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La chasse, son business, les chasseurs et leur défense de la nature
Droit de chasse et droit de propriété
Face à leurs opposants, les porte-parole des puissantes fédérations de chasseurs mettent en avant, parmi d’autres arguments, l’idée que la chasse serait une liberté individuelle, un droit historique conquis à la faveur de la révolution de 1789, et donc à défendre. Mais cette affirmation passe à côté du fait que ce droit fut alors établi, conformément à l’orientation même de cette révolution bourgeoise, en faveur des seuls propriétaires.
Durant les siècles précédents, elle était progressivement devenue l’apanage de la noblesse à des fins de loisir, l’un des symboles aussi de son parasitisme. Le pouvoir royal, s’attribua pour sa part le privilège de traquer les animaux lors de chasses à courre dans les réserves de chasse de ses domaines. La masse des petits paysans, métayers ou fermiers, qui auraient pu trouver dans la chasse une source de nourriture pour améliorer leur piètre alimentation, en furent exclus, ainsi que du droit de pêche. Il en allait un peu différemment sur certains prés communaux ou dans des zones de montagne où l’emprise des féodaux était faible.
Quant aux braconniers, ou dénoncés comme tels, ils furent longtemps châtiés par la peine de mort ou par l’envoi aux galères pour avoir, à leur manière, attenté à cet ordre social inique.
Marque de domination et d’oppression, cause également de dégâts importants sur les cultures, l’unique ressource des paysans, le monopole de la noblesse sur la chasse entretenait la haine des petits paysans. Il fut l’objet de maintes dénonciations dans leurs cahiers de doléances rédigés à la veille de la révolution de 1789. Et il fut l’un des tout premiers privilèges abolis le 4 août 1789, sous la pression des masses paysannes et de la peur qu’elles exerçaient sur les possédants. Le droit de chasse pour tous fut alors arraché. Mais, après avoir été contraints de concéder la fin des droits féodaux de la noblesse, les grands propriétaires terriens ne tardèrent pas à remettre le bas peuple à sa place. Prétextant une chasse frénétique, voire une « Saint-Barthélemy des petits lapins », la bourgeoisie interdit la chasse, sauf avec son autorisation, à tous ceux qui n’étaient pas propriétaires de terres, y compris à ceux qui les exploitaient en tant que fermiers. La nouvelle classe dirigeante ne supportait pas l’atteinte, par de « mauvais chasseurs »[1], au droit de propriété protégé par le nouveau régime. La chasse, voire le braconnage, risquaient en outre de détourner les paysans de leur travail. Le mépris de classe était fait loi. Le seul « bon chasseur », pour reprendre les termes d’un sketch fameux, était le propriétaire.
D’un loisir et d’un plaisir réservés à l’aristocratie, la chasse devenait un monopole lié à la légitime défense des biens et des récoltes du bourgeois propriétaire. Et un droit qui se transmettait avec l’héritage. Ce principe ne fut remis en cause (et sur une partie du territoire français seulement) qu’en 1964, avec la loi Verdeille. Celle-ci contraignit les propriétaires de moins de 20 hectares à adhérer aux associations communales ou intercommunales de chasse, tout en permettant la chasse sur leurs terres sans leur consentement.
Les chasses gardées de la bourgeoisie
La grande bourgeoisie, enrichie par les profits tirés de l’exploitation du prolétariat, acquit de gigantesques propriétés aux dépens de la petite paysannerie progressivement ruinée. Louer le droit de chasse sur ses propriétés était de plus en plus profitable. Ainsi, vers la fin du 19e siècle, cette pratique fournissait un revenu équivalent, voire supérieur, au produit de la terre elle-même. Avec la construction d’un réseau de voies ferrées, qui permit de relier les villes aux campagnes, la possession d’une réserve de chasse et d’un domaine forestier, très utile aussi aux grands consommateurs de bois qu’étaient encore les maîtres de forges, trouva un nouvel intérêt. Tout bourgeois se devait alors de posséder ses chasses gardées, au sens premier du terme, par des gardes armés. Ainsi pour la seule région Centre, à la veille de la Première Guerre mondiale, ces domaines occupaient-ils 316 712 hectares dans l’Allier, 243 066 hectares dans le Cher, 213 317 hectares dans le Loiret, 219 140 hectares dans la Nièvre, 204 492 hectares dans l’Indre et 144 567 hectares dans le Loir-et-Cher ! Au total, ces terres réservées aux plaisirs et aux réunions mondaines de la grande bourgeoisie et de ses courtisans couvraient 12,13 millions d’hectares du territoire, plus du quart du territoire, pour l’essentiel non cultivés.
