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L'opposition de sa majesté
Nombre de travailleurs essaient de s'expliquer l'attitude du PCF, et des organisations qui en dépendent, telle la CGT, attitude illustrée par le sabotage de la manifestation organisée par l'UNEF le 27 octobre contre la guerre d'Algérie et par le comportement, pour le moins non combatif, de la CGT (que même la presse bourgeoise a remarqué) lors des licenciements Renault.
Le Parti Communiste est manifestement dans l'opposition par rapport au régime et son refus de toute lutte qui, d'une façon ou d'une autre, pourrait l'opposer à de Gaulle paraît inexplicable.
Évidemment le PCF, lui, donne quelques, explications : c'est par tactique, pour que beaucoup plus de monde puisse manifester, qu'il s'est prononcé le 27 octobre pour des manifestations locales et non pour une manifestation centrale, Quant aux licenciements, ce n'est pas la CGT qui n'a rien fait, c'est la Direction de la Régie Renault qui n'a pas voulu se laisser convaincre.
Cette attitude ne s'explique pas seulement par la crainte qu'inspire de Gaulle à un certain nombre de militants et de cadres du Parti : de Gaulle ne s'attaquerait pas aux organisations ouvrières tant que celles-ci ne bougent pas, mais la moindre provocation pourrait entraîner la répression. Ni même par l'opinion, elle aussi fréquente, que de Gaulle serait le seul rempart contre les ultras et que s'attaquer à lui physiquement serait faire le jeu de ces derniers,
En fait ces idées, sans être « officielles », sont entretenues par les cercles dirigeants du Parti car elles servent la ligne actuelle du PCF.
En effet, le PC ne compte absolument pas s'opposer au régime gaulliste autrement que verbalement.
D'abord, sur le plan international, le Kremlin ne voit pas de Gaulle d'un mauvais oeil ; il est en effet le seul homme politique français qui ait la possibilité de mener une politique tant soit peu indépendante vis-à des USA Sur le plan intérieur, le seul objectif du PC est une alliance électorale pour une « démocratie rénovée » :
« L'actuelle Assemblée Nationale n'étant pas représentative et n'ayant d'ailleurs aucun pouvoir réel, le Parti Communiste Français lutte pour l'élection, à l'aide d'un scrutin reflétant vraiment l'opinion du pays d'une Assemblée Constituante chargée en premier lieu d'établir une Constitution démocratique. »
(Thèses du Congrès - juin 1959 du PCF.)
Bien entendu rien n'est dit sur la façon d'obtenir ce scrutin reflétant l'opinion du pays ». Ce programme est irréalisable par la voie parlementaire. De Gaulle est arrivé au pouvoir appuyé sur la rue. Il a utilisé toutes les armes du pouvoir pour changer la Constitution. Il a fait plébisciter cette Constitution et il s'est fait plébisciter lui-même. Le Parlement « sans aucun pouvoir » est incapable de revenir en arrière, et la lutte strictement parlementaire ne pourrait dans le meilleur des cas aboutir qu'à un « gouvernement de gauche » (Mendès-France par exemple) avec ou sans participation de ministres communistes... dans le cadre du régime gaulliste.
Le PCF n'a ni autre but, ni autre ambition. Toute sa politique consiste à prouver à de Gaulle d'une part, à ses éventuels alliés socialistes ou radicaux d'autre part, qu'il est fidèle serviteur de la bourgeoisie. Témoin ces lignes extraites elles aussi des résolutions du XVe Congrès du PCF :
« Il convient de leur rappeler, à ceux qui, demandent aux communistes des garanties.
A - L'Union que nous préconisons devrait être fondée sur un programme de rénovation démocratique et nationale, discuté et accepté par tous ;
B - Notre attitude passée, lorsque s'est réalisée l'Union en 1936 et en 1945-47 apporte la preuve que les communistes ont scrupuleusement respecté les accords conclus avec leurs alliés. La rupture n'est jamais venue d'eux.
Au temps du Front Populaire, loin de tenter d'aller au-delà des objectifs fixés en commun avec leurs alliés, les communistes n'hésitèrent pas à dire, quand c'était nécessaire : « Tout n'est pas possible... »
À la Libération, loin de tenter de dépasser les engagements pris en commun, les communistes ont appelé à la production, à l'effort pour le relèvement de la France, au respect de la légalité républicaine avec la dissolution des milices patriotiques, à l'unité de l'armée par l'intégration des FTP et des FFI en vue d'une participation plus active de la France à la lutte pour la victoire commune sur le fascisme » .
C'est cela qui explique que dès maintenant le Parti Communiste ne veut pas « aller au-delà » ni dépasser les engagements à venir. C'est là qu'il faut chercher la source de ses reculades et du sabotage pur et simple, non seulement de la lutte contre la guerre d'Algérie, mais encore des luttes économiques des travailleurs dès qu'elles menacent de prendre tant soit peu d'envergure.