Après-demain on loge gratis06/09/19611961Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Après-demain on loge gratis

« Dans vingt ans le pouvoir d'achat des travailleurs aura doublé ! » « Dans dix ans les revenus des ouvriers auront doublé, dans vingt ans ceux des paysans seront multipliés par quatre ». L'un c'est de Gaulle, l'autre c'est Krouchtchev qui parlent ainsi réunis par l'art de promettre le bonheur pour l'avenir et de résumer le présent par des efforts, du travail... et pas de mauvais esprit. Pour l'Union Soviétique, Courtade dans l'Humanité du 9.8.61 nous dit : « ce n'est pas par hasard que le commandant Titov a dédié son vol au XXIIe Congrès du Parti Communiste de l'Union soviétique, le congrès au cours duquel sera approuvé le projet de programme du Parti et réaffirmé solennellement la promesse que la génération actuelle des soviétiques vivra sous le communisme. Quand les hommes de cette génération s'appellent Gagarine et Titov, on ne peut douter que la promesse sera tenue ».

Après la construction Boukharinienne du socialisme à « l'allure de la tortue » de 1923 à 1928, le Parti Communiste russe s'était lancé dans des plans quinquennaux ne tenant compte que des chiffres de pointe avec une collectivisation intensive des campagnes à laquelle ne correspondait pas la production industrielle équivalente des moyens d'exploitation ce qui entraîna le pays dans des conflits et des convulsions souvent tragiques. Ce qui n'empêchait pas le VIIe Congrès de l'Internationale Communiste en 1935 de proclamer « la victoire définitive et irrévocable du socialisme et l'affermissement à tous égards de l'État de la dictature du prolétariat » dus aux succès de l'économie russe et à l'élimination de tout exploiteur et de tout ennemi du régime. Dire qu'en URSS il y avait à la fois le socialisme et un affermissement de la dictature du prolétariat, démontrait déjà que le socialisme n'existait pas, car si l'État baptisé dictature du prolétariat se renforçait, c'est qu'il y avait des antagonismes sociaux à résoudre. Ce qui n'a pas empêché la bureaucratie de multiplier les déclarations de ce genre tout en condamnant à mort ou à la déportation les « ennemis du peuple » qui n'eurent pas tous la chance d'être réhabilités après la mort de Staline.

Aujourd'hui le projet de programme du Parti Communiste de l'Union Soviétique nous apprend que la dictature du prolétariat n'existe plus en URSS. Non pas en avouant que la bureaucratie s'est emparée du pouvoir depuis plus de trente ans et que l'URSS isolée dans un monde capitaliste a vu son État, premier État ouvrier du monde, dégénérer, se vider de son contenu démocratique à cause du recul du mouvement révolutionnaire et passer aux mains d'une bureaucratie parasite qui vit sur les racines de la planification introduite par la révolution de 1917, mais parce que... « les classes laborieuses ayant été supprimées, on a vu disparaître la fonction qui consiste à briser leur résistance... Après avoir assuré la victoire totale et définitive du socialisme - première phase du communisme - et le passage de la société à la construction en grand du communisme, la dictature du prolétariat a rempli sa mission historique et du point de vue des objectifs du développement intérieur a cessé d'être une nécessité. L'État qui a surgi comme État de la dictature du prolétariat s'est converti en État de tout le peuple ».

Cela ne s'accorde guère avec les récentes mesures judiciaires prises par l'Union Soviétique étendant l'application de la peine de mort à « ceux qui pillent les biens de l'État ou impriment les faux billets, ceux qui attaquent en bande les locaux de l'administration et les récidivistes dangereux » ( Le Monde du 9.5.61) punissant les accusés de « refus de travail social » d'une peine de deux à cinq ans de déportation dans une localité où ils seront astreints à travailler », etc., etc. Ce qui nous montre qu'en URSS il y a une police, il y a des tribunaux, il y a des prisons, il y a des bourreaux et qu'il y a donc un appareil de répression distinct de « tout le peuple ».