Un siècle et demi plus tard, la Sologne, où Jean Renoir situe l’action de son film La règle du jeu et sa partie de chasse, demeure la Mecque des bourgeois chasseurs. Nombre de grands patrons et financiers, les Bouygues, Bich, Seydoux, Dassault, par ailleurs fondateur du magazine Jours de chasse, y possèdent d’immenses propriétés, achetées à prix d’or, avec leurs gardes-chasse, leurs jardiniers et domestiques. Ils y invitent leurs semblables ou leurs obligés. Là, des centaines de faisans, élevés dans la propriété et lâchés à l’occasion, ou achetés à des élevages spécialisés, peuvent être tirés, avec bien d’autres animaux prétendument sauvages, souvent importés, en une seule journée.
Posséder de telles réserves fermées (il en existerait 1 200 en France) permet en outre de ne pas être contraint par les dates d’ouverture de la chasse. Car la chasse, bien qu’il soit plus juste en l’occurrence de parler d’abattage, peut y être pratiquée toute l’année, sans même que les agents de l’Office national de la chasse et de la faune sauvage (ONCFS) chargés du contrôle de la chasse, aient le droit d’y pénétrer. La seule condition à ce privilège est qu’une habitation s’y trouve. Le plus souvent, il s’agit de véritables châteaux. La bourgeoisie a décidément tous les traits du parasitisme de l’Ancien Régime. À ses côtés, on retrouve tous les débris de la noblesse, qui est loin d’avoir été entièrement expropriée. La chasse à courre, interdite depuis le Hunting Act de 2004 en Angleterre, où elle restait un symbole persistant du poids social de l’aristocratie, est restée quasiment jusqu’à aujourd’hui la chasse gardée de l’aristocratie. Elle reste pratiquée en Irlande du Nord, de même qu’en Australie et en Nouvelle-Zélande, où des animaux, notamment des renards, ont été importés pour satisfaire ses adeptes !
Et gare aux gêneurs. Olivier Dassault, avec ses appuis au cœur de l’État, a ainsi pu s’opposer à la création d’un village de vacances près d’une de ses propriétés, tandis que Martin Bouygues a empêché la création d’une aire de gens du voyage aux abords de son très vaste domaine.
Le mouvement ouvrier face aux privilèges de la bourgeoisie
À partir de la deuxième moitié du 19e siècle, on assista certes à une relative démocratisation du droit de chasse, y compris en périphérie des grandes villes, avec l’instauration d’un permis dès 1844. De 125 000, le nombre de détenteurs s’éleva à 450 000 vers 1900 et à 600 000 en 1914. La bourgeoisie dite radicale, qui aimait à se poser en défenseuse des acquis de 1789 et des modestes propriétaires contre les grands, y trouva pour des décennies une partie de sa base électorale dans les campagnes. Dans leur presse, les propriétaires des chasses gardées se défendaient à leur tour au nom de la Révolution française, arguant, non sans raison, que la révolution avait lié le droit de propriété et le droit de chasse. S’y attaquer, c’était « pire que le collectivisme, le communisme », s’écria un député en 1892 à propos d’un projet visant à transférer aux communes les droits de chasse. La loi de 1901 sur les associations permit la création de sociétés de chasse, mais celles-ci restèrent sous l’emprise des gros propriétaires. Il y avait cependant incontestablement une forme de revanche sociale chez certains ouvriers et petites gens à prendre le fusil et à défier le privilège des propriétaires.
