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- Lutte de Classe n°9
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La calomnie et le bluff sont les armes des organisations petites-bourgeoises, pas celles du prolétariat révolutionnaire
Il est tentant pour certains de ne voir dans les divergences qui nous séparent des organisations comme l'OCI ou la Ligue Communiste que de banals différents d'ordre tactique, voire même de subalternes querelles d'appareils. Comme nous le montrons par ailleurs dans ce numéro à propos des positions prises par la Ligue et l'OCI à l'occasion de la mobilisation des lycéens et des étudiants, ces divergences ont des racines bien plus profondes. Elles procèdent de choix sociaux différents. Ainsi, lorsque la Ligue et l'OCI revendiquent le titre de direction politique de la jeunesse, ils pourraient ne pas faire fi de tout critère de classe, mais en fait, ils s'écartent délibérément du terrain du prolétariat. Il est vrai qu'un tel abandon ne date pas d'aujourd'hui.
De même lorsque l'OCI, par la bouche de ses dirigeants, utilise les calomnies les plus vulgaires contre nous et la Ligue en guise de discussion politique, il ne s'agit nullement d'un phénomène fortuit. Une telle attitude a une profonde signification politique et sociale qui permet de situer politiquement et socialement l'organisation qui l'assume. Et si nous revenons aujourd'hui sur cette affaire, c'est qu'elle nous paraît particulièrement significative.
Il serait trop simple en effet, pour ne pas dire simpliste, de considérer que lorsque tel dirigeant de l'OCI se permet de déclarer que des organisations comme Lutte Ouvrière et la Ligue Communiste sont des «organisations crypto-staliniennes propulsées par la bourgeoisie», il pourrait ne s'agir que d'un simple écart de langage chez un personnage qui a fait de l'outrance verbale sa spécialité. D'ailleurs pour se convaincre qu'il n'en est rien, il a suffit de voir comment l'OCI-AJS a su emboîter le pas aux propos de son leader, se chargeant même de préciser ce que le terme «propulsées» pouvait laisser dans l'ombre. L'argumentation, si tant est que l'on peut employer ce terme, avait le mérite de la simplicité : «puisque l'OCI éprouve d'énormes difficultés de trésorerie pour présenter 20 candidats, comment font des organisations comme Lutte Ouvrière ou la Ligue Communiste qui en présentent respectivement 171 et 90 ?». Et l'allusion devenait plus précise chez certains membres de l'OCI-AJS qui, n'hésitant pas à conclure dans la direction proposée par leur direction, posaient la question : «d'où vient l'argent ?» en oubliant combien de fois, et à qui, cette question avait été posée dans le passé par la bourgeoisie et les staliniens.
Nous ne ferons pas l'injure à nos lecteurs de réfuter longuement dans ces colonnes de telles allégations ordurières ramassées dans on ne sait trop quelle poubelle : celle de la droite imbécile ou celle du stalinisme ? Remarquons toutefois au passage que depuis «l'or de l'Allemagne» qui «propulsa» un certain Lénine en 1917 à «l'or de Moscou» en passant par les gauchistes-Marcellin, les calomniateurs ont fait preuve d'une constante indigence d'imagination.
Notre propos n'est pas de discuter avec sérieux des crapuleries et des pitreries de Just et de l'OCI Par contre il n'est pas sans intérêt de se pencher sur la signification politique d'un tel comportement.
Durant toute cette campagne, certes, les dirigeants lambertistes n'ont pas hésité à se contredire à plusieurs reprises. Ce fut le cas quand, après avoir accepté de discuter en commun avec Lutte Ouvrière et la Ligue d'un projet de répartition des circonscriptions, ils rompirent brusquement les pourparlers, prétendant qu'en tout état de cause, les positions en présence étaient inconciliables. De même lorsqu'ils annoncèrent leur décision de ne présenter que 20 candidats après avoir laissé entendre qu'ils en présenteraient bien plus et après surtout qu'ils aient revendiqué plus de 90 circonscriptions dans les négociations Ligue-Lutte Ouvrière-OCI. Contradiction encore dans leurs déclarations. Ainsi on pouvait lire dans Informations Ouvrières, le 13 décembre (numéro 590) «... La Ligue Communiste et Lutte Ouvrière sont caractérisées par l'OCI comme des formations centristes à vocation petite-bourgeoise... l'OCI par exemple étend à la Ligue et à Lutte Ouvrière les consignes électorales qu'elle formule à l'adresse du PCF et du PS. Vote au premier tour selon le choix pour les candidats du PCF, du PS, de la Ligue et de Lutte Ouvrière», puis un mois plus tard, dans le même journal, le compterendu du discours que fit Just à la Mutualité le 19 janvier, à Paris, discours dans lequel il déclarait qu'en aucun cas il n'était question de faire voter pour des candidats de Lutte Ouvrière ou de la Ligue «candidats crypto-staliniens propulsés par la bourgeoisie».