Avec la marche vers le socialisme et le communisme, c'est vers une disparition des « excès » que nous irons et vers un dépérissement parallèle de l'État : « Nous savons que la cause sociale profonde des excès qui constituent des infractions aux règles de la vie en société, c'est l'exploitation des masses, leur besoin, leur misère » (Lénine, l'État et la Révolution).

L'État ne peut représenter les intérêts de « tout le peuple » car il n'existe que pour opprimer une partie de la population, une ou plusieurs classes. L'État bourgeois permet à une minorité d'exploiteurs d'imposer sa dictature à une majorité d'exploités. L'État ouvrier qui permet à la majorité, les travailleurs, d'imposer sa dictature à une minorité, est déjà un État en dépérissement car son appareil de répression est avant tout constitué des travailleurs eux-mêmes en armes. Un État, du fait même qu'il existe ne peut donc jamais représenter toute une population. La liberté ne nécessitant plus de répression existera complètement lorsqu'il n'y aura plus à réprimer et qu'il n'y aura plus d'État. « Tout État est non libre et non populaire » (Lénine, L'État et la Révolution). C'est pour cacher son caractère véritable que dans les démocraties bourgeoises, la bourgeoisie veut faire croire à la possibilité d'un État représentant les intérêts de tout le peuple et fait « démocratiquement » élire des députés « renouvelables » ou pas, par tiers, etc., etc., paravent qui cache la dictature de fait, politique et économique des possédants. La bureaucratie ne fait que plagier la démocratie bourgeoise en prétendant démocratiser l'État soviétique par le renouvellement par tiers des responsables.

« Afin de promouvoir dans les organismes dirigeants un contingent plus large d'hommes capables, et pour empêcher les abus de pouvoir par certains fonctionnaires d'État, le parti estime nécessaire de renouveler systématiquement la composition des organismes dirigeants. Il faut établir un principe selon lequel les dirigeants des organismes de l'Union des républiques et des localités ne puissent être élus à leur poste, en règle générale pour plus de trois législatures consécutives. Dans des cas exceptionnels, lorsque les dons personnels du travailleur, de l'avis général, rendent utile et nécessaire son activité ultérieure au sein de l'organisme dirigeant, sa réélection peut être autorisée. Dès lors, le candidat sera considéré comme élu à condition de réunir au moins les trois quarts des suffrages, et non à la simple majorité ».

Ce que le projet de programme appelle le « développement des principes démocratiques de l'administration d'État » est accompagné de mesures parallèles pour le Parti Communiste : « A toutes les élections ordinaires, un quart au moins des membres du Comité Central du PCUS et de son Présidium sera renouvelé. En règle générale, les membres du Présidium ne seront pas élus plus de trois fois de suite. Certains responsables du Parti, étant donné leur autorité reconnue, leurs grandes qualités politiques d'organisation et autres, peuvent être réélus aux organismes dirigeants plusieurs fois de suite pour de plus longs délais. Dans ce cas, le candidat est considéré élu à condition d'avoir recueilli au moins les trois quarts des voix lors du scrutin secret ».

Mais aussi bien en ce qui concerne les administrateurs de l'État que les responsables du Parti, les remaniements autoritaires, les limogeages sont beaucoup plus fréquents que les élections et intéressent entre deux élections successives souvent bien plus du quart ou même du tiers des effectifs. La situation d'un bureaucrate se caractérise essentiellement par l'instabilité et l'incertitude de son avenir. Au sein du Comité Central du Parti par exemple, il n'y a guère que Krouchtchev et Mikoyan qui ont été régulièrement élus par trois Congrès.

Dans ce pays où le socialisme est soi-disant construit, les hommes ne sont pas encore majeurs et c'est au Parti qu'il reviendra de s'attacher « à diriger les masses » : « Le Parti Communiste qui groupe dans ses rangs l'élite des travailleurs, qui est étroitement lié aux masses, jouit d'une grande autorité auprès du peuple, connaît à fond les lois de l'évolution de la société, assure la bonne direction de toute l'activité concernant la construction du communisme, lui confère un caractère organisé, méthodique, scientifiquement justifié ». Pour ceux qui ne seraient pas tout à fait d'accord, le programme prévoit : « Dans son arsenal, le Parti possède des garanties en matière d'organisation, inscrites dans les statuts du PCUS, contre toute manifestation de fractionnisme et d'esprit de groupe, incompatibles avec l'esprit de Parti marxiste - léniniste ».