Le mouvement socialiste français dénonçait cette emprise de la grande bourgeoisie sur les terres. Dans son programme, le Parti ouvrier de France de Jules Guesde, favorable à la collectivisation des grands domaines, réclamait sans réserve « la liberté de la chasse et de la pêche, sans autre limite que les mesures nécessaires à la conservation du gibier et du poisson et la préservation des récoltes », ainsi que l’interdiction des chasses réservées, et de leurs gardes-chasse. Il faut dire que la justice continuait de s’abattre chaque année sur des milliers de contrevenants au droit de chasse, considérés et punis comme des braconniers. Jules Guesde ajoutait que, « sous l’état social actuel », ce serait une illusion de croire que les ouvriers et les petits paysans puissent réellement jouir pleinement de ce droit sans remettre en cause l’exploitation elle-même. En 1896, avec un autre parlementaire, il déposa une proposition de loi visant à instaurer un impôt sur ces chasses gardées, dans le but d’alimenter un fonds de secours pour les mères chargées de famille frappées par la pauvreté. Ils expliquaient : « La législation de 1789 a enlevé au pouvoir royal le droit exclusif de la chasse pour en faire un droit du propriétaire privé. En fait, elle n’a fait que remplacer un abus royal par un abus bourgeois du propriétaire. Nous cherchons en vain ce que la classe ouvrière a gagné à cette substitution. » Il faudra attendre 1918 pour qu’une première taxe soit imposée.
Mais, plus que la chasse, le mouvement socialiste soulignait le profond mouvement de dépossession progressive de la terre et de ruine de la petite paysannerie que les deux guerres mondiales allaient accélérer et qui n’allait d’ailleurs pas cesser jusqu’à aujourd’hui, avec la désertification des campagnes et la domination de l’agro-industrie.
L’industrie de la chasse : une affaire profitable
La chasse est aujourd’hui une activité générant selon certaines sources près de 4 milliards d’euros de chiffre d’affaires. La Fédération nationale des chasseurs invoque également les 27 800 emplois qui y seraient liés d’une façon ou d’une autre.
Outre les armes, les munitions, les équipements divers, cette activité comprend de multiples branches. À commencer par l’élevage. Car, on l’ignore parfois, une bonne part des animaux chassés chaque année (la moitié peut-être) ne sont pas des prélèvements effectués sur la nature, une régulation imposée en quelque sorte par la disparition de certains prédateurs de leurs milieux naturels. Chaque année, des millions de faisans, de perdrix, de lapins, de sangliers et de canards sont élevés dans le seul but de satisfaire la passion des chasseurs. Des croisements d’espèces ont aussi été opérés dans ce but, y compris avec le soutien d’organismes publics. À elle seule, cette activité représenterait 10 000 emplois et une source non négligeable de profits pour les grosses sociétés qui la dominent et exportent un tiers de la production (principalement vers l’Angleterre et l’Espagne, mais aussi en Amérique). À l’instar de la société Gibovendée, récemment dénoncée par l’association L 214 pour les conditions d’élevage atroces de ses faisans.
Ces industriels et les chasseurs qui utilisent leurs productions mettent en avant le fait qu’une grande partie de ces animaux ne sont pas abattus. C’est juste mais, n’étant pas du tout adaptés à la vie sauvage, relâchés par cargaisons entières, leur espérance de survie est des plus faibles, quelques jours le plus souvent. On est donc très loin d’une démarche de protection durable de la faune et de l’environnement.
Autre source non négligeable de revenus pour les propriétaires : la location aux chasseurs de leurs terres, en premier lieu des forêts. On estime son rapport annuel à environ 60 euros par hectare. Les propriétaires de forêts privées, qui possèdent les trois quarts des forêts françaises, louent ainsi 1,4 million d’hectares pour la chasse. L’État n’est pas en reste et concède aux chasseurs 70 % des forêts domaniales, générant quelques dizaines de millions d’euros d’impôts. Les communes font de même. Plus généralement, la chasse n’est véritablement interdite que dans la zone centrale de cinq parcs nationaux de métropole totalisant 0,5 % du territoire.
Protéger les éleveurs, la nature, réguler les espèces ?
Le retour depuis une quinzaine d’années de meutes de loups dans de nombreux départements, survenant après la réintroduction de quelques ours slovènes dans les Pyrénées où ils avaient disparu, a fait couler beaucoup d’encre. Cela a entraîné un certain nombre de mobilisations d’éleveurs contre leur présence, et celle aussi des chasseurs, pour lesquels ces quelques prédateurs sont d’une certaine manière des concurrents.
On peut évidemment comprendre l’angoisse de certains bergers et petits éleveurs, tout particulièrement dans les zones de moyenne montagne, dont l’activité, déjà précaire, se trouve affectée, malgré d’importantes indemnisations, par les attaques des loups et le stress qu’il entraîne parmi les ovins. Mais il faut une dose certaine de mauvaise foi pour instrumentaliser leur colère et prétendre, comme ont pu le faire certains chasseurs et paysans, que leur survie dépendrait de l’abattage de quelques animaux sauvages !
