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- Lutte de Classe n°38
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De la démocratie rénovée
Une brochure éditée en collaboration avec « La Vérité », intitulée : « Pour la démocratie ouvrière » replace dans leur contexte les heurts qui ont eu lieu devant la Saviem, Saint-Ouen, entre des diffuseurs d'un bulletin d'entreprise intitulé « Voix Ouvrière-Saviem » et des militants du PCF, et auxquels différents journaux ont fait un écho assez large. Ces heurts n'étaient pas les premiers à la Saviem comme dans d'autres entreprises où des bulletins « Voix Ouvrière » paraissent régulièrement. En dehors des attaques physiques contre les diffuseurs de ces bulletins, les organisations de base du PCF, et parfois de la CGT, ont développé systématiquement des campagnes de calomnies. « Voix Ouvrière » n'a d'ailleurs pas le privilège de ce type d'attaque. Les publications d'entreprises intitulées « Correspondance Ouvrière » en ont fait elles aussi l'objet. Et, plus récemment, une cinquantaine d'exemplaires de « La Voie communiste » et de « Vérité-Liberté » que détenait un marchand de journaux d'Ivry ont été déchirés par des brutes imbéciles. Ces faits appellent quelques réflexions.
La première est que ce sont les publications d'extrême-gauche, c'est à dire se plaçant sur la gauche du PCF, publiées ou diffusés dans les entreprises, qui font l'objet du plus grand nombre d'attaques, et particulièrement d'attaques physiques. Cela pour une raison élémentaire : l'influence du PCF est en grande partie fondée sur le mythe qu'il serait le parti de la classe ouvrière. A première vue cela a toutes les apparences de la réalité : le PCF est pratiquement la seule organisation politique ayant une existence et une activité au sein des entreprises, et la CGT, dont la direction lui appartient, est l'organisation syndicale de loin la plus puissante. Mais l'accueil fait par les travailleurs aux publications d'entreprises telles « Voix Ouvrière », « Correspondance Ouvrière », « Tribune Ouvrière », etc. montre bien que ce n'est qu'une apparence, Le PCF base bien sa puissance sur les usines mais il ne représente pas les intérêts de la classe ouvrière, et les travailleurs le savent.
En conséquence, ces faibles essais provenant de petits groupes révolutionnaires, ces quelques feuilles ronéotées qui circulent dans quelques dizaines d'entreprises, constituent virtuellement un danger mortel pour le PCF Jacques Duclos a dit dans le passé que jamais le PCF ne se laisserait déborder sur sa gauche. En effet, le PCF qui représente les intérêts diplomatiques de la bureaucratie soviétique ne peut défendre ces derniers dans des compromis avec la bourgeoisie française que s'il est une force avec laquelle la bourgeoisie doit compter, c'est à dire que si son influence sur la classe ouvrière est totale. Et, mine de rien, les petites feuilles en question peuvent aboutir au « débordement sur la gauche » du PCF par les travailleurs, et le contraindre ainsi à plus d'intransigeance vis à vis de la bourgeoisie française que les intérêts de la bureaucratie russe ne le voudraient. Nous rappelons par ailleurs l'exemple de 1947. Et c'est pourquoi le PCF est désarmé vis à vis des travailleurs et de ses propres militants, face à la critique révolutionnaire de feuilles d'entreprises. Car c'est dans les entreprises, bastions supposés de la puissance stalinienne, que le divorce entre les intérêts des travailleurs et la politique du PCF est le plus flagrant. Le Parti communiste peut exclure les cellules de Sorbonne qui ne sont pas dans la ligne, il aura toujours l'appui des couches petites-bourgeoises qui, se voulant de gauche, regarderont vers lui tant qu'il continuera à donner l'impression de représenter la classe ouvrière. De nombreux intellectuels, à qui il n'est pas nécessaire d'expliquer les erreurs et les trahisons du Parti communiste vis à vis de la révolution restent dans son sillage et lui donnent leur appui parce qu'ils sont convaincus de l'identité PC-usine.
Le PCF n'a donc pas le choix : face à des tentatives de la part de militants révolutionnaires d'éditer des publications d'entreprises et pour intervenir publique ment à l'usine, il ne peut opposer que l'intimidation physique, la destruction de la presse révolutionnaire, la dénonciation des militants au patronat et à la police, ou la calomnie.
On peut dire sans exagérer, que la création de publications révolutionnaires dans un millier d'entreprises importantes provoquerait en quelques semaines un regroupement révolutionnaire composé d'un grand nombre d'éléments ouvriers du PCF Devant ce danger dont il a nettement conscience, le PCF ne peut que livrer une lutte implacable à toutes les tentatives qui sont faites dans cette voie.
Mais une seconde remarque est à faire : la violence des attaques a été crescendo depuis quelques mois. C'est dû au fait que le PCF se renforce, et uniquement à cela. Parce que si l'on remonte à un passé plus lointain on voit que le recours systématique à de telles méthodes n'est pas un fait récent. Pendant la guerre d'Espagne ce sont des milliers de militants d'extrême gauche qui sont morts sous les balles staliniennes. Pendant l'occupation en France, plusieurs militants trotskystes ont été assassinés. Après la « libération » la chasse aux publications trotskystes ou anarchistes était faite partout où des militants tentaient d'en organiser la vente. Le PCI (IVe Internationale) ayant participé à des campagnes électorales a vu ses réunions prises d'assaut. Et si depuis deux ou trois ans on ne voyait pas les militants du PCF attaquer systématiquement à la porte des entreprises les diffuseurs de la presse d'extrême gauche c'est tout simplement parce que le PCF n'arrivait pas à trouver dans son sein un nombre suffisant de nervis. Le fait, que nous relations plus haut, qu'il ait fait détruire des publications dans un kiosque à journaux, montre qu'avec son renforcement son audace s'accroît. Au lieu d'organiser une lutte effective contre les fascistes il utilise le dévouement, pour le moins aveugle, de certains de ses militants contre l'opposition de gauche.
Cependant, troisième remarque, il est à noter que l'ampleur de la protestation dont toute la presse s'est faite l'écho et la publicité dont ont fait l'objet les tentatives d'interdire toute expression révolutionnaire au sein des entreprises, ont fait reculer, au moins provisoirement, le PCF Ce n'est pas paradoxal : le PC a craint que cela ne lui nuise auprès de la bourgeoisie et auprès de certaines formations tels le Parti socialiste et le PSU avec qui il vise à constituer des alliances électorales.