Les candidats de Lutte Ouvrière aux élections législatives - 171 travailleurs révolutionnaires représentant leur classe01/02/19731973Lutte de Classe/static/common/img/ldc-min.jpg

Les candidats de Lutte Ouvrière aux élections législatives - 171 travailleurs révolutionnaires représentant leur classe

Avec 171 candidats, Lutte Ouvrière est, de très loin, la tendance révolutionnaire le plus largement représentée dans ces élections législatives, puisque finalement, la Ligue Communiste, (Section française du Secrétariat Unifié) n'aura qu'une centaine de candidats et l'Organisation Communiste Internationaliste, de concert avec l'Alliance des Jeunes pour le Socialisme, une vingtaine seulement.

Les listes de Lutte Ouvrière ne comprennent que des travailleuses et des travailleurs. Et cette composition sociale est profondément originale non seulement par rapport aux partis bourgeois traditionnels, mais aussi par rapport aux organisations réformistes se réclamant de la classe ouvrière et du socialisme et aux autres organisations révolutionnaires.

Sur nos listes les ouvriers d'usine sont la catégorie la plus largement représentée (76 soit 44,4 %), suivis des employés (30 %) et des techniciens (19 %). Les femmes travailleuses ne sont pas non plus oubliées puisque 47 d'entre elles sont candidates titulaires Lutte Ouvrière (alors que l'ensemble des organisations politiques, bourgeoises et réformistes, ne présentent qu'une cinquantaine de femmes à elles toutes sur plus de 3 000 candidats). Notons enfin que trois camarades de l'émigration du groupe trotskyste antillais «Combat Ouvrier» se présenteront également sur nos listes puisque les travailleurs antillais sont une des seules catégories de travailleurs immigrés qui jouit de la nationalité française et des droits politiques qui s'y rattachent. Quant au groupe «Combat Ouvrier» lui-même, il présentera ses propres candidats aux Antilles, tant à la Guadeloupe qu'à la Martinique.

Cette composition de nos listes est, avant tout, le reflet de ce que nous sommes, de notre intervention quotidienne dans les entreprises. C'est aussi une réponse aux porteparole de la bourgeoisie et du mouvement réformiste qui tentent de présenter tous les révolutionnaires comme des militants qui s'accrochent au milieu étudiant ou n'en débordent guère.

Or le fait que sur nos listes se retrouvent des travailleurs de toutes conditions, de toutes professions, des jeunes, pour la plupart, mais aussi des moins jeunes, témoigne que le combat pour la révolution socialiste est non seulement en théorie, mais dans les faits - c'est-à-dire dans les usines, les quartiers, les bureaux, les mines - le combat d'un nombre de plus en plus élevé de travailleurs engagés dans une même lutte pour changer le vieux monde et instaurer leur propre pouvoir.

Mais, en ne présentant que des travailleurs aux suffrages des électeurs, nous voulons viser plus loin. Nous voulons faire une démonstration vis-à-vis de l'ensemble de la classe ouvrière qui sera touchée par notre campagne.

Car le propre d'une classe dominante, en l'occurrence de la bourgeoisie, c'est d'être capable d'imposer son idéologie à l'ensemble de la société, ou du moins à la plus grande partie de celle-ci. Et les capitalistes ne se gênent pas pour expliquer aux travailleurs que n'importe qui ne peut pas être député. Ils ne disent pas crûment, bien qu'ils le pensent, qu'il convient de n'envoyer à la Chambre que des capitalistes ou des membres de couches sociales liées, par leur mode de vie ou leurs intérêts, à la classe dominante. Mais ils déguisent leur point de vue de classe sous le masque de la «compétence» ou de la «technicité». Et il se trouve nombre de militants ouvriers pour reprendre ce point de vue.

D'ailleurs la réalité française illustre parfaitement l'aspect de classe du parlementarisme bourgeois. Car, bien qu'en France la classe ouvrière constitue la moitié de la population active, il n'y avait par exemple aux élections de juin 1968 que 144 ouvriers et ouvriers agricoles sur 2 265 candidats. Et si l'on ajoute à ce nombre 169 employés, on obtenait un maximum de 313 travailleurs soit 14 % seulement du nombre des candidats. Encore faudrait-il préciser que la plupart de ces candidats étaient présentés par le Parti Communiste Français (même si un certain nombre d'entre eux sont en fait, depuis longtemps, des permanents du parti). Une statistique portant sur les autres partis politiques, à l'exclusion du Parti Communiste Français, aurait fait apparaître une proportion de travailleurs quasiment nulle.

Face à cette sous-représentation des travailleurs par rapport au nombre total des candidats, on trouvait 113 chefs d'entreprises (soit un pour moins de trois travailleurs) et un nombre considérable d'intellectuels (443 enseignants en tous genres) et de membres des professions libérales (523 soit 23 % des candidats).

Si l'on considère maintenant non plus les candidats mais les élus, cette inégalité est encore plus flagrante. Onze membres seulement de la Chambre des députés sortante figuraient dans les statistiques officielles sous la rubrique «ouvriers» (dont dix membres du Parti Communiste et un du Parti Socialiste) et huit sous la rubrique «employés» (sept membres du Parti Communiste et un du parti gaulliste UDR). C'est-à-dire que dans la Chambre élue en 1968, il y avait au maximum 4 % de députés qui pouvaient être considérés comme «travailleurs».

Cet état de fait parlementaire illustre, dans ce domaine particulier, le caractère dominant exercé sur tous les plans, dans notre société, par la bourgeoisie. Le fait que des catégories entières de travailleurs (jeunes et immigrés) soient privées du droit de vote, le prix élevé d'une campagne électorale, l'ensemble des difficultés matérielles que rencontre un travailleur pour faire campagne, une loi électorale particulièrement injuste, tout cela contribue aussi à diminuer le nombre de travailleurs candidats, et encore plus le nombre de travailleurs élus.

Mais pour importants qu'ils soient, tous ces facteurs ne sont que secondaires par rapport à la conviction profonde (inculquée par l'idéologie bourgeoise) qu'ont de nombreux travailleurs qu'ils ne sont pas capables de prendre leur sort en mains et qu'il convient de s'en remettre à des «spécialistes» de la politique.

Classe exploitée et opprimée, le prolétariat n'a pas toujours conscience du fait qu'il ne pourra s'émanciper qu'en s'occupant lui-même de ses propres affaires. Si «L'Internationale» proclame «qu'il n'est pas de sauveur suprême, ni dieu, ni César, ni tribun», c'est malheureusement à de nombreