Des armes de papier !18/09/19621962Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Des armes de papier !

Il ne fait de doute pour personne qu'un nouveau référendum, destiné à approuver une modification de la Constitution tendant à faire élire le Président de la République au suffrage universel, va être organisé.

Déjà, tous les partis dits de gauche fourbissent leurs armes pour l'affronter. En effet, loin de démocratiser le système, cet appel au peuple souverain pour modifier la Constitution et, ensuite, élire le Président de la République, ne fait que masquer une modification du régime dans un sens encore plus autoritaire. Le Président de la République, dans la Constitution actuelle, désigne le premier ministre, et embauche ou limoge à son gré les ministres. Le faire élire au suffrage universel le rend, ainsi que le Gouvernement, presque totalement indépendant du Parlement.

Les prolétaires ne peuvent avoir aucune illusion sur les vertus démocratiques d'un Parlement. Que celui-ci ait tous les pouvoirs ou n'en ait aucun, il ne représente que les intérêts de la bourgeoisie. Il est cependant plus sensible aux pressions populaires que ne peut l'être le seul chef de l'exécutif. Un Parlement élu au suffrage majoritaire ou uninominal, laisse moins de possibilités de liberté d'expression aux exploités, qu'un Parlement élu à la proportionnelle intégrale. Un Parlement qui dirige, désigne et contrôle l'exécutif, à défaut d'être lui-même l'exécutif, laisse plus de place à l'expression des intérêts des masses que le Parlement-croupion cher à de Gaulle. Mais, de toutes façons, la plus démocratique des républiques bourgeoises ne fait que concilier la domination exclusive de la bourgeoisie avec la reconnaissance de certaines libertés pour les masses populaires.

Ceci dit, les projets de de Gaulle visent à diminuer encore le peu d'influence que peuvent avoir les masses sur les dirigeants du pays.

C'est dire que les modifications constitutionnelles voulues par de Gaulle nous concernent tous, et que l'on ne peut s'en désintéresser sous prétexte qu'avant et après, avec ou sans ces modifications, c'est toujours la bourgeoisie qui gouverne.

Mais comment s'y opposer ? Les partis de « gauche » se préparent à voter, une fois de plus « non » au référendum et à appeler les électeurs à en faire autant. Dans ce cas, comme dans le cas de tous les référendums qui se sont déroulés depuis la fin de la guerre, c'est une duperie. Il n'est pas besoin de beaucoup de clairvoyance pour savoir que les modifications constitutionnelles seront approuvées par le corps électoral. Il n'y a pratiquement aucune chance, même minime, tout comme dans les derniers référendums qu'une majorité de « non » sorte des urnes. Les hommes de la bourgeoisie savent poser leurs questions ; ils n'organisent pas de référendum sur le coût de 1a viande, les impôts, le montant du budget de guerre ou le sort de Salan.

Participer à un tel référendum, même pour voter « non », c'est entretenir des illusions sur la valeur du bulletin de vote en tant que mode d'action. Les élections, le suffrage universel sont un thermomètre. Il vérifie les changements dans l'opinion des masses.

La bourgeoisie est parfois obligée de demander leurs opinions aux masses. Dans ce cas, lorsque cette opinion lui déplaît, elle s'efforce de ne pas en tenir compte par les différents moyens dont elle dispose. Mais aujourd'hui de Gaulle ne demande son opinion au peuple souverain que parce qu'il est sûr de la réponse. Participer au jeu, c'est l'admettre. Le prolétariat est minoritaire dans le pays. Le prolétariat révolutionnaire l'est encore plus. La gauche ne représente que le quart des électeurs à l'heure actuelle et parfois beaucoup moins. Mais de Gaulle est arrivé au pouvoir grâce à quelques dizaines de milliers d'insurgés plus ou moins combatifs d'ailleurs. La gauche, si elle est faible lorsqu'elle se cantonne au terrain électoral (lorsqu'elle est forte, la bourgeoisie se débrouille pour ne pas demander l'avis des électeurs ou pour truquer la représentation de la gauche) est forte dans les ateliers, les bureaux et les champs. Les prolétaires ne sont rien, mais sont tout, dit en substance l'Internationale.

Encore une fois, les partis qui sont sensés représenter la classe ouvrière vont entraîner celle-ci dans la voie des illusions et des désillusions. Il faut laisser à de Gaulle son référendum. Qu'il en fasse son profit. Nous révolutionnaires, n'y participerons pas. Nous nous préparons et appelons la gauche et le prolétariat révolutionnaire à se préparer avec nous, aux véritables combats sur le terrain qui voit les vrais victoires : les usines, les campagnes et la rue.

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