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Meeting du 12 février 2022 - Intervention de Nathalie Arthaud
Le monde devient de plus en plus fou ! Jean-Pierre a parlé des 137 milliards de profits pour les 40 plus grandes entreprises cotées à la Bourse de Paris. À l’échelle planétaire, les actionnaires des grandes sociétés cotées attendent un montant record de dividendes de 1 500 milliards de dollars pour l’année 2021.
Elon Musk, le fondateur de Tesla et Space X, est un homme qui vaut 300 milliards de dollars. Jeff Bezos lui court après avec plus de 200 milliards, ce qui lui a permis de s’offrir un yacht de 127 mètres de long, à 400 millions, un yacht tellement grand qu’il ne peut sortir du chantier naval de Rotterdam que si l’on démonte un pont historique !
En France, le patron du groupe de luxe Bernard Arnault a, lui, encaissé 1,4 milliard de dividendes, ce qui fait 3,8 millions par jour, ou encore deux smic à la minute.
Les milliards s’empilent à un pôle, au point que la minorité richissime ne sait plus quoi en faire. On savait déjà qu’il était possible de spéculer sur tout et n’importe quoi.
La nouvelle mode, en la matière, c’est un marché virtuel, où les grandes fortunes placent des millions dans l’achat de terrains, de palaces, qui n’existent pas. Avec leur smartphone, ils peuvent y promener leur avatar avec un sac Vuitton à la main, sac virtuel aussi mais payé au prix d’un véritable sac, c’est-à-dire à prix d’or !
On pourrait en rire mais, quand on sait que la moitié de la population mondiale survit avec moins de cinq euros par jour, quand on sait qu’il y a encore, au minimum, 160 millions d’enfants au travail et qu’une personne meurt toutes les 10 secondes de malnutrition, ce gâchis stupide de richesses est indécent et il doit nous mettre en rage.
Tous les dirigeants politiques et patronaux disent prendre au sérieux la crise climatique et agir contre le réchauffement de la planète. Ils nous parlent « développement durable » du matin au soir. Mais regardez les marchés qui se développent le plus, le luxe, la drogue et l’armement : voilà le développement durable à la sauce capitaliste !
L’humanité n’a jamais disposé d’autant de connaissances, de savoir et de culture, elle n’a jamais autant échangé, et pourtant les courants les plus rétrogrades, les plus intolérants, les plus nationalistes, racistes, sexistes, mystiques se développent. Et quand des dizaines de millions de personnes, forcées d’émigrer, sont parquées derrière des barbelés et traitées en criminels, quelques milliardaires s’offrent une expédition touristique dans l’espace.
Il n’y a pas de monde plus fou !
La folie dans laquelle nous sommes tous entraînés, c’est la folie d’un système où tout peut s’acheter et se vendre. Où tout entre en concurrence. Où tout peut et doit devenir rentable et source de profit : la nature comme le corps humain, exploité jusqu’à ses derniers jours, dans des Ehpad notamment, transformés en pompes à fric pour certains.
Nous sommes entraînés dans une fuite en avant dans tous les domaines. Les pays pauvres comme les pays riches. Mais qui a intérêt à cette société ? La grande bourgeoisie, le grand patronat, les grands actionnaires. Pas les travailleurs ! Pas ceux qui sont exploités et doivent se battre pour tout : pour trouver un emploi, pour trouver un logement, pour trouver une place en crèche ou même pour pouvoir s’asseoir dans le métro ou le RER !
Le monde du travail dans son entier a intérêt à combattre cette organisation sociale capitaliste, et pour cela il a besoin d’une politique et donc d’un parti pour la défendre, pour la mettre en avant au jour le jour, pour en convaincre notre classe.
Dans cette campagne présidentielle, il faut un parti qui affirme que la misère et ses ravages, le chômage, les bas salaires, mais aussi la spéculation, la pollution et l’impérialisme, ne sont des problèmes insolubles que parce que les travailleurs ne prennent pas eux-mêmes les choses en main. Un parti qui affirme que les travailleurs au pouvoir feraient mille fois mieux que tous ces politiciens qui se prosternent devant la propriété capitaliste et les lois du marché !
Crise sanitaire et pouvoir ouvrier
Prenez la crise sanitaire. Je suis convaincue que les travailleurs au pouvoir l’auraient mieux gérée, parce qu’ils l’auraient gérée du point de vue des intérêts des travailleurs et des classes populaires, et pas du point de vue du grand patronat et des actionnaires.
D’abord, parce qu’avec les travailleurs au pouvoir, les hôpitaux publics ne seraient pas à genoux. Toute idée de profit serait bannie de la santé, au contraire de ce qui se passe aujourd’hui.
Aujourd’hui, l’hôpital public est artificiellement endetté auprès des banques. Il est géré comme une entreprise et il se décompose sous l’effet des coupes budgétaires, du manque de moyens, d’un personnel insuffisant et épuisé. Et le privé en profite en se jetant sur les soins les plus rentables. C’est ainsi que les chaînes de cliniques privées cotées en Bourse se multiplient, spécialisées dans les opérations lucratives, c’est-à-dire très bien remboursées par la Sécurité sociale, quand les malades les moins solvables s’entassent à l’hôpital public.
Eh bien, avec les travailleurs au pouvoir, tous les moyens financiers et humains iraient à l’hôpital public, ils iraient à la formation du personnel nécessaire et à son recrutement.
Avec les travailleurs au pouvoir, le personnel hospitalier, l’agent de service, l’ouvrier, l’aide-soignante n’auraient pas à se battre pour être reconnus par la société. Et on ne demanderait pas aux malades qui vont aux urgences de payer 19 € !