Le capitalisme a nourri depuis des décennies des hordes autrement plus dévastatrices et nuisibles.
La désertification des campagnes, et à l’inverse l’urbanisation sans contrôle, la disparition des petits commerces au profit de cultures commerciales et de la grande distribution ont en effet de longue date entraîné la ruine des petits paysans et la dislocation de nombreux éléments de la vie sociale dans les campagnes : fermeture des écoles, des postes ou des petites gares, voire des lignes ferroviaires elles-mêmes, etc.
C’est bien cette disparition des habitants, des emplois, comme ceux de bergers, et des activités dans les campagnes qui a favorisé la réinstallation de quelques centaines de loups, et qui rend leur présence menaçante pour certains éleveurs. En Espagne comme en Italie, ils sont présents depuis des décennies en grand nombre et n’ont pas suscité de telles levées de boucliers, et surtout de fusils, des habitants.
Et il va de même pour nombre d’espèces menacées dans les zones de montagne, dont les effectifs se sont effondrés, non pas en raison de la présence de chasseurs ou de prédateurs, mais à la suite de la création puis de l’extension des domaines skiables, de l’exploitation forestière, voire des conséquences du réchauffement climatique.
La prolifération des sangliers constitue elle aussi, mais à une plus large échelle, un véritable problème dans les campagnes en raison des dégâts sur les cultures, et dans les zones urbaines, où ils seraient à l’origine de 5 000 accidents de la circulation. Les chasseurs l’invoquent pour justifier leur action régulatrice et leur utilité sociale. Mais, il y a au fond bien peu de mécanismes « naturels » dans ce phénomène. De quelques dizaines de milliers dans les années 1960, le nombre de sangliers dépasse le million depuis les années 2000. Cela s’explique avant tout par les lâchages d’animaux d’élevage, marginaux aujourd’hui mais longtemps pratiqués, et par l’essor considérable des cultures de maïs, dont les sangliers raffolent et qui occupent désormais un champ sur quatre en France (et ce pour une production destinée à 88,3 % à l’alimentation animale). Conscients des dégâts occasionnés (de 20 à 30 millions d’euros par an), mais désireux de ne pas voir disparaître ce potentiel gibier, les fonds gérés par les sociétés de chasse indemnisent les agriculteurs, paient, voire installent des clôtures. D’ailleurs, si un propriétaire s’oppose à la chasse sur ses terres, il ne pourra pas être indemnisé. Cela explique l’importance prise ces dernières années par la question de la présence, et donc de la chasse, des sangliers. En Alsace, celle-ci est même ouverte la nuit, « si la luminosité naturelle permet leur identification ». La loi ne précise pas si la luminosité doit permettre l’identification des éventuels promeneurs.
Le mot d’ordre de défense de la nature, invoqué par les écologistes, n’a pas davantage de sens, tant il est vrai que notre environnement a lui-même été totalement transformé, voire façonné, par les activités humaines. Il est heureux par exemple que celles-ci soient parvenues au cours des siècles passés à assécher les zones marécageuses, certes riches en certaines espèces animales, mais où proliféraient les germes à l’origine de nombreuses maladies, notamment la malaria. Le film Ridicule, qui évoque les projets d’assainissement des marais de la Dombes au 18e siècle, et la détresse des paysans qui y vivaient, l’a illustré de façon remarquable, tout en montrant qu’il fallut pour leur réalisation attendre le renversement de la monarchie. Bien des espaces « naturels » actuels ont à l’inverse été recréés artificiellement. Les chasseurs, qui contribuent à leur entretien, font donc valoir que, sans leur concours, les oiseaux migrateurs qu’ils chassent auraient disparu depuis longtemps.
Ils sont de la même façon, même si c’est à des fins opposées, des défenseurs des haies, largement disparues à la suite des remembrements successifs, car elles servent de refuge à de nombreux animaux. Chasseurs et organisations écologistes se disputent donc sur le terrain le titre de plus grand défenseur de la faune et de la nature. Il est certes plus difficile aux partisans de la chasse de justifier sur ce plan les 5 000 à 10 000 tonnes de plomb déchargées dans la nature chaque année par les munitions. La concentration en plomb dans la viande de gibier est d’ailleurs un tel problème que l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (ANSES) recommande de ne pas en manger plus de trois fois par an !
