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Aux urnes
La guerre d'Algérie qui n'a jamais été officiellement une guerre va prendre officiellement fin, mais ce n'est malheureusement pas pour cela que les combats cesseront sur le sol algérien. Cependant, outre l'attente légitime par la majorité de la population de ce cessez-le-feu tant espéré, son annonce prochaine se traduit en France par une recrudescence de prises de position, de proclamations, de discours, de rappels plus ou moins honnêtes ou bienvenus, de la part de tout ce que la Ve République peut compter comme hommes et partis politiques qui tentent de démontrer qu'ils ont toujours été partisans de la négociation ou « d'une solution raisonnable ».
En effet, la campagne électorale est « officiellement » commencée. Un référendum pour approuver le cessez-le-feu et, éventuellement, de nouvelles modifications constitutionnelles, est prévu pour avril et, surtout, des élections législatives auraient lieu en mai. Et chacun de s'y préparer et d'y préparer les électeurs. Et là évidemment, nos messieurs se retrouvent sur un terrain sûr. Ce type d'action ils le connaissent. Il est tellement plus commode d'appeler aux urnes qu'aux armes !
C'est ainsi que le PCF, sous la plume de Thorez, en particulier, explique que, depuis sept ans, il avait raison, puisque, depuis sept ans, il soutient qu'il faut négocier. C'est plus commode que vrai. Car si le FLN peut aujourd'hui négocier avec l'impérialisme français, c'est parce que pendant sept ans il s'est battu. Et se battre, c'est justement ce que pendant sept ans le PCF n'a pas fait. Sans compter que si le peuple algérien rien depuis sept ans se bat, c'est depuis bien plus longtemps qu'il réclame l'indépendance, ce que les camarades ministres de 1944-1947, au beau temps de l'unité nationale, se défendaient de soutenir même en paroles.
Ce que donneront ces élections, il est difficile de le prévoir. L'actuelle loi électorale ne donnant qu'une représentation très éloignée du corps électoral. Et des accords, des regroupements, des engagements ou des désistements au second tour peuvent, avec de petits décalages de voix, donner des variations importantes de la représentation, on peut cependant penser, qu'en ce qui concerne les suffrages, on verra la gauche se maintenir ou se renforcer par rapport aux dernières élections. Mais les sièges obtenus dépendant, à cause du suffrage majoritaire en grande partie des accords intervenus, on peut aisément prévoir ce que sera la tactique électorale des différentes formations dites de gauche.
Le PCF recherchera « l'alliance sans exclusive » car il se soucie plus de représentation à la chambre et, éventuellement au gouvernement, que de toute autre forme d'activité dans le pays. Et il est prêt à adapter son programme à celui qui voudra bien lui permettre de gagner quelques sièges par un accord quelconque. (Une liste ou un groupe de liste qui a plus de 50 % des voix enlève tous les sièges, et le PCF seul, n'aurait la majorité absolue que dans un tout petit nombre de circonscriptions).
Le Parti Socialiste se refuse jusqu'à présent à des accords quelconques avec le PCF si cela doit lui coûter beaucoup de sièges, comme aux dernières élections. Cela parce qu'une coalition PCF - PS pourrait remporter un nombre tel de mandats que le PS pourrait se trouver dans l'obligation de gouverner avec la participation, ou tout au moins le soutien, des députés du PC Et sur le plan international la politique du PC et celle du PS, sont inconciliables. Il faudrait vraiment une situation exceptionnelle en France pour que le Parti Socialiste puisse passer outre à cette difficulté. Cette perspective n'est pas exclue au cas d'une violente poussée à gauche et d'une remontée du mouvement ouvrier, nécessitant un remake du Front Populaire pour les arrêter. Mais dans la situation actuelle, le Parti Socialiste recherchera plutôt les alliances, qui lui sont comme tous les autres nécessaires, du côté du MRP, des radicaux, de l'UDSR et de quelques autres, à la rigueur du PSU.
Pour le PSU, le problème est quelque peu différent. Il se pose lui aussi comme partisan de l'union sans exclusive, c'est-à-dire d'un regroupement comprenant le PCF Il faut dire que le PSU ne peut pas compter avoir un nombre de députés qui le gêne, c'est-à-dire un nombre suffisant pour se retrouver à la chambre dans l'obligation de gouverner avec le PCF Cette alliance électorale ne risque donc pas de l'engager par la suite.
En dehors de ce dernier et du PCF, on verra donc fort peu d'accords sur le plan national mais des accords locaux entre les différentes formations politiques.
Cela bien entendu, en l'absence de toute radicalisation du mouvement ouvrier, de toute poussée à gauche, car ce n'est jamais dans les urnes que les parties se jouent mais dans les pays. les élections sont un reflet de la lutte des classes et n'en sont pas le moteur. une radicalisation amènerait immanquablement comme conséquence la formation d'un front populaire comprenant au moins PCF, ps, psu et dont de gaulle pourrait fort bien s'accommoder.
Si les travailleurs le permettent.