Avec les travailleurs au pouvoir, c’est une évidence qu’il y aurait eu des ouvertures de lits, il y aurait eu la création d’unités spécialisées dans le suivi des malades, il y aurait eu la mise sur pied d’équipes de ville, pour aller vers la population la plus éloignée des soins et vers celle vivant dans un désert médical.
Et puis, plus largement, au lieu de se soumettre à la propriété capitaliste, les travailleurs au pouvoir auraient démoli le monopole des trusts pharmaceutiques. Ils auraient supprimé le secret commercial et la sacro-sainte propriété intellectuelle des laboratoires. Ils auraient brisé les brevets. Ils auraient forcé les laboratoires à partager leurs découvertes, pour que les vaccins soient fabriqués dans toutes les entreprises qui en sont capables, sans chercher à faire du profit.
Avec les travailleurs au pouvoir, tous les secteurs de la vie sociale auraient été organisés pour mieux protéger la population contre le virus. Toutes les décisions auraient été prises en fonction des besoins de la population, sans être polluées par les calculs économiques d’une minorité d’exploiteurs.
Au lieu qu’il y ait moins de bus et de trains et que l’on continue de s’y entasser, il y en aurait eu plus. Au lieu que les élèves soient 30 ou 35 dans une même salle de classe, le travail aurait été organisé en petits groupes. Pour cela, un pouvoir ouvrier aurait pu s’appuyer sur l’initiative de la population, pour trouver des locaux et encadrer les jeunes. Il suffit de voir quels trésors de dévouement nombre de personnes ont déployés lors du premier confinement pour comprendre que la société est capable de faire beaucoup mieux.
Tout cela n’est pas de la politique-fiction. Car nous avons tous les moyens matériels, humains et financiers à portée de main pour le réaliser. Il est possible d’organiser la société pour qu’elle réponde aux besoins de tous, à condition, encore une fois, qu’elle ne soit pas entravée par la propriété privée et le droit de faire des profits avec la vie humaine.
Mettre réellement au service de l’ensemble de la société tous les moyens dont elle dispose, en expropriant la classe capitaliste, doit être notre perspective politique, que les travailleurs prennent le pouvoir doit être notre perspective, le communisme doit être notre perspective !
Un programme de lutte
Cette perspective est loin de ce que les travailleurs se sentent capables de faire ? Il est déjà difficile de se défendre ? C’est vrai. Mais il en est ainsi de toutes les sociétés basées sur l’exploitation : les opprimés passent l’essentiel de leur vie à subir, sans trouver le moyen de s’organiser et de résister. Cela a été le cas pour les peuples mis en esclavage, ou colonisés, des décennies durant, des siècles même, et cela n’a pas empêché les révoltes, ni les révolutions.
Même si, aujourd’hui, l’écrasante majorité des travailleurs restent l’arme au pied, ils représentent le camp révolutionnaire de demain. Parce qu’ils sont tous les jours confrontés à la lutte de classe, à l’exploitation, à la course à la compétitivité. Cela donne régulièrement des explosions de colère, ponctuelles, localisées. C’est lorsqu’elles font tache d’huile, et que la lutte se généralise, que le camp des travailleurs est capable de peser sur la vie politique et de contester la dictature de la grande bourgeoisie.
Il faut un parti qui incarne ce combat et ces perspectives révolutionnaires. Un parti qui parte des besoins et des intérêts des travailleurs et qui les traduise en politique et en programme pour les travailleurs.
Zéro chômeur !
Prenez le chômage. Les politiciens de droite et de gauche se sont succédé durant des décennies. Ils ont tous laissé le chômage et la précarité de masse s’installer et s’aggraver. Et regardez comment Macron est content de lui, parce que le nombre de chômeurs recensés par Pôle emploi en catégorie A a baissé. Mais comment se réjouir d’un chiffre officiel de 3,3 millions de personnes sans aucun emploi, et de 5,7 millions si l’on inclut les personnes qui vivotent avec quelques heures de travail !
Loin de ce mépris social, notre objectif doit être zéro chômeur, parce que pouvoir gagner sa vie est une nécessité pour tous ! Zéro chômeur, oui, parce qu’écarter de toute activité des millions de femmes et d’hommes qui n’aspirent qu’à se rendre utiles est un immense gâchis pour la société.
Et zéro chômeur, oui, c’est possible et c’est même simple : il suffit de se répartir le travail existant entre tous, sans perte de salaire bien sûr.
Si nous avions, collectivement, le pouvoir de diriger les entreprises, nous commencerions par cela. Parce que, du travail, nous sommes nombreux à en avoir par-dessus la tête. Nous nous retrouvons obligés de faire des heures supplémentaires, de travailler des samedis, des jours fériés. Nous faisons le travail de deux parce que telle ou telle personne, partie à la retraite, n’a jamais été remplacée, parce que l’intérimaire ou le stagiaire qui faisait le boulot est parti. Cette charge de travail, il faut la répartir entre tous en imposant des embauches.
Imaginez que l’on demande au personnel des hôpitaux, des Ehpad, de l’éducation, des transports publics d’établir une liste des embauches dont ils auraient besoin. On arriverait à des centaines de milliers d’emplois utiles et indispensables à créer tout de suite !
Il faut répartir le travail entre tous et arracher la baisse du temps de travail, de façon qu’il n’y ait plus aucun chômeur. Il faut travailler moins, et travailler tous !
C’est une question de choix de société : on ne doit pas accepter que l’argent soit aspiré à un pôle et monopolisé par quelques milliers de grands bourgeois ; il faut se battre pour qu’il serve au monde du travail et à cet objectif élémentaire de permettre à chacun d’avoir un emploi et de pouvoir gagner sa vie.
Il faut faire passer les emplois avant les profits, avant les cours boursiers, avant les fortunes de quelques-uns !
