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Syrie : grandes manœuvres russes et occidentales autour d’un pays dévasté
Militairement et diplomatiquement, la puissance qui a renforcé son intervention en Syrie n’est pas la France mais la Russie. Alors si une nouvelle coalition, déclarée ou officieuse, se met en place et si l’on s’achemine vers un règlement politique de la question syrienne, l’impérialisme français veut en être partie prenante pour pouvoir y défendre ses intérêts. Telle est la raison véritable de l’intervention militaire française, si insignifiante soit-elle en comparaison.
Si les médias ont présenté le renforcement militaire russe en Syrie comme une surprise, ce n’en était certainement pas une pour les dirigeants des grandes puissances, à commencer par les États-Unis. Faire transiter pendant des semaines par le détroit du Bosphore des dizaines de bâtiments militaires de la mer Noire à la base russe de Tartous sur la côte méditerranéenne de la Syrie, envoyer des dizaines de chasseurs et bombardiers sur l’aéroport de Lattaquié situé au nord de Tartous, tout cela n’a pu se faire sans que les services de renseignement américains soient au courant, sans doute même prévenus à l’avance, voire qu’ils aient donné leur accord.
Quand Obama a reçu Poutine à New York lundi 28 septembre à l’occasion de l’assemblée générale des Nations unies, il l’a immédiatement et ouvertement traité en allié potentiel dans le conflit militaire syrien.
Les déclarations exaspérées de dirigeants américains et français à l’occasion des premières frappes militaires russes contre « l’opposition syrienne » au dictateur Bachar el-Assad ne sont que des postures. Si ces bombardements avaient réellement gêné les États-Unis, ils ne se seraient pas contentés de simples déclarations. En réalité, l’intervention russe prend sa place dans une réorientation de la stratégie de l’impérialisme américain, enclenchée depuis des mois sinon au moins deux ans. Pour tenter de résoudre le problème que lui posent les chaos syrien et irakien dont il est pourtant à l’origine, il cherche à s’appuyer sur des forces qu’il avait précédemment combattues : certaines milices intégristes chiites irakiennes et l’Iran qui les soutient, les milices kurdes de Syrie, et au final le régime de Bachar el-Assad lui-même. Et il compte sur la contribution des forces militaires déployées par Poutine.
Les rapports de la Syrie avec la Russie et les puissances impérialistes
Les liens des dirigeants de la Russie, et de ceux de l’URSS avant eux, avec la dictature syrienne remontent à loin. Les régimes nationalistes arabes de Syrie, d’Irak ou encore d’Égypte avaient établi des liens économiques et diplomatiques avec l’URSS dès les années 1950. Ainsi au début des années 1970, sous la dictature d’Hafez el-Assad, père de Bachar, le port de Tartous, à l’aménagement duquel l’URSS avait contribué, devint une base navale soviétique.
Ces liens de longue date ont fait que, lorsqu’en 2011, dans la foulée de ce que la presse a appelé le « printemps arabe », Bachar el-Assad a été contesté par des manifestations populaires, la Russie a toujours voté contre toute intervention de l’ONU en Syrie. Déjà à l’époque, cette position russe convenait bien aux dirigeants occidentaux, qui préféraient laisser la dictature mater toute contestation populaire sans avoir à justifier leur passivité complice auprès de leur opinion publique.
Une fois le mouvement populaire écrasé, la contestation au pouvoir syrien prit le visage des milices armées, dont certaines ultraréactionnaires soutenues par les puissances régionales locales comme la Turquie, l’Arabie saoudite, la Jordanie ou le Qatar. Les États-Unis et dans leur sillage les autres puissances impérialistes occidentales voulaient alors saisir cette opportunité pour essayer de se débarrasser de Bachar el-Assad. Car même si le régime syrien n’avait plus rien de l’anti-impérialisme du nationalisme arabe des années 1950, il n’était pas non plus totalement soumis à la politique de l’impérialisme dans la région.
Cette tentative fut un échec. Le régime d’Assad, même très affaibli, parvint à se maintenir. Et, de la myriade de milices financées et armées directement par les puissances régionales et indirectement par les grandes puissances comme les États-Unis et la France, n’émergea aucune force capable de représenter une alternative à Assad… si ce n’est finalement Daech, qui s’avéra encore moins maîtrisable par l’impérialisme que le régime syrien.