La chasse aux électeurs
Le million de chasseurs constitue une population qui, tout en étant en recul sensible actuellement, est loin d’être menacée de disparition. Et il y a longtemps que les politiciens, prompts à parler au nom de la défense de la France rurale, des territoires et des traditions, les caressent dans le sens du poil. À la fin des années 1980, une partie d’entre eux se sont eux-mêmes constitués en parti, dont le nom, CPNT (Chasse, pêche, nature et traditions), se voulait un programme. Voulant faire entendre les intérêts de ses membres, il s’est présenté à plusieurs reprises aux élections, obtenant par exemple 6,77 % des voix aux élections européennes de 1999, 1,67 % à l’élection présidentielle de 2002, et bien davantage à de multiples scrutins locaux, notamment dans le Sud-Ouest ou dans le Nord. Ayant l’oreille d’une fraction de l’électorat populaire, CPNT s’est assez vite, à l’instar de ses deux premiers chefs de file, Jean Saint-Josse et Frédéric Nihous, clairement positionné très à droite sur l’échiquier politique, se ralliant à Sarkozy, entrant dans l’UMP, avant de se transformer en LMR (Le Mouvement pour la ruralité).
Le lobby des chasseurs, mais plus encore celui des plus riches d’entre eux, s’exprime davantage aujourd’hui par l’entremise de la puissante et riche Fédération nationale des chasseurs, dont le président, Willy Schraen, a ses entrées à l’Élysée et ne cesse d’encenser « l’implication personnelle du président » et « sa vigilance de tous les instants ». Ayant obtenu de Macron, à la veille des élections européennes de 2019, que le prix du permis national soit divisé par deux, Schraen lui est d’une certaine façon redevable. Il s’est même vanté d’avoir retiré ses troupes des ronds-points après le déclenchement du mouvement des gilets jaunes : « Si j’avais pas stoppé tout de suite, ils étaient 500 000 sur les ronds-points. » Schraen n’a subi qu’un revers, la récente interdiction de la chasse à la glu, pratique au demeurant très marginale. Et c’est, dit-on, la présence dans les salons de l’Elysée d’un autre lobbyiste du secteur, Thierry Coste, « conseiller politique » de la Fédération nationale des chasseurs, qui aurait provoqué le départ de Nicolas Hulot du gouvernement en septembre 2018.
Pour réconcilier l’homme et la nature : en finir avec le capitalisme
Dans le capitalisme, la quête du profit s’insère dans tous les pores de la société et corrompt tout. Laisser la gestion de la nature aux groupes privés qui en font le commerce et un outil d’enrichissement ne peut mener qu’à une catastrophe tant économique qu’écologique. L’évolution du secteur de la pêche, qui demeure au contraire de la chasse une activité économique réellement productive dont dépendent encore des dizaines de milliers d’emplois, l’a déjà amplement démontré. Des milliers de petits marins-pêcheurs ont cédé ces dernières décennies la place aux mastodontes des mers et autres bateaux-usines qui exploitent les trois quarts de la surface des océans et, de plus en plus, aux multinationales de la pisciculture. Et celle-ci n’a pris son essor qu’en raison de la disparition effective ou programmée de très nombreuses espèces due à la pêche intensive.
Concernant la chasse, la question n’est pas d’en être partisan ou adversaire, de même qu’il est stupide de se positionner, comme le font les porte-parole de l’écologie politique, en défenseurs de la nature en l’opposant aux activités humaines. Comme l’écrivait Engels, « nous ne régnons nullement sur la nature comme un conquérant règne sur un peuple étranger ». Et il ajoutait, en citant plusieurs exemples des conséquences désastreuses du mode de production capitaliste sur l’environnement : « Ne nous flattons pas trop de nos victoires sur la nature, elle se venge sur nous de chacune d’elles. » (Dialectique de la nature, 1883).
Le problème qui continue à se poser à l’humanité est de recouvrer pleinement le contrôle conscient de son développement, de la production, des échanges comme de son environnement dans toutes ses dimensions. Il ne peut être résolu qu’en transformant de fond en comble l’organisation sociale tout entière. Et cela ne sera possible que dans une société communiste, débarrassée de la propriété privée des moyens de production, dont la terre, et de la quête du profit.
20 octobre 2020
[1] Expression tirée d’un texte de 1789 sur « l’abus qu’on a fait du droit de chasse ».