Pour des augmentations de salaire
Un autre objectif des luttes de demain, bien sûr, sera l’augmentation générale et massive des salaires, des allocations et des pensions. C’est une revendication susceptible d’unifier dans un combat commun toutes les catégories de travailleurs, que le patronat dresse les unes contre les autres.
Car il ne faut compter ni sur Macron ni sur les candidats qui prétendent le remplacer pour imposer quoi que ce soit au grand patronat. La plupart du temps, les politiciens proposent d’augmenter les salaires en baissant les cotisations sociales. C’est-à-dire que l’on se paye nos propres augmentations de salaire, car les cotisations sociales ne sont rien d’autre que du salaire différé. Eh bien merci, les patrons y avaient déjà pensé !
Et toutes les autres mesures sont du même acabit. Le gouvernement a bloqué à 4 % l’augmentation du prix de l’électricité, après l’avoir laissé flamber. Mais ce qu’il présente comme un cadeau coûte 8 milliards à l’État, et demain nous le paierons de notre poche.
Et puis il y a la politique de l’aumône. Prime d’activité, APL, l’État prétend venir en aide aux plus bas salaires à coups de primes, sur lesquelles il rogne continuellement mais sans lesquelles des millions d’entre nous ne pourraient se loger ou se nourrir. La dernière invention a été le chèque énergie de 100 € à tous ceux qui vivent avec moins de 2 000 € par mois. Et demain, l’État va aussi nous aider à acheter notre lait et notre baguette ?
Mais quand on travaille, ou quand on a travaillé toute sa vie, on ne demande pas la charité pour faire son plein d’essence, pour se chauffer ou pour se loger. On veut pouvoir vivre de son salaire ou de sa pension de retraite. Alors il faut l’augmentation générale des salaires, des allocations et des pensions !
Et ce ne sont pas des miettes qu’il faut, mais des augmentations de 300, 400, 500 euros par mois. Et, pour ne pas être rattrapé par l’inflation, il faudra imposer l’indexation des salaires sur les prix.
Et il faut porter le smic à 2 000 euros net. Avec son chèque énergie, Castex a avoué qu’on ne s’en sortait pas à moins de 2 000 €. Eh oui, 2 000 € c’est le minimum pour ne pas vivre dans l’angoisse permanente de tomber malade, de se retrouver sans voiture ou de ne pas avoir l’argent pour aider à payer le permis à un de ses enfants. Le minimum pour espérer partir un peu en vacances. 2 000 € doit être un minimum pour les salaires, mais aussi pour les pensions et allocations dont vivent les travailleurs à la retraite ou en invalidité.
C’est bien au-dessus du smic actuel, qui est de 1 270 € net. Et je sais que beaucoup de salariés estiment que 2 000 € pour le smic est du domaine du rêve, parce que le patronat ne l’accordera jamais. Mais la plupart du temps le patronat n’est même pas prêt à accorder 50, 40, 30, 20 euros d’augmentation, et il faut débrayer, menacer de faire grève, pour les arracher.
Du point de vue du grand patronat, et c’est la même chose avec l’État patron, aucune revendication salariale n’est considérée comme raisonnable. C’était pareil en mai 1968. Même demander 10 % d’augmentation était jugé irréaliste et dangereux pour l’économie. Mais une grève générale après et quelques millions de manifestants plus tard, le smic était augmenté de 35 % !
Que l’on revendique 50, 100 ou 400 euros d’augmentation, il faut se battre. Alors il n’y a aucune raison de ne pas revendiquer ce qui nous est nécessaire pour vivre. Et nous n’avons pas à nous excuser : nous faisons tourner la société, nous sommes essentiels, il n’y a aucune raison de nous faire petits !
Si nous raisonnons en fonction de ce que le patronat est prêt à nous laisser pour vivre, nous resterons les éternels sacrifiés. Il faut raisonner à l’inverse. Nous devons être fiers de nos revendications parce que nous devons être fiers de ce que nous sommes. La société doit d’abord répondre à nos besoins de travailleurs parce qu’elle ne tient que par nous.
Alors battons-nous pour arracher ce qu’il nous faut, « quoi qu’il en coûte » au grand patronat ! Et s’il faut changer toute la société pour l’imposer, eh bien nous la changerons !
Le contrôle ouvrier sur la production
Pour rejeter les revendications ouvrières, les perroquets patronaux mettent toujours en avant la PME ou la petite entreprise en difficulté, qui serait ruinée si elle devait par exemple augmenter les salaires ou embaucher. Ça leur ferait trop de « charges », comme ils disent.
C’est toujours une façon d’occulter la responsabilité des grands groupes dans les bas salaires. Mais quand vous travaillez chez Carrefour, avec quinze ans ancienneté, vous touchez 1 300 € net, avec trente ans 1 400 € net ! Ouvrier à Michelin, vous êtes à 1 500 € net en travaillant en équipe ! Et ainsi de suite. Et combien d’entreprises de gardiennage, de nettoyage et de sous-traitance diverse, qui travaillent pour les gros, payent leurs salariés à coups de lance-pierres ?
Les petites entreprises sont l’alibi pour nous faire taire. D’ailleurs, prenez 1968 et la fameuse augmentation de 35 % du smic : y a-t-il eu la ruine annoncée du petit commerce ? Non ! Et aujourd’hui, je suis convaincue que l’augmentation du pouvoir d’achat réjouirait même un certain nombre de coiffeurs, de bouchers, de boulangers ou de restaurateurs qui vivent de la clientèle populaire et la voient se priver !
Il faut rendre publics les comptes des grands groupes et les contrats qui les lient aux autres entreprises. Et on verrait qui se fait des marges royales, on saurait exactement où aller chercher l’argent. Si un petit patron ne peut pas payer, il y en a d’autres au-dessus de lui. Que le donneur d’ordres paye ! Que le banquier, le fournisseur, le bailleur payent !
