchtchev portent principalement sur le fait d'avoir liquidé un certain nombre de « communistes fidèles au parti », et la plus grande part des cadres militaires.
Mais les dirigeants qui sont ainsi réhabilités ne représentent qu'une partie des cadres qui furent victimes des « purges », et ils appartiennent pratiquement tous à la catégorie de ceux qui contribuèrent à asseoir le pouvoir de la bureaucratie. Krouchtchev n'a pas dit un mot pour montrer comment ce fut, en fait, toute la vieille garde bolchévique, toute l'avant-garde révolutionnaire de l'URSS, qui fut la première et la principale victime entre 1934 et 1938.
Et, en ce domaine, les crimes de Staline ne se limitèrent pas au cadre de l'URSS Le « socialisme dans un seul pays » n'empêchait pas la bureaucratie de comprendre que tout mouvement révolutionnaire, n'importe où dans le monde, mettrait en cause sa propre existence. Staline ne se contenta pas de transformer l'Internationale Communiste, d'État-major de la révolution mondiale, en serviteur des intérêts de la bureaucratie soviétique, puis de la dissoudre, il lui fallait encore empêcher que se reforment des cadres et des directions révolutionnaires. La liste des militants qui périrent victimes de la Guépéou est déjà longue, et c'est finalement de la destruction physique et morale de l'avant-garde révolutionnaire mondiale que Staline porte la responsabilité.
Mais les militants révolutionnaires ne furent pas les seules victimes de la politique contre-révolutionnaire de la bureaucratie. A partir de 1924, l'histoire du Komintern n'est plus que celle de ses défaites, et ce furent les masses de tous les pays du monde qui supportèrent le poids de celles-ci.
En 1927, le peuple chinois fut la première grande victime du stalinisme. après que tchang kaï chek ait écrasé le prolétariat de shangaï, qui lui était livré pieds et poings liés par la politique qui plaçait le pc chinois sous la dépendance du kuomintang, le komintern, virant à 180 degrés, entrait dans une politique aventuriste qui allait amener aux massacres de la « commune de canton ».
Le deuxième grand acte de la tragédie, fut la montée au pouvoir du fascisme en Allemagne. En pleine crise sociale le problème se posait sous la forme : fascisme ou révolution prolétarienne. Le Komintern qui ne voulait pas de la seconde ne mena la lutte que contre la social-démocratie, qualifiée de frère jumeau du fascisme. Hitler triompha et le prolétariat allemand inaugura alors les camps de concentration.
En 1936, sous une phraséologie diamétralement opposée, c'est la même tragédie qui se joue en Espagne. Là, les socialistes ne sont pas les principaux ennemis, mais, au contraire, les grands alliés du Front Populaire. Mais c'est la même politique qui consiste à détourner les masses de la révolution sociale. Il faut lutter « d'abord » contre Franco, et c'est Franco qui triomphe.
Mais, en fait, tous ces drames ne sont que l'illustration d'un même fait. Avec l'accession au pouvoir de la bureaucratie soviétique, un facteur nouveau apparaît dans toutes les scènes de l'histoire mondiale et joue un rôle profondément contre-révolutionnaire.
On ne peut pas considérer les événements depuis cette date sans en tenir compte. Phénomène national dans sa forme, la bureaucratisation de l'État soviétique marque un pas en arrière non seulement pour l'URSS, mais encore pour toute l'humanité.
Staline, bien sûr, n'est pas responsable de cette bureaucratisation, il ne dépendait pas de lui qu'elle triomphe ou non, mais il a accepté d'incarner les intérêts de cette bureaucratie et, de cela, il est responsable. L'étendue de ses crimes non plus ne dépendait pas de lui. S'il a tant de sang sur les mains, ce n'est pas parce qu'il possédait l'âme la plus perverse de l'histoire de l'humanité, mais parce que, pour la première fois, l'histoire offrait à un homme la possibilité d'incarner une régression sociale pour l'humanité tout entière.
Staline est mort, et Stalingrad s'appelle désormais Volgograd, mais la bureaucratie existe toujours, elle, et les méthodes du stalinisme n'ont pas disparu.
Les partis communistes continuent de faire régner au sein de la classe ouvrière leurs méthodes de gangstérisme, et l'URSS continue de se servir d'eux pour défendre les intérêts de sa caste dirigeante.
C'est pourquoi il est plus facile à un chameau de passer par le chas d'une aiguille, qu'à Krouchtchev de dénoncer vraiment les crimes de Staline dont il est l'héritier sur ce plan là aussi.
Et la presse bourgeoise ne peut pas le faire non plus sans être obligée de reconnaître que le vieil ordre social ne se survit que grâce à l'existence de cette bureaucratie et de ses criminels dirigeants,
La bourgeoisie et la bureaucratie, qui sont des ennemis mortels, ne s'en appuient pas moins souvent l'une sur l'autre. Il n'y a que le prolétariat qui pourra jamais dresser le bilan des crimes du stalinisme, lorsqu'il se sera enfin affranchi.
« La révolution ouvrira toutes les armoires secrètes, révisera tous les procès, réhabilitera les calomniés, dressera des monuments aux victimes, vouera une malédiction éternelle aux bourreaux. Staline disparaîtra de la scène sous le poids de ses crimes, comme le fossoyeur de la révolution et la plus sinistre figure de l'histoire. » (Léon Trotsky - « Les crimes de Staline » ) .