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Leurre constitutionnel

Depuis quelques mois, l'avenir des institutions politiques françaises, provoque dans les milieux politiques, de vives discussions. Partisans et adversaires du "régime présidentiel" s’affrontent. Les premiers se recrutent essentiellement dans les milieux proches du gaullisme, et vont de l'UNR au gaulliste de gauche HERNU, membre du PSU, en passant par le "spécialiste“ DUVERGER. Les seconds se trouvent soit dans la droite classique (DUCHET), soit au PCF. Partisans qui, étant donné "l'incapacité" dont avait fait preuve le Parlement de la Quatrième République, excluent le retour à un tel régime, adversaires qui prônent un tel retour sans pour cela en définir ni les modalités, ni les formes précises.

Chacun se présente naturellement come le champion d'un régime "plus démocratique", mais tous se placent évidemment dans la perspective du maintien du système capitaliste.

Finalement, à l’exception de l'aspect technique de la discussion, derrière les mots dont on ne précise pas le contenu, la querelle porte sur des nuances ayant pour origine les intérêts particuliers de chaque formation politique plus que sur autre chose.

Qu'entend-on en effet par régime présidentiel ? Il s'agit d'un système politique dans lequel le chef de l'État ou du Gouvernement concentre entre ses mains des pouvoirs étendus dont il n'est pas ou peu responsable devant des Assemblées qui, elles, voient de ce fait leurs pouvoirs réduits. Ces assemblées existent cependant. Peu importe les modalités d'élection de ce président (il est cependant élu pour un temps limité, sinon on aurait une dictature pure et simple), d'où son titre, qui peuvent seulement accroître son "équation personnelle" vis-à-vis du pays, selon l’expression de De Gaulle ; seuls interviennent dans cette définition les rapports entre ce président et les assemblées. Ainsi si le régime politique des USA est considéré comme l'exemple même du régime présidentiel, on peut considérer celui de l'Angleterre comme en étant un de fait, malgré les formes de ses institutions. Car si le Premier ministre y est choisi dans le parti majoritaire de l'assemblée, l'existence de deux partis importants et d'une discipline stricte dans ces partis, rend le Premier britannique quasiment libre de tous ses actes vis-à-vis des Communes.

Si le régime présidentiel permet au caractère bonapartiste latent des gouvernements modernes de s'exprimer plus nettement, c’est une duperie de l'opposer au régime parlementaire, en sous-entendant que ce dernier représente la "démocratie". Si le parlementarisme du XIXème siècle représentait pour la bourgeoisie, .à l'époque, la démocratie, cette démocratie ne pouvait exister que sur la base du libéralisme économique et du capitalisme de libre concurrence, et l'impérialisme ne la permet plus. La bourgeoisie à l'époque actuelle doit confier la direction de l'État à un régime bonapartiste, en quasi permanence. Il est évident que ce caractère bonapartiste peut être plus ou moins prononcé selon les circonstances, et peut être surtout plus ou moins visible.

C'est dans ce cadre que se posait le problème des institutions en France, mais en outre les gouvernements se heurtaient depuis longtemps à deux problèmes précis qu'ils ne réussissaient pas à résoudre dans le cadre des institutions de la IVe République : d'une part, le problème algérien et d'autre part, le problème du fonctionnement des institutions politiques françaises, qui trouvaient en permanence entravées par la présence, à la Chambre, de 100 à 150 députés communistes en opposition pratiquement constante depuis 1948. Cette situation, donnant aux petites formations du centre une importance parlementaire accrue provoquait l'extrême instabilité gouvernementale de la IVe République.

Il suffisait d’un faible déplacement de voix pour constituer ou détruire une majorité, donc un gouvernement. Or ce problème, le Parlement, prisonnier des intérêts particuliers à chaque parti, ne pouvait le résoudre. Les tentatives furent vaines de faire adopter une loi électorale qui aurait réduit la représentation parlementaire du PCF, car chaque système préconisé nuisait en même temps à l’une ou à l’autre des fractions du centre. Le but essentiel de la Constitution de De Gaulle fut d’apporter une solution à ce problème. Elle permit de réduire le nombre des députés du PC de 150 à 10, grâce à une des lois électorales les plus scélérates de l’histoire politique de la France.

À l’heure actuelle, le problème se pose pour de Gaulle d’être encore plus indépendant qu’il ne l’est, car la liberté dont il bénéficie, n’est pas entièrement due à la Constitution, il la doit en grande partie au fait que l’UNR est majoritaire et l’appuie entièrement. Le fait nouveau est que certains indices montrent que cela ne durera pas, l’UNR risquant d’éclater.

S’il est évident qu’un régime rendant le chef de l’exécutif de plus en plus indépendant du Parlement, tend à restreindre l’ensemble des libertés démocratiques, il est par contre certain que l’aspect démocratique d’un régime type IVe République ne le distingue pratiquement pas du régime actuel. Les hommes politiques qui tentent d’engager la lutte de masses dans cette voie ne font que contribuer aux mensonges et aux duperies, grâce auxquels la bourgeoisie fait passer un appareil d’État à son service exclusif comme étant l’émanation de la société toute entière.

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