La véritable démocratie, le pouvoir du peuple, ce serait cela : que ceux qui font tourner les entreprises sachent exactement ce qu’il en est des fruits de leur labeur.
Alors oui, il faut imposer un contrôle sur la comptabilité des grands groupes. Et nul besoin de créer des comités de contrôle ou d’enquête : avec les comptables et les administratifs, les travailleurs sont les mieux placés pour exercer ce contrôle, car ils connaissent mieux que quiconque la réalité du travail.
Tout le monde dit aujourd’hui qu’il faut que la parole se libère. C’est d’une hypocrisie sans nom, parce que, dans les entreprises, les salariés n’ont le droit de rien dire. Prenez le scandale des Ehpad : combien de salariés ont été menacés, mis à pied, licenciés pour avoir dénoncé les dysfonctionnements et la maltraitance ? Cela fait des années qu’ils prennent des risques, et témoignent sous anonymat !
Prenez le business qu’il y a autour des vaccins anti-Covid. Les dirigeants européens qui ont négocié l’achat des vaccins veulent que les contrats restent secrets, au nom encore et toujours du secret commercial. Tout cela pour cacher les marges des labos, qui permettent à la triade constituée par Pfizer, BioNTech et Moderna d’empocher 1 000 dollars toutes les secondes !
Le secret, l’omerta que le grand patronat impose dans les entreprises lui permet de mentir, de cacher ses méfaits et ses crimes. Enlevons-lui cette arme !
Oui, libérons la parole, la parole des salariés, des comptables, des commerciaux, et cela passe par la levée du secret professionnel, la levée du secret commercial et l’arrêt de toute poursuite pour diffamation, dès que l’on parle de harcèlement ou de salaires de misère !
Pas un programme électoral, mais un programme de lutte
Le programme que je défends n’a rien à voir avec les programmes électoraux que les autres candidats nous servent. Vous savez, ces catalogues électoraux où chacun est censé aller à la page qui le concerne. Page 24, vous trouverez, à la rubrique étudiants, l’assurance d’un revenu minimum ; page 25, la garantie que plus aucune personne handicapée ne se retrouvera au-dessous du seuil de pauvreté ; et page 26, l’engagement de faire reculer les violences faites aux femmes.
D’abord, ces promesses ne coûtent rien aux candidats qui les brandissent, car la plupart d’entre eux n’ont pas plus de chances que moi d’être élus. Quant à celui qui s’installera dans le fauteuil présidentiel, il trouvera toujours des raisons pour rogner ou abandonner les engagements pris vis-à-vis des classes populaires. Parce qu’une fois au pouvoir, il fera ce que le grand patronat lui permettra de faire.
C’est ce qui s’est produit avec Mitterrand, qui prônait la rupture avec le capitalisme. C’est ce qui s’est produit avec Jospin, qui a plus privatisé que les gouvernements de droite. Et rebelote avec Hollande, qui avait fait de la finance son ennemie de campagne, mais l’a servie tout au long de son quinquennat.
Et on peut multiplier les exemples. En 1936, le socialiste Léon Blum avait expliqué, le premier, qu’il s’était heurté au mur de l’argent et des 200 familles.
Qu’est-ce qui ferait que, demain, les choses se passent différemment avec un Mélenchon par exemple ? Je parle de lui, parce que c’est lui qui a fait le meilleur lifting, réussissant même à faire oublier qu’il a été ministre sous Jospin. Mais, comme Hidalgo, Roussel et Taubira, il véhicule une fois de plus des illusions dans le monde du travail, et particulièrement dans le monde syndical.
Vu la droitisation de toute la vie politique, les diatribes de Mélenchon sur le partage de la richesse, la taxation des profiteurs de crise, contre les violences policières ou pour la VIe République le font apparaître de loin comme le plus radical. Plus radical, mais quand même très responsable vis-à-vis de la bourgeoisie et de tout son système.
Car où mène son partage des richesses ? À raboter un peu les plus grandes fortunes pour redistribuer des miettes aux travailleurs. Des miettes, car Mélenchon promet par exemple un smic à 1 400 € net, ce qui est loin, très loin de ce qu’il faut pour sortir de la galère. Rien que ce chiffre montre que Mélenchon ne raisonne pas à partir des besoins des travailleurs.
Mélenchon veut être le gérant loyal des affaires de la bourgeoisie. Il aime d’ailleurs discourir sur le rayonnement de la France, sur son universalisme et sa présence sur les cinq continents. Il se félicite à chaque vente d’avions Rafale et s’indigne, comme tous les politiciens bien nationalistes, que la France soit à la remorque des États-Unis, autrement dit que la France soit un impérialisme de seconde zone, et non pas le chef des brigands !
Son projet n’est pas de renverser la grande bourgeoisie, c’est de travailler avec elle, main dans la main, et il l’a montré lors de son dernier débat télévisé, où il a vendu sa politique à Roux de Bézieux, le patron du Medef.
Pendant 20 minutes, Mélenchon s’est évertué à vanter les bienfaits de ses mesures pour le grand patronat ! Certes, les capitalistes devront céder une petite partie de leurs profits exceptionnels à l’État, mais ils ne le regretteront pas, parce que sa politique leur garantit des carnets de commande pleins et de juteux profits sur les investissements que l’État fera dans la transition écologique. Autant dire qu’ils se sont quittés bons amis !
Mélenchon appelle au compromis avec la grande bourgeoisie. Mais les travailleurs sont bien placés pour savoir que toute recherche de compromis conduit à négocier le poids de nos chaînes. Et il n’y a pas à chercher de juste milieu, car la grande bourgeoisie n’exploite pas à moitié, elle ne mène pas sa guerre économique à moitié. Non, il n’y a pas de juste milieu : le capitalisme, ou bien on le combat jusqu’à sa destruction, ou on finit par s’y intégrer et devenir un de ses rouages.