Alors, même si les États-Unis ont continué à condamner la dictature d’Assad et à financer et à armer des groupes militaires s’opposant à lui, ils ont commencé à envisager une politique alternative comptant sur la Russie et l’Iran, les deux alliés d’Assad. Ainsi, au printemps 2015, une offensive militaire contre Daech fut organisée en Irak avec l’aval des États-Unis, rassemblant des troupes du gouvernement officiel irakien et aussi des milices chiites qui s’étaient précédemment battues contre la présence américaine en Irak, tout cela sous la direction d’un général iranien, chef des troupes d’élites iraniennes al-Qods.
Ce revirement vis-à-vis du dictateur syrien n’en est pas vraiment un. Depuis que les États-Unis sont devenus l’impérialisme dominant dans cette région du monde, à la fin de la Deuxième Guerre mondiale, ils n’ont cessé de chercher parmi les forces en présence celles sur lesquelles ils pouvaient s’appuyer pour conforter leur politique du moment et combattre celles qui leur tenaient tête. Pendant des décennies, le régime syrien, à cause de son nationalisme et de ses liens avec l’URSS, a été mis à l’index. Mais cela n’a pas empêché les États-Unis de le solliciter quand ils en avaient ponctuellement besoin. Ainsi, c’est avec la bénédiction du gouvernement américain que les troupes d’Hafez el-Assad entrèrent au Liban en 1976 pour stabiliser la situation de ce pays. Et c’est sous la pression des États-Unis que ces mêmes troupes quittèrent le Liban en 2005.
De 2008 à 2011, la dictature syrienne est même à nouveau devenue respectable. Bachar el-Assad fut invité par Sarkozy à Paris pour le défilé du 14 juillet 2008, et un traité de libre-échange fut conclu entre la Syrie et la Turquie d’Erdogan dans le cadre de sa « nouvelle politique ottomane ». À chaque fois, les choix de l’impérialisme, à commencer par ceux de l’impérialisme américain, ont contribué à ces changements.
En ce qui concerne la Russie, c’est sans doute la menace de voir Tartous, sa dernière base navale en Méditerranée, menacée par l’avancée des milices anti-Assad qui a été le déclencheur de son intervention. Mais ses objectifs vont bien au-delà. En envoyant une force militaire non négligeable, Poutine se propose de jouer un rôle central dans la lutte contre Daech, en tentant de structurer une nouvelle coalition contre Daech avec les troupes d’Assad, celles du gouvernement irakien, celles de l’Iran, en passant par les milices kurdes. Ainsi, fin septembre, la Russie a créé à Bagdad une cellule de coordination en matière de renseignement et de sécurité comprenant, en plus d’elle, l’Irak, l’Iran et la Syrie.
Tout en cherchant à défendre ses intérêts propres dans la région, la Russie se prépare donc à jouer le rôle de coordinateur de la lutte anti-Daech, bien consciente qu’elle rend ainsi service à un impérialisme américain dépassé par la situation qu’il a lui-même créée. Les dirigeants américains n’envisagent pas du tout d’envoyer leurs propres troupes au sol. Leur dernière expédition militaire de la sorte, en Irak en 2003, n’a abouti qu’à engendrer un chaos ahurissant et surtout, du point de vue des intérêts impérialistes, l’émergence de forces bien moins maîtrisables que celles que cette intervention était censée combattre.
En Syrie, même si la Russie et les États-Unis restent des rivaux, ils sont aussi avant tout des complices et leurs intérêts sont plus convergents que contradictoires.
Le Figaro a récemment publié les déclarations d’une source anonyme proche des services de renseignement américains, contactée le 4 octobre, juste après les premières frappes russes. Elle affirme, selon le journal, que l’espoir d’une coopération avec les Russes est au cœur de la stratégie américaine. « Toutes les vociférations que vous entendez sur le fait que les Américains se sont fait prendre par surprise par Moscou sont fausses ! », dit cette source. Elle explique que les États-Unis ont engagé des conversations « depuis des mois » avec les Russes et que, au-delà du désaccord sur Assad, « Moscou et Washington partagent des intérêts » sur le dossier que « les Américains essaient d’exploiter pour régler le conflit ». « C’est très difficile, cela prendra sept à dix ans. Mais n’oubliez pas que les Russes nous ont aidés sur l’Iran. Le groupe 5 + 1 [États-Unis, France, Royaume-Uni, Russie, Chine et Allemagne, NDLR] est toujours actif, l’idée est de l’utiliser pour régler la crise syrienne, en amenant autour de la table les pays du Golfe, la Turquie et les autres. Les Français nous aident », dit cette source.
La barbarie des milices islamistes
Les premières frappes militaires russes n’ont touché que très partiellement Daech et ont surtout visé les autres milices de l’opposition à Assad, parce qu’elles menaçaient militairement le plus immédiatement le dictateur syrien, et par voie de conséquence les bases de l’armée russe en Syrie. C’est ce qui a donné lieu aux déclarations irritées des Occidentaux, à commencer par des dirigeants français. « Les Russes frappent les résistants et les civils », a dit Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères français : « Soutenir la lutte contre Daech, oui, nous le faisons ! Nos avions sont allés là-bas pour bombarder. Mais s’il s’agit de mettre en avant, prétendument, la lutte contre Daech pour en fait taper les résistants et conforter Bachar, non ! »
En bon professionnel de la diplomatie, Fabius n’a évidemment aucun scrupule à jouer les défenseurs des populations civiles syriennes au moment même où l’armée française engage son aviation dans des bombardements qui tueront eux aussi des civils. Par ailleurs, les groupes que Fabius appelle pudiquement des « résistants » sont en réalité dans leur grande majorité des milices islamistes. Ces milices qui combattent le régime de Bachar el-Assad sont autant rivales qu’alliées, et n’ont rien à envier à Daech du point de vue de la barbarie dont elles sont capables et du point de vue des idées réactionnaires dont elles se revendiquent.
Parmi cette opposition si respectable aux yeux de Fabius, les groupes militaires les plus importants hors Daech sont le Front al-Nosra, lié à al-Qaida, le groupe Jaysh al-islam (« armée de l’islam »), et le groupe Ahrar al-Sham dont certains responsables ont fait une partie de leur carrière de djihadistes dans le groupe État islamique en Irak, ancêtre de Daech.
Aux yeux des grandes puissances occidentales, ce qui rend plus présentables ces « résistants », pour reprendre l’expression de Fabius, est qu’à la différence de Daech ils prétendent limiter leur combat à la Syrie et jurent qu’ils ne porteront par leur djihad hors de ce pays. Quoi qu’il en soit, cela ne change pas grand-chose pour la population syrienne.
Ainsi, au début du printemps 2015, le Front al-Nosra et le groupe Ahrar al-Sham se sont ligués avec d’autres milices pour former l’Armée de la conquête, lors d’une offensive qui a abouti à la prise de la ville d’Idlib dans le nord-ouest de la Syrie. Le régime mis en place par cette coalition ressemble terriblement à ce que Daech impose dans les régions qui tombent sous sa coupe : imposition de la charia par la force, obligation pour les magasins de fermer durant la prière, couples infidèles traqués, femmes adultères lapidées en public… En juin, une vingtaine de personnes de confession druze ont été assassinées dans un village environnant suite à une simple altercation avec des membres d’al-Nosra. Et comme le Qatar et l’Arabie saoudite qui financent cette Armée de la conquête craignent de plus en plus qu’elle n’échappe à leur contrôle, voire qu’elle s’allie à Daech, ces pays envisagent de s’appuyer sur la troisième de ces milices, l’Armée de l’islam, surtout présente dans la banlieue de Damas et dirigée par Zahran Allouch, un salafiste convaincu.
Les groupes militaires de l’Armée syrienne libre (ASL) n’ont jamais été réellement unifiés et ont toujours constitué un ensemble très disparate. Dans certaines régions, derrière cette étiquette, se retrouvent des troupes souvent très proches des milices islamistes. À l’occasion de l’offensive sur Idlib, des troupes de l’ASL se sont insérées dans l’Armée de la conquête. Dans d’autres régions, c’est l’inverse, elles se font anéantir par les milices djihadistes. Au cours de l’automne 2014 et de l’hiver 2015, le Front al-Nosra a ainsi exterminé deux groupes de l’ASL.
