À propos du chômage14/11/19601960Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

À propos du chômage

Le licenciement spectaculaire de 3 000 ouvriers chez Renault vient de rappeler la menace du chômage à tous les travailleurs. Dans son ensemble, le marché du travail en France, durant ces dernières années, a connu une situation exceptionnelle par rapport aux autres pays. En effet, en Allemagne, aux USA, en Italie le nombre de chômeurs est toujours de l'ordre du million tandis que la France avoue 30 à 40 000 chômeurs officiels. Cela ne représente pas le chômage réel, notamment en province où le travail « saisonnier » est assez fréquent, mais les bases de calcul sont sensiblement les mêmes à l'étranger.

En général, les patrons qu'ils soient BOUSSAC, MICHELIN ou « Anonyme », se targuent de sentiments altruistes : s'ils produisent c'est pour rendre service à la société et « pour donner du travail aux ouvriers » ! Mais de nous expliquer par contre qu'il faut produire toujours plus et toujours plus vite pour évincer du marché le concurrent d' en face. Ce qui donne comme perspective au travailleur soit d'être victime de la concurrence et d'aller au chômage soit d'y envoyer son voisin ou même sa femme.

Ainsi, dans l'automobile pour prendre une des branches d'activité importante en France, des pertes de richesses énormes ont lieu du fait de l'existence de plusieurs entreprises pour une fabrication identique : chacune est obligée d'avoir sa masse d'investissements uniquement pour être à même de concurrencer l'autre et les frais de recherches sont multipliées pour autant. Ces frais et ces investissements représentent autant de valeur non distribuée.

A la suite de la guerre, la place prépondérante occupée en France par les organisations de la classe ouvrière due à la combativité de celle-ci ont amené nos gouvernant à tendre leurs efforts pour assurer le plein emploi. Cela leur a été possible, en grande partie grâce au fait que l'économie n'a pas traversé de crise grave depuis quinze ans : les destructions de la guerre ont nécessité un effort qui s'est porté surtout sur le remplacement du matériel de production et les investissements dans les industries de base. Mais cela n'était pas déterminant, le chômage est possible même lorsque l'industrie est florissante.

Les législateurs de 1956 avaient formellement prévu que c'est en toute dernière extrémité que l'employeur pourrait licencier pour manque de travail. C'est d'ailleurs cette clause que la Direction de la Régie Renault vient de transgresser en licenciant alors que l'horaire de l'usine est supérieur à 40 heures. C'est cet aspect « politique » de la question du chômage et du plein emploi qu'il ne faut pas perdre de vue,

A la libération gouvernement et patronat étaient prêts à toutes les concessions possibles concernant l'avenir, du moment que les organisations syndicales et politiques de la classe ouvrière acceptaient de remettre celle-ci au travail et de refaire de « la France » une « grande puissance ». Maintenant que ce mauvais cap est dépassé pour la bourgeoisie, le bon vieux moyen du chômage ne peut manquer de la tenter pour faire pression sur la classe ouvrière, la démoraliser et diminuer sa combativité

En réalité, nous ne devons pas être dupes des arguments concernant la « concurrence » ou « les ventes ». Ce ne sont pas les travailleurs qui ont intérêt à la concurrence, ce sont les capitalistes. Nos intérêts et les leurs ne sont rigoureusement pas les mêmes.

Ils organiseront le chômage si cela leur parait souhaitable et si nous laissons faire, même s'ils sont économiquement capables d'assurer le plein emploi.

S'il y a eu plein emploi jusqu'ici en France, c'est beaucoup plus grâce à la crainte qu'inspirait la classe ouvrière à ses exploiteurs qu'à cause de la situation économique favorable. Parce que de petites entreprises peuvent être ruinées dans certaines circonstances par les grosses mais en aucun cas une firme comme Renault ne peut être économiquement contrainte de licencier 5 % de son personnel. Une économie de 5 % sur les salaires, ce n'est rien pour une telle entreprise. Il lui était facile de continuer à payer ces travailleurs même si ses ventes diminuent en prenant sur son capital et sur ses réserves. C'est pourquoi le geste est politique.

C'est pourquoi aussi nous ne devons pas être dupes et c'est pourquoi notre réaction doit tendre à obtenir non seulement le respect des lois existantes mais encore l'interdiction absolue des licenciés pour manque de travail, en toutes circonstances, et le maintien du salaire quelles que soient les baisses d'horaire.

La RNUR s'est prétendue financièrement incapable d'accéder à une telle demande (40 heures payées 48). La régie Renault peut le prétendre mais elle ne peut le prouver.

Si les travailleurs avaient accès aux comptes et à la gestion de l'entreprise, il serait aisé de démontrer ce qui précède. La Régie Renault concurrence certaines firmes d'automobiles et est associée à d'autres. Elle se comporte comme n'importe quel autre trust. Mais comme un trust au service de l'État, c'est-à-dire, finalement au service des trusts,

S'il y a réellement un problème dans la branche automobile, si la production dépasse les besoins, la seule solution d'avenir est celle qui évite l'immense gabegie qu'est le partage du marché entre les 4 ou 5 grands rivaux. Si la production était organisée dans l'intérêt de la population, un strict recensement des besoins du pays permettrait d'organiser rationnellement la production st d'orienter les forces productives ainsi libérées vers d'autres branches et surtout de diminuer le temps de travail.

La fusion de tous les producteurs d'automobile permettrait d'assurer la même production avec une diminution considérable des frais entraînés par la concurrence. Elle permettrait, en assurant au moins le même salaire aux travailleurs, de diminuer de 25, 30 % et même plus la durée de l'horaire de travail.

Cette fusion ne peut venir bien entendu ni de la bonne volonté des trusts en question, ni d'une nationalisation opérée par le Gouvernement bourgeois, On voit justement avec la RNUR comment le Gouvernement utilise les nationalisations.

Mais les travailleurs sur qui l'on fait peser la menace du chômage doivent savoir que ce chômage n'est pas une calamité inhérente à la situation de salarié.

Le chômage est dû à la propriété privée des énormes moyens de production du monde moderne et à l'anarchie qui en résulte.

Nous pouvons contraindre nos exploiteurs, puisqu'ils profitent des fruits de notre travail, à assurer notre subsistance quelles que soient les variations de leurs ventes.

S'ils affirment ne pas en être capables, revendiquons sans crainte le contrôle sur l'administration et la gestion de leur entreprise, Les travailleurs sauront organiser la production, débarrassée des profiteurs et des exploiteurs afin d'en faire un instrument au service de la population et non la cause de misères et de ruines qu'elle est paradoxalement aujourd'hui.

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