C’est ce qu’il s’est passé avec le PS et le PCF, et c’est ce qui explique leur effondrement et, avec lui, le recul des organisations ouvrières, du militantisme et même le discrédit jeté sur l’idéal socialiste. Alors, l’expérience de la gauche gouvernementale doit nous servir de leçon et nous conforter dans une politique communiste révolutionnaire !
La présidentielle, et après
Au lendemain de l’élection, quel que soit l’élu, nous nous retrouverons toujours confrontés au grand patronat, qui décidera s’il ferme ou pas telle ou telle usine, qui reléguera les femmes dans les boulots les plus précaires et les plus mal payés. Les jeunes continueront d’être baladés de stage en contrat de qualification. Le grand patronat continuera de faire de nous des invalides et des handicapés du fait de cadences et de charges de travail toujours plus lourdes ! Notre banquier décidera d’accepter ou pas le découvert ou le crédit dont nous avons un besoin vital. Et cela quel que soit le président élu.
La guerre sociale ne s’arrêtera pas au lendemain de la présidentielle. Elle se poursuivra et s’aggravera du simple fait que nous nous enfonçons dans la crise : ce que la bourgeoisie ne peut gagner par l’élargissement de ses marchés, elle l’obtient en aggravant l’exploitation. Et tant que le camp des travailleurs sera démobilisé, la bourgeoisie en profitera pour nous faire payer sa crise !
Il faut se préparer à la mobilisation. Aucun homme, seul, qu’il soit locataire de l’Élysée, de la Maison-Blanche ou à la tête de je ne sais quel gouvernement, ne peut incarner le rapport de force avec la grande bourgeoisie et se faire craindre d’elle. Seul le monde du travail, mobilisé par millions et conscient de sa force, peut le faire.
Alors, le programme que je défends est un programme de lutte. Ma candidature est un appel au combat : il n’y aura pas d’avancée significative pour le monde du travail et pour la société dans son ensemble sans s’attaquer aux financiers, au grand patronat, à la bourgeoisie. C’est une question de rapport de force, de grèves, d’affrontements sociaux. C’est la conscience que notre sort ne dépend pas du prochain président de la République, mais de nos propres combats.
C’est un appel à un vote de fierté ouvrière et de combativité.
Et je veux dire à tous ceux qui ne supportent plus l’ordre social et qui s’apprêtent peut-être à s’abstenir parce qu’ils n’ont aucune illusion dans ce cirque électoral : ne restez pas seuls avec votre colère ! Ne restez pas isolés, impuissants et invisibles politiquement. Rejoignez-nous dans le vote et dans le parti qui incarne une politique pour changer toute la société.
Zemmour et Le Pen, jumeaux de l’extrême droite
La campagne est marquée par un climat réactionnaire, pour ne pas dire raciste, parce qu’au lieu d’avoir un candidat d’extrême droite, on en a deux, avec Zemmour qui espère récolter les fruits de ce que Le Pen a semé. Et, pour ringardiser Le Pen, il en fait des tonnes.
Le Pen s’en prend à l’islamisme ? Zemmour s’en prend à l’islam. Le Pen flatte les policiers ? Zemmour leur promet le droit de tuer sans craindre la justice. Le Pen veut renvoyer les étrangers qui restent un an sans emploi ? Zemmour les renverrait au bout de six mois. Il promet même d’expulser deux millions d’étrangers, une déportation de masse qui ferait pâlir d’envie Trump, Orban et Bolsonaro réunis.
Pour parvenir aux salons dorés de l’Élysée, Le Pen, l’ancienne candidate antisystème, parie sur un processus de dédiabolisation et travaille à se rendre plus humaine. Zemmour a choisi la stratégie opposée : il déverse sa bile raciste et organise toute sa campagne autour de son délire du « grand remplacement ».
S’il pose à l’intellectuel, c’est en historien révisionniste qui explique que la colonisation a été positive, que le capitaine Dreyfus était peut-être coupable, que la Révolution française était un complot, et que Vichy a protégé les Juifs français, dont 24 000 sont pourtant morts dans les camps nazis après avoir été livrés par la police de Pétain ! Eh bien, je peux vous dire qu’en matière d’histoire, mes élèves lycéens d’Aubervilliers en savent plus que ce charlatan !
Le Pen et Zemmour s’affrontent comme deux coqs dans un poulailler. Mais c’est la même démagogie de caniveau ! Les mêmes amalgames assimilant délinquance et terrorisme avec immigration. Ils sont les Dupont et Dupond de l’extrême droite !
Comme la droite, l’extrême droite a toujours roulé pour le grand patronat. Elle a toujours ardemment défendu la propriété capitaliste et justifié l’exploitation. Si Marine Le Pen daigne agiter quelques mesures sociales, c’est uniquement pour essayer de capter une partie de l’électorat ouvrier, écœuré et désorienté par la gauche. Mais Zemmour n’en prend même pas la peine.
Au moment où les profits et les dividendes explosent, ce monsieur propose de baisser les impôts pour les plus riches. Quand les seniors sont mis au chômage ou en invalidité avant l’âge de la retraite, il veut le repousser à 64 ans ou 65 ans. Zemmour nous rappelle ainsi que tous les politiciens anti-immigrés sont toujours d’abord et avant tout antiouvriers.
Dans les classes populaires, ceux qui sont attirés par les sirènes nationalistes se trompent de camp. Qu’ils laissent ce vote aux aristocrates à particule, aux nostalgiques de Pétain et de l’Algérie française, aux généraux en retraite en mal de coup d’État, aux crânes rasés et aux nazillons !