De telles contorsions prouvent au moins une chose : c'est que l'OCI n'avait à aucun moment ni projet politique, ni projet concret en ce qui concerne ces élections de mars. Le voilà, ce fil qui relie les déclarations vantardes des premiers temps aux attaques crapuleuses qui suivirent la rupture des négociations avec Lutte Ouvrière et la Ligue. Car il ne peut pas faire de doute que lorsque les responsables de l'OCI-AJS vinrent discuter avec Lutte Ouvrière et la Ligue ce n'est pas tant qu'ils avaient défini un axe d'intervention précis dans la campagne, ni même qu'ils avaient décidé de présenter un nombre significatif de candidats. C'est ce que la suite prouva. Non ! S'ils acceptèrent des discussions durant lesquelles ils bluffèrent avec un aplomb digne d'être souligné, c'est uniquement parce qu'ils ne voulaient pas laisser le champ libre au groupe rival. Et le bluff qu'ils développaient était d'autant plus gros que, habitués à juger les autres à leur propre image, ils pensaient qu'en face d'eux, les représentants de Lutte Ouvrière et de la Ligue agissaient de même. Lorsqu'ils revendiquaient plus de 92 circonscriptions, les négociateurs de l'OCI-AJS savaient pertinemment qu'ils ne présenteraient pas tant de candidats. Les raisons invoquées ultérieurement par eux, en l'occurrence l'incapacité financière de leur organisation, n'étaient pas telles qu'elles puissent leur imposer au dernier moment un brusque changement de cap. Le bluff, le mensonge, les rodomontades tenaient lieu pour l'OCI de ligne politique durant toute cette période. Ce sont là des expédients, qui peuvent réussir quand il s'agit de manoeuvrer pour s'assurer le contrôle d'un, appareil syndical estudiantin, mais qui furent d'une piètre efficacité en l'occurrence.
C'est d'ailleurs parce que l'OCI-AJS n'avait pas défini de politique face à la perspective des élections de mars 1973 qu'elle se trouvait de toute façon dans l'impossibilité d'accepter l'accord que nous avions proposé aux principales organisations se réclamant du trotskysme, accord qui correspondait aux intérêts des trois organisations non pas tant parce qu'il préservait les intérêts de chaque appareil, mais parce qu'il permettait de fournir à la classe ouvrière - du moins à la fraction qui disposait du droit de vote - la possibilité politique d'affirmer, face à la perspective de l'Union de la Gauche, son existence et sa volonté de ne pas se laisser enfermer dans le faux dilemme proposé par Mitterrand-Marchais. C'est parce que la direction de l'OCI-AJS n'imaginait pas qu'elle avait en face d'elle une organisation responsable, intervenant politiquement sur la base d'une politique cohérente, qu'elle a cru pouvoir se permettre d'user de procédés subalternes qui lui avaient déjà réussi dans le milieu estudiantin. Là encore, les dirigeants de l'OCI firent montre d'une myopie remarquable. Lutte Ouvrière présentait 171 candidats sur la base d'une politique qui ne visait pas à contrer l'intervention du groupe rival, mais qui était destinée à offrir une perspective aux travailleurs. Dès lors, il ne restait plus pour l'OCI que le refuge dans le repli sectaire et hargneux sur elle-même.
Mais en agissant ainsi, la direction de l'OCI n'a pas seulement fait la preuve de son incompétence. En voulant appliquer à la lutte politique des méthodes qui lui ont réussi au sein de l'UNEF : le bluff, le mensonge, l'injure calomnieuse, elle révèle cette fois encore la nature sociale de son organisation.
Organisation petite-bourgeoise, ses pratiques politiques se résument à quelques manoeuvres de coulisse assaisonnées de bluff, qui font place à l'injure et à la calomnie quand l'opération échoue, injure et calomnie qui ont pour fonction de constituer un rideau de fumée qui doit permettre aux dirigeants de masquer aux yeux de leurs militants leur incompétence. Le procédé n'est pas nouveau, tous les bureaucrates du monde en usent. Pourquoi les bureaucrates aux petits pieds de l'OCI ne s'en serviraient-ils pas eux aussi ? Avec un bonheur incertain il est vrai !
La formule «seule la vérité est révolutionnaire» est totalement étrangère à Just, Berg et consorts, comme elle est étrangère à tous les bureaucrates, parce que leur objectif n'est pas de construire une organisation révolutionnaire socialiste.
Car en effet, une organisation communiste, une organisation révolutionnaire qui veut mériter ce nom, ne peut fonder son action que sur le prolétariat constitué en tant que classe, hautement consciente de son rôle historique. L'intervention des révolutionnaires vise donc à élever le niveau de conscience du prolétariat, et cette intervention repose donc en premier lieu sur la conscience de ses propres militants. En conséquence, elle récuse le bluff, le mensonge, la calomnie crapuleuse, tout ce qui s'appuie sur les préjugés les plus rétrogrades, tout ce qui consiste à flatter les sentiments les plus bas dans le but, à courte vue disons-le en passant, de rassembler un peu plus de monde.
Oui, les révolutionnaires affichent sur leur drapeau «seule la vérité est révolutionnaire». Et tous ceux qui abandonnent cette devise au profit de petites manoeuvres opportunistes ne se placent pas sur le terrain du prolétariat, mais sur celui des classes oppresseuses. Nous espérons qu'au cours de ce passé récent, nombreux seront les militants de l'OCI-AJS qui en auront pris conscience.