De Krouchtchev à Staline...05/04/19611961Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

De Krouchtchev à Staline...

L'actualité politique étant dominée par les négociations, secrètes ou publiques, avec le FLN et l'affaire laotienne, les échos rapportés depuis deux semaines par la presse et selon lesquelles les Russes ne seraient plus très désireux de rencontrer les USA « au sommet » dans un avenir proche, n'ont guère soulevé de commentaires passionnés.

Et pourtant, au lendemain de l'accession au pouvoir de Kennedy, il n'était question que de cela. À l'époque où la quasi-totalité des journaux, communistes y compris, commentant les télégrammes chaleureux que les deux K avaient échangés, présentait comme une évidence que Krouchtchev n'avait abattu en flammes l'U-2 de Powell et la conférence de Paris qu'à cause de la personne d'Eisenhower, républicain et réactionnaire, tandis qu'avec le démocratique Kennedy tout allait changer.

S'il se confirmait effectivement que Krouchtchev n'est plus partisan d'une telle rencontre dans l'immédiat, alors que tous les efforts de la diplomatie russe depuis quinze ans, ne tendaient qu'à obtenir de leurs ex-alliés une promesse de paix à leur égard, « garantie » par un pacte américaino-russe, cela prouverait que ce n'était pas une simple question de personne, ou même d'opportunité, qui l'avait amené à interrompre de façon aussi spectaculaire la rencontre à Paris des quatre Grands.

La diplomatie russe n'a cependant pas renoncé à cet objectif, car elle ne le dénonce, et rien ne permet de penser qu'elle le trouve superflu, inefficace ou dépassé. Elle se contente de le reporter, en invoquant des raisons, valables ou pas, qui ne concerne pas le fonds.

Serait-ce, comme l'ont écrit à l'époque des commentateurs aussi spécialisés qu'incompétents, à cause des « divergences » dans le camp « socialiste », l'allié chinois étant plus radical et opposé à un accord avec l'impérialisme. Cela ne pouvait déjà pas se défendre valablement à l'époque, mais la conférence des 81 partis communistes qui eut lieu depuis a montré les limites de ce qu'on s'est complu à appeler le « schisme » chinois.

En fait, le nouveau report par les Russes d'une rencontre au sommet pour un règlement général de tous les « différends » Est-Ouest, tendrait à prouver que c'était bien à des difficultés intérieures qu'il faut imputer « l'éclat » de Paris, le report officieux à l'entrée en fonction d'un nouveau président des USA n'étant qu'un moyen commode de se donner mutuellement rendez-vous quelques mois plus tard, sans trop perdre la face d'un côté comme de l'autre.

En effet, c'est par l'existence « d'un péril » extérieur que la bureaucratie russe justifie sa propre dictature, le socialisme étant bien entendu réalisé, l'éradication des derniers vestiges capitalistes étant chose faite depuis longtemps, plus rien ne peut menacer l'État socialiste de l'intérieur et donc le justifier, à l'exception des agissements des agents de l'impérialisme

Depuis le vingtième congrès, Krouchtchev a pris peu à peu la place demeurée vacante depuis la mort de Staline, mais il est à peu près certain qu'il ne dispose pas encore des pouvoirs dont disposait Koba. Avant que la bureaucratie se reconnaisse en ce dernier, avant qu'elle ait conscience qu'il représentait les intérêts communs à toutes ces couches il a fallu du temps et bien des crises.

Après sa mort, la bureaucratie plus puissante et plus assise socialement a cru pouvoir rejeter le fardeau de la dictature personnelle pour un régime plus libéral où ils feraient meilleur vivre.

Or, il est de fait que depuis plusieurs mois, les dirigeants de l'URSS sont aux prises avec des problèmes agricoles qui paraissent graves. Krouchtchev à passé les deux derniers mois en une campagne d'inspection et de discours, d'un bout à l'autre de l'immense Russie.

Cette au travers des crises dues à la « révolte des intellectuels », aux événements de Pologne et de Hongrie que la bureaucratie s'est de plus en plus confiée à Krouchtchev.

Aujourd'hui, peut être les problèmes agricoles vont-ils obliger la bureaucratie à intervenir brutalement contre les paysans ou certains cadres administratifs.

Un pacte au sommet, garantissant la paix pour de longues années, malgré son inefficacité totale, ne peut être accepté par le gouvernement russe que si aucun problème interne n'exige l'intervention brutale de l'État. Il serait en effet très difficile de faire accepter, tant au prolétariat et aux paysans qu'à la bureaucratie elle-même, un raidissement de la dictature dans le cadre d'une détente internationale.

Partager