Les États-Unis avaient annoncé en février 2015 qu’ils allaient mettre en place, en Turquie et en Jordanie, un programme d’entraînement et de formation par des instructeurs américains de 15 000 combattants syriens. En septembre 2015, seulement 54 combattants avaient été formés. Un général américain a même officiellement reconnu que seuls « quatre ou cinq » combattants étaient toujours actifs en Syrie. Car la cinquantaine de soldats envoyés durant l’été pour combattre Daech, appelés la Division 30, furent attaqués et en grande partie capturés par le Front al-Nosra, pour finalement rejoindre les troupes de la milice djihadiste avec six camions chargés de missiles et de munitions.
Devant cette situation sur laquelle ils n’ont pas prise, les États-Unis ont choisi d’appuyer les milices kurdes syriennes, les Unités de protection du peuple kurde (YPG), qui combattent Daech dans le nord-est de la Syrie avec un certain succès. Cet appui a commencé à Kobané, cette ville kurde adossée à la frontière turque, qui fut encerclée par Daech à partir de septembre 2014. In extremis, par des bombardements, les États-Unis ont aidé les milices kurdes à repousser l’offensive islamiste. Puis ils ont continué à les soutenir lorsqu’elles ont repris à Daech la ville syrienne de Tal Abyad, frontalière avec la Turquie, qui était un point de passage des armes, du pétrole et des recrues pour l’organisation djihadiste.
Il n’y a évidemment aucune raison humanitaire dans les choix américains. Face à Daech, les YPG sont, parmi les groupes armés existants, ceux capables d’une certaine efficacité militaire. Par ailleurs, les États-Unis ont su négocier leur soutien grâce à l’entremise des dirigeants kurdes d’Irak, intervenus au moment du siège de Kobane. Ces derniers sont des alliés des États-Unis depuis l’intervention de 2003 en Irak et même depuis l’intervention précédente, à l’occasion desquelles les États-Unis leur ont donné la possibilité de contrôler de façon quasi autonome le Kurdistan irakien et ses réserves pétrolières.
Évidemment, le gouvernement turc a du mal à accepter ce soutien américain aux milices kurdes. Pour le président Erdogan, les YPG sont les alliés syriens du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) turc, qu’il présente comme l’organisation terroriste numéro un à écraser. Lui-même a d’ailleurs tout fait pour affaiblir les YPG, en continuant à fournir des aides à Daech à travers la frontière turco-syrienne.
Le choix américain de laisser la Russie organiser une nouvelle coalition contre Daech en s’appuyant sur le régime d’Assad, sur l’Iran, les milices irakiennes chiites et sur les milices kurdes, a froissé plusieurs des alliés traditionnels des États-Unis. Outre le soutien aux milices kurdes, la Turquie, l’Arabie saoudite et le Qatar ne voient pas d’un bon œil l’intégration d’Assad dans un front anti-Daech, et le fait que leurs propres alliés sur le terrain militaire syrien, ces milices islamistes qu’ils ont contribué à mettre en place, soient désormais des cibles au même titre que Daech. Et puis le retour au premier plan de l’Iran, concurrent régional de taille, ne leur plaît pas plus. Cependant, vu les intérêts économiques et politiques qui lient ces pays aux États-Unis, il est probable que, tout en tentant de continuer à défendre en sous-main leurs propres intérêts, ils devront finir par se faire une raison et se plier à la nouvelle orientation américaine.
La sollicitude française envers les monarchies pétrolières
Les contradictions de la diplomatie américaine ont eu une autre conséquence. Elles ont ouvert de nouvelles opportunités à l’impérialisme de second rang qu’est la France. Les dirigeants français n’ont ainsi pas perdu une occasion de se faire les relais des protestations de l’Arabie saoudite, notamment quand les États-Unis ont commencé à négocier avec l’Iran sur son programme nucléaire. C’est pourquoi Hollande, Valls et Fabius ont été parmi ceux qui ont protesté le plus fort contre les frappes militaires russes à l’encontre des milices soutenues par l’Arabie saoudite.