Quel est ce communisme prévu par le programme du PCUS :

« Au cours des dix prochaines années, les revenus réels des ouvriers et des employés (compte tenu des fonds publics) doubleront presque en moyenne, par travailleur et en vingt ans, ils augmenteront d'environ trois fois ou trois fois et demie... Au cours de la deuxième décennie, tous les citoyens bénéficieront progressivement de la gratuité du logement... chaque famille, y compris les jeunes mariés disposera d'un appartement répondant aux conditions d'hygiène et du confort moderne...

Au cours de la deuxième décennie, les transports publics (tramways, autobus, trolleybus, métro) seront gratuits et vers la fin de cette période, les services communaux aussi, c'est-à-dire l'eau, le gaz et le chauffage...

Au cours des dix années à venir sera réalisé le passage à la journée de six heures avec un jour chômé par semaine ou à la semaine de 34-36 heures avec deux jours chômés ; pour les travaux de fond et les travaux insalubres dans certaines industries.

La journée de travail sera de cinq heures ou la semaine de cinq jours et de 30 heures... la durée minimum de congé pour tous les ouvriers et employés sera peu à peu portée à trois semaines et par la suite à un mois. Les kolkhoziens bénéficieront peu à peu, eux aussi, des congés payés ».

Dans ce « communisme » on aurait du mal à reconnaître même la phase inférieure du communisme dont Marx et Lénine parlent comme d'une société dont la productivité et la production libérées des entraves de la propriété privée prendra un tel essor qu'il y aura une abondance de biens difficile à imaginer. Société où existeront les bases économiques nécessaires à la phase supérieure du communisme, où chacun pourra puiser dans toutes ces richesses sans limitation, où l'homme sera libéré du « tu gagneras ton pain à la sueur de ton front », où il n'y aura plus des ouvriers d'un côté et de l'autre des ingénieurs, des professeurs d'une part et de l'autre des balayeurs. Une société où les Mozart et les Einstein existeront par millions « quand aura disparu l'asservissante subordination des individus à la division du travail et avec elle l'antagonisme entre le travail intellectuel et le travail manuel » (Marx, Critique du Programme de Gotha). Une société où régnera le : « De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». Une telle société ne peut exister qu'à l'échelle mondiale, avec la mise en commun de toutes les ressources, de tous les pays, une mise au service des besoins des hommes, l'harmonisation des différentes économies en une seule et même organisation de la production et cette fois scientifiquement organisée.

Le programme du PCUS n'est en fait qu'un programme d'augmentation de la production car l'amélioration annoncée comme le paradis communiste entraîne comme tâche :

« La création de la base matérielle et technique, la tâche de la transformation de l'industrie de l'URSS en industrie la plus perfectionnée du point de vue technique et la plus puissante du monde, exigent un développement continu de l'industrie lourde »... « Le PCUS aura pour souci constant le développement de l'industrie lourde qui assure celui des forces productives et la capacité de défense du pays »... « Dans vingt ans la productivité du travail dans l'industrie soviétique surpassera le niveau actuel de la productivité du travail aux États-Unis de deux fois environ »... « Standardisation des produits industriels courants, diffusion maximum de la production en série et à la chaîne »... « développement de la spécialisation et de la coopération des entreprises, condition majeure du progrès technique et de l'organisation rationnelle du travail. Il convient de concentrer les productions similaires essentiellement dans les grandes entreprises spécialisées ». Autrement dit qu'une même usine ne fabrique pas à la fois des poêles et des lits.