Ce n’est pas le fait d’être considérés comme de bons Français qui permettra aux électeurs lepénistes de trouver un meilleur travail. Le fait d’avoir un prénom sonnant bien comme il faut aux oreilles de Zemmour ne les empêchera pas d’être exploités et méprisés. Et que les travailleurs immigrés aient moins de droits ne leur en rajoutera pas !
Zemmour veut expulser les immigrés des logements sociaux ? Mais ce n’est pas lui qui ira les construire ou les rénover demain. Il veut priver les étrangers du droit de se faire soigner à l’hôpital ; mais, sans les médecins, les infirmières et aides-soignants venus des quatre coins du monde, les hôpitaux publics fermeraient !
L’unique antidote à la poussée de l’extrême droite est que les travailleurs renouent avec leurs valeurs politiques : la conscience de constituer le camp de ceux qui triment dur pour gagner leur vie, quelles que soient leur origine, leur couleur de peau et leurs croyances.
Les xénophobes et les racistes mettent en avant la préférence nationale et les Français d’abord ? Alors soyons nombreux à leur répondre : oui à la préférence de classe, les salaires d’abord, les emplois d’abord, les retraités et la jeunesse des classes populaires d’abord ! Le camp des travailleurs d’abord !
Le camp des travailleurs est international. Liberté de circulation !
Dans cette campagne marquée par le rejet des migrants, je suis particulièrement fière de dire « bienvenue » aux femmes et aux hommes forcés d’émigrer.
Oui, je suis l’une des rares candidates à considérer que les femmes et les hommes qui se massent à la frontière entre la Biélorussie et la Pologne, ceux qui essayent de traverser la Manche, la Méditerranée ou les Balkans à leurs risques et périls, font ou feront partie intégrante de mon camp, le camp des travailleurs.
Comme nous, ces femmes et ces hommes avaient un toit, une famille, une formation, un métier. Ils étaient cuisiniers, maçons, ingénieurs, médecins... Ils ont vu leur monde s’effondrer sous un déluge de bombes ou ont été chassés par la misère, et ont été forcés de quitter leur pays.
Alors je me place du point de vue de ces travailleuses et travailleurs. Quels sont leurs besoins ? Quels sont leurs intérêts ? C’est de pouvoir circuler, c’est de pouvoir passer les frontières, c’est de s’installer là où ils ont choisi d’aller, soit parce qu’ils parlent la langue du pays, soit parce qu’ils trouveront du soutien et qu’ils pensent pouvoir trouver un travail. La liberté de circulation et d’installation doit faire partie des droits que l’on doit arracher pour tous les travailleurs de la planète.
Les frontières ne sont là que pour les plus pauvres, pour les travailleurs en réalité. Car quand on a un portefeuille bien garni, passer une frontière est une simple formalité administrative. Jamais personne n’a traité un émir du Qatar ou un oligarque russe de migrant. Ce mot est réservé aux travailleurs, aux pauvres.
Alors il faut revendiquer la liberté de circulation et d’installation et se préparer à accueillir ces femmes et ces hommes comme des sœurs et des frères, parce que la plupart s’intégreront au monde du travail.
Demain, ils travailleront à nos côtés sur les lignes de découpe dans les abattoirs, dans les usines ou sur les chantiers. Ils et elles travailleront dans les hôpitaux et dans les entreprises d’aide à domicile. Ils seront manutentionnaires à Amazon.
Ils seront nos sœurs et nos frères de travail, de souffrance, et si nous savons nous adresser à eux, ils seront nos sœurs et nos frères de combat. Et nul doute qu’avec leur expérience et leur courage ils seront des forces plus que précieuses dans le combat que nous avons à mener tous ensemble pour notre émancipation !
Vive l’internationalisme !
Les candidats de tous les grands partis, du PCF au Rassemblement national, font un usage extraordinaire du mot France. Mais parler des intérêts ou de la grandeur de la France revient toujours à défendre les intérêts et la grandeur des Arnault, des Peugeot, des Michelin ou des Drahi.
La « patrie » que les classes dominantes voudraient nous voir vénérer ne promet qu’une vie de labeur de plus en plus dure pour les classes populaires. C’est ce qui avait amené Marx et Engels à écrire, dans le Manifeste du parti communiste : « Les prolétaires n’ont pas de patrie. »
Cet internationalisme est plus que jamais le nôtre, d’autant plus que raisonner à l’échelle d’un seul pays est complètement dépassé ! La pandémie, mais aussi la crise climatique ou la crise économique montrent que nous sommes interdépendants à l’échelle de la planète. Aucun pays ne peut s’en sortir seul. Il n’y a plus de solution à l’échelle nationale, il faut aller vers une coopération fraternelle de tous les peuples.
C’est impossible aujourd’hui, avec la bourgeoisie au pouvoir, car la bourgeoisie des pays riches, dont la bourgeoisie française, domine et exploite les pays pauvres comme elle domine et exploite les travailleurs ici.
C’est la domination des grandes puissances sur les pays pauvres et leur pillage qui conduisent au sous-développement et à des régimes aussi corrompus que dictatoriaux. La situation actuelle au Mali est le résultat de la politique de l’impérialisme français. C’est la concurrence et les rivalités entre impérialistes qui créent les tensions internationales, les menaces guerrières et terroristes que l’on connaît et que les populations des pays dominés payent plus que tout.
Là encore, la bourgeoisie nous mène dans l’impasse et l’avenir est incarné par le camp des travailleurs, parce que les travailleurs n’exploitent et n’oppriment personne. Et s’ils prennent le pouvoir, ils pourront instaurer des rapports égalitaires et fraternels avec les travailleurs des autres pays et trouver, avec eux, des solutions aux défis qui se posent à tous. Là, oui, le mot « humanité » prendra enfin toute sa signification.