Se contenter des restes de la diplomatie américaine, cela rapporte ! Des chantiers de la Coupe du monde de football au Qatar pour Bouygues, Vinci et consorts, aux avions Rafale de Dassault vendus au Qatar et à l’Égypte grâce à un financement saoudien, tout comme les porte-hélicoptères Mistral, les affaires sont allées bon train. Et ce n’est pas fini. Lors du dernier déplacement de Valls au Proche-Orient, mi-octobre, 50 milliards de commandes et d’investissements étaient en jeu. Cela concerne le domaine de l’industrie militaire, mais aussi celui du nucléaire avec un projet de construction de deux réacteurs EPR pour Areva et EDF, ou encore celui de l’aéronautique avec la vente d’Airbus A350 et A380 pour la flotte de Saudia Airlines. Même une offre de modernisation des systèmes de défense antiaérienne de l’armée saoudienne proposée par Thales pour 4,5 milliards de dollars, et qui avait été précédemment écartée il y a trois ans au profit d’un concurrent américain, a été ressortie des cartons. Qu’est-ce que ces richissimes émirs saoudiens ne feraient pas pour remercier l’impérialisme français de se faire le porte-parole de leurs ambitions contrariées par les intérêts supérieurs de l’impérialisme américain au Proche-Orient ?
Enfin, en s’appuyant sur ces monarchies pétrolières, l’impérialisme français cherche à se constituer des points d’appui dans la perspective d’un éventuel règlement politique de la situation syrienne. Tous les acteurs savent qu’il faudra composer avec le régime d’Assad pour tenter de mettre fin au chaos et mettre en place un pouvoir de transition, mais avec quelles autres forces ? Et quels seront les liens que les différentes puissances régionales et impérialistes auront avec ce nouveau pouvoir ? Pour l’impérialisme français, l’enjeu est l’accès aux ressources de la région, comme le pétrole, mais aussi aux éventuels marchés de la reconstruction. Dans cette perspective, les soutiens saoudiens et qataris peuvent être des relais importants.
Alors, l’intervention de la Russie aboutira-t-elle à une réelle stabilisation de la situation, en Syrie et plus globalement dans cette région où des millions de femmes et d’hommes, en l’espace de quelques années, ont vu leur vie basculer dans l’enfer de la guerre civile ? Toutes les ingérences cumulées des puissances impérialistes au long des dernières décennies ont introduit un tel niveau de chaos dans cette région, et par ailleurs l’économie capitaliste s’enfonce dans un tel marasme qu’on se demande bien ce qui pourrait être dans tout cela source de stabilisation durable. D’autant plus que toutes les puissances jouent un double jeu, d’un côté participant à la lutte contre Daech, mais de l’autre poussant aussi leurs propres pions. Et il y a fort à parier que les dernières manœuvres des uns et des autres ne mettront pas fin au chaos, et tout au plus modifieront la répartition des rôles en développant de nouvelles forces toujours plus réactionnaires.
Beaucoup présentent l’opposition entre d’un côté le camp d’Assad, de l’Iran et des Kurdes, et de l’autre celui de Daech, des milices islamistes, de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, comme une opposition fondamentale entre un camp chiite et un camp sunnite. C’est confondre le fond avec les apparences, et cela revient aussi à attribuer la responsabilité de la barbarie que subissent les populations à ces populations elles-mêmes et à leur supposé sectarisme religieux. Dans bien des régions de Syrie, il n’y a encore que quelques années, les populations vivaient mélangées sans problème. C’est la politique de l’impérialisme qui a produit ces divisions et les a exacerbées. Dresser les populations les unes contre les autres a toujours été un principe de base de la politique impérialiste, quitte à créer des fossés de sang.
Alors, tant que les rapports capitalistes domineront l’organisation sociale, les rapports impérialistes domineront les rapports entre les peuples. On ne supprimera pas les uns sans supprimer les autres. Voilà aussi pourquoi le sort des peuples du Proche-Orient et la situation des exploités ici sont intimement liés.
17 octobre