Les bases économiques du communisme seraient atteintes en matière d'agriculture en multipliant la productivité par deux et demi en 10 ans, et par cinq ou six en 20 ans. Grâce à cela, les kolkhoziens auront à leur disposition « des réfectoires, boulangeries, blanchisseries, crèches et garderies, des clubs, des bibliothèques, des stades. » Ils bénéficieront même de « retraites et de congés », aux frais de l'État et du salaire mensuel garanti. Ils « renonceront » de leur plein gré à leurs exploitations auxiliaires individuelles ».

Ainsi la construction du « communisme » en URSS se résume à un vulgaire programme électoral de réformistes bon teint.

Cette « marche radieuse vers le communisme » comme dit France-Nouvelle est soumise cependant à un impératif. Elle n'est possible que s'il n'y a pas la guerre. Pour cela, le PCUS estime que « le socialisme oppose à l'impérialisme un nouveau type de relations internationales »... et « étant donné que I'impérialisme a cessé de jouer un rôle dominant dans les relations internationales et que le système socialiste joue un rôle de plus en plus grand... une possibilité réelle existe pour que les nouveaux principes avancés (de paix) par le socialisme l'emporte ».

Donc, la puissance du camp « socialiste » empêchera l'impérialisme de jeter le monde dans le chaos et au cas où les agresseurs impérialistes oseraient cependant déclencher une nouvelle guerre mondiale, les peuples ne toléreront plus le régime qui les précipitent dans des guerres dévastatrices. Ils écraseront et enterreront l'impérialisme. » Si l'existence de l'URSS oblige les impérialistes à se comporter différemment, on ne voit pas très bien comment ils ont « osé » en 1939 plonger le monde dans le chaos et provoqué 50 millions de morts. A ce moment-là aussi, l'URSS affirmait que le « socialisme » était construit en URSS. Il est vrai que le programme nous apprend l'existence actuellement d'un « système socialiste mondial » qui serait l'URSS et les démocraties populaires, baptisé mondial de par le pouvoir du PCUS. Mais si l'impérialisme dont l'existence même n'est que rapines et crimes se voit menacé dans ses bases par le renforcement du camp socialiste, la conclusion au contraire que l'on peut tirer, c'est qu'il essayera à ce moment-là de réduire les peuples qui cherchent à se libérer de son joug par les armes et à détruire le camp adverse tant qu'il en a la force. Car si le camp socialiste est si puissant que le PCUS estime que l'impérialisme n'osera pas attaquer et s'il pense cependant qu'il y ait une éventualité pour qu'il « ose » attaquer, pourquoi ne pas se donner pour première tâche, internationale celle-là, de supprimer l'impérialisme de notre planète.

En fait, la bureaucratie soviétique espère que l'URSS pourra avec une politique de coexistence, c'est-à-dire d'abandon de la révolution mondiale, rester à l'écart des contradictions impérialistes. C'est une erreur qu'elle a déjà faite en 1939. Staline a bien cru en s'alliant à Hitler, rester en dehors du conflit impérialiste. Et c'est une « erreur » qu'elle ne peut que renouveler, car de toutes façons la révolution mondiale serait sa mort, mort nécessaire à la construction de la moindre parcelle de communisme dans la moindre partie du monde.

Extrait de « france-nouvelle » - n° 826 « ressources financières du parti »

Les ressources financières du Parti et de ses organisations proviennent des cotisations, des revenus des établissements du Parti, ainsi que d'autres versements.

Les cotisations mensuelles pour les membres du Parti et les stagiaires sont établies comme suit.

Ceux dont le gain mensuel

- est inférieur à 50 roubles versent 10 kopecks,

- de 51 à 100 roubles 0,5 pour cent,

- de 101 à 150 roubles 1 pour cent,

- de 151 à 200 roubles 1,5 pour cent,

- de 201 à 300 roubles 2 pour cent,

- au-delà de 300 roubles 3 pour cent, du salaire mensuel.

Ce qui veut dire qu'au pays du socialisme si le travailleur le plus mal payé gagne l'équivalent de 50 000 francs par mois (s'il gagne moins que cet équivalent, pauvre travailleur, pauvre socialisme) il pourra se trouver organisé au sein du même parti avec des « camarades » en gagnant 300 000 francs.

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