La question climatique et l’organisation communiste de la société
Après un tel discours, les journalistes me demandent régulièrement pourquoi je me présente et si je veux réellement être présidente de la République.
En effet, je ne vise pas la présidence de la République, j’aspire à bien plus, parce qu’il faut changer toute la société, renverser le capitalisme ! Et cela ne se fera pas du haut de la présidence de la République, cela se fera par en bas, quand le monde du travail et la jeunesse révoltée relèveront la tête et s’attaqueront eux-mêmes à la dictature du grand capital.
Parce que c’est un gâchis sans nom. Un gâchis humain et un gâchis pour la planète.
Tant que nous considérerons les multinationales comme la chasse gardée des capitalistes, nous ne serons maîtres de rien. Nous pourrons crier à l’urgence climatique, discourir sur le meilleur type d’énergie à utiliser, sur les procédés les plus économiques en ressources naturelles ou encore sur le recyclage, mais ce sont les grands actionnaires qui décideront. Et en fonction de quoi, s’il vous plaît ? En fonction des perspectives de profits et de subventions publiques qu’ils pourront espérer arracher, mais pas en fonction des besoins vitaux des populations, ni en fonction de ce qui est urgent et bénéfique pour la planète.
Seuls les travailleurs au pouvoir peuvent prendre le problème de la crise climatique à bras-le-corps. Car ils organiseraient une économie collective, selon un plan élaboré démocratiquement, pour produire ni trop ni trop peu. Un plan pour répondre aux besoins de court terme, mais aussi pour anticiper et se projeter sur le long terme.
Le secteur bancaire collectivisé permettrait d’orienter les capitaux là où les besoins vitaux sont à satisfaire. On ne construirait plus d’avions Rafale ou de missiles nucléaires, et on pourrait utiliser les compétences des salariés de Dassault, de Thales ou de Safran pour plancher sur des transports collectifs plus propres, moins énergivores et mieux organisés.
Il serait possible de fusionner dans un même ensemble les Total, Exxon, EDF, Engie, la vingtaine de multinationales qui contrôlent les moyens de production énergétique dans le monde, pour coordonner leur activité et leurs plans d’investissements. On pourrait mettre en commun les compétences de leurs ingénieurs et le savoir-faire de leurs ouvriers et techniciens pour produire au moindre coût environnemental et humain.
Les capitalistes dévoient les immenses possibilités scientifiques et techniques. Avec les travailleurs au pouvoir, les satellites, utilisés aujourd’hui pour spéculer sur le cours des matières agricoles, pourraient servir à choisir les cultures les plus adaptées en fonction du climat, de la nature des terres et de la géographie.
L’exploration spatiale, que les capitalistes ont ravalée au rang d’expédition touristique pour riches, servirait à faire avancer la science.
En expropriant les grands moyens de production et en les collectivisant, on pourrait éradiquer la misère, la malnutrition, le manque d’eau potable, on pourrait enrayer le réchauffement climatique et cesser de surexploiter les ressources naturelles.
Les Gafam, utilisés aujourd’hui pour enrichir quelques milliardaires et nous fliquer, pourraient se transformer en fantastiques outils d’organisation, de coordination, de recensement et de démocratie.
Le progrès n’est pas de détruire les multinationales et les liens économiques, sociaux et humains tissés à l’échelle mondiale, mais d’en faire des biens communs à l’humanité tout entière.
Mettre en commun les moyens de production, produire consciemment ce qui a été décidé démocratiquement, c’est cela le communisme. Et nous n’en avons jamais été aussi proches, parce que la socialisation de la production est déjà réalisée en grande partie, par le capitalisme lui-même, par ce processus incessant de concentration qui unit les travailleurs du monde entier dans un seul et même système productif.
Le capitalisme a ouvert la voie à une société collective : alors, vive le communisme !
Il faut changer la société et cela changerait l’homme
S’il est impossible d’imaginer dans ses moindres détails la société communiste, il est certain que, en plus de transformer l’organisation économique, elle transformerait les rapports humains et changerait l’homme.
Dans une société débarrassée de l’exploitation, des classes sociales et de toute cette hiérarchie qui condamne l’écrasante majorité à la soumission, le travail n’aurait plus rien à voir avec ce qu’il est aujourd’hui.
Plus personne ne serait assigné à vie aux travaux ingrats et monotones. Ils deviendraient des tâches assumées collectivement. Toutes et tous pourraient participer aux choix économiques et sociaux, ainsi qu’à leur mise en œuvre, et selon leurs goûts, leurs curiosités, leurs compétences, ils pourraient étudier et apprendre tout au long de leur vie.
Les préjugés racistes, xénophobes, nationalistes, comme les comportements individualistes, sexistes, misogynes, reculeraient, parce qu’ils ne seraient plus alimentés par les rapports de domination et d’oppression qui vont de pair avec l’exploitation.
Les comportements individuels, souvent violents, qui naissent des frustrations, des humiliations, pourraient disparaître.
Et on ne se définira plus par le pays dans lequel on est né, mais on aura conscience de faire partie d’une même humanité.
Quel progrès serait accompli si sept milliards d’êtres humains pouvaient accéder à un niveau de vie convenable et laisser s’exprimer leur intelligence et leur créativité ! Quelles richesses humaines découvrirait-on si nous pouvions tous consacrer le temps voulu à pratiquer les arts, faire du sport, parcourir le monde !
En luttant pour notre émancipation, nous nous transformerons nous-mêmes !
Et c’est aussi ce que je veux dire dans cette campagne, en m’adressant spécialement aux jeunes. Cet avenir, il est possible, si vous vous autorisez à refaire le monde dans votre tête et si vous vous attelez à construire l’outil indispensable pour le faire naître : le parti révolutionnaire.
Un parti révolutionnaire
Ce ne sont ni les idées ni les perspectives qui nous manquent, c’est un parti pour les incarner et les faire vivre dans les classes populaires.
Le sentiment que tous les politiciens sont pourris, parce qu’une fois au pouvoir ils retournent leur veste, a conduit les classes populaires à rejeter la politique, le militantisme et tous les partis, que ce soient des partis de politiciens ou des partis de militants, comme Lutte ouvrière.
Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. Que les partis bourgeois soient, à l’image du système qu’ils défendent, des ramassis d’arrivistes, cela n’a rien d’étonnant. La seule conclusion à en tirer, c’est que les travailleurs qui ont pour perspective de changer la société doivent s’organiser dans leur propre parti.
Pas un parti comme les autres partis. Pas un parti de politiciens professionnels, mais un parti de salariés, de chômeurs, de retraités. Un parti composé et dirigé par des travailleuses et des travailleurs, capable de mettre en avant au jour le jour les intérêts des travailleurs contre la politique de la bourgeoisie.
Un parti ne vivant pas d’élections et de places dans les institutions, mais construit pour encourager les exploités à se défendre. Un parti capable à la fois de se battre pour les augmentations de salaire tout en défendant la perspective de l’abolition du salariat. Un parti capable de se battre pour des améliorations des conditions de travail tout en militant pour la suppression de l’exploitation de l’homme par l’homme. Un parti construit pour mener tous les combats contre l’exploitation, jusqu’au combat pour la prise du pouvoir.
Un parti qui place sa confiance dans la capacité du monde du travail, parce qu’en réalité c’est déjà grâce à lui que toute la société tient debout. Un parti convaincu donc que le monde du travail doit diriger la société à la place de la bourgeoisie, parce qu’il le fera bien mieux qu’elle.
Nous sommes tellement habitués à ce que les riches commandent et monopolisent le droit de diriger que nous ne réalisons pas que nous pouvons le faire nous-mêmes. Les décisions, ils peuvent les prendre, mais si nous ne sommes pas là pour faire le travail et transformer leurs décisions en réalité, il ne se passe rien. C’est nous qui mettons en musique tout ce qu’ils décident du haut de leurs conseils d’administration.
C’est à nous que l’on demande de faire l’impossible.
Il faut réaliser que l’utilité sociale, c’est nous qui l’incarnons. Les actionnaires et le grand patronat n’ont aucun rôle dans la production. Leur utilité sociale est nulle. Autrement dit, c’est la bourgeoisie qui dépend de nous, pour tout, y compris pour lui faire à manger et garder ses enfants ! Nous lui servons à tout, elle ne nous sert à rien !
Il faut l’avoir en tête, parce que je vous garantis que les bons petits soldats que nous sommes finiront par se révolter !
J’insiste là-dessus, parce que tout cela est d’abord une question de conscience. Au travail, nous mettons beaucoup d’énergie, d’intelligence, de compétences et de dévouement ; c’est vrai aussi quand on élève des enfants ou que l’on s’occupe des anciens. Imaginez que l’on mette ne serait-ce que le dixième de l’énergie que l’on donne à notre patron, pour fabriquer ses profits, à discuter entre nous, à nous organiser, à nous battre. C’est là que bien des choses pourraient avancer pour nous.
Alors, soyons conscients du pouvoir que nous avons de faire les choses nous-mêmes. Soyons conscients du pouvoir que nous avons de nous gouverner nous-mêmes.
Bien sûr, ce pouvoir, notre pouvoir, reste à construire. C’est un pouvoir qui ne peut être que collectif. Autrement dit, notre pouvoir, c’est notre organisation, c’est notre parti. Et cette campagne doit lui permettre de se renforcer.
Le combat politique que nous menons à l’occasion de cette présidentielle montre à tous les travailleurs qu’il y a un camp auquel ils peuvent se rattacher, un parti certes petit, mais sur lequel ils peuvent compter.
Quel que soit le poids de ma candidature dans les urnes, la politique que nous portons dans la campagne compte pour les travailleurs qui cherchent le moyen de se défendre. Elle encourage tous ceux qui essayent de s’organiser, et c’est cela le plus important.
Bien sûr, nous sommes à contre-courant, et nous le resterons tant qu’il n’y aura pas une remontée des luttes collectives. C’est d’ailleurs l’absence de ces luttes qui permet aux préjugés de fleurir, aux diversions de faire effet et aux démagogues de faire leur beurre en montrant du doigt des boucs émissaires.
Mais, même à contre-courant, nous pouvons avancer.
Nous allons porter les intérêts du monde du travail et nous trouverons de l’écho dans les entreprises et les quartiers populaires. Alors il faut mettre toutes nos forces dans cette campagne pour nous faire entendre.
Aidez-nous dans cette campagne. La possibilité de discuter, de faire réfléchir et de convaincre, en prenant le temps qu’il faut, c’est vous qui l’avez. Moi, sur les plateaux, dans les courtes interviews que je peux faire, je n’en ai pas la possibilité. Mais vous, vous le pouvez en discutant avec votre famille, vos camarades de travail, les voisins, les amis…
Pour que cette campagne soit réussie, il faut que ce soit la campagne de chacun d’entre nous. Il faut que ce soit une campagne militante.
Alors essayons de regrouper autour de ma candidature tous ceux qui sont révoltés. Tous ceux qui ne se résignent pas à un ordre social aussi inégalitaire, injuste et stupide. Et aidez-nous à construire ce parti qui nous manque tant.
Nous sommes minoritaires mais, dès qu’une épidémie de grèves se déclenchera, ce sont ces idées-là qui aideront les travailleurs à aller le plus loin possible dans le combat. Et ce combat, il peut et il doit aller jusqu’à renverser le capitalisme et son cortège d’arriération et de barbarie, il doit aller jusqu’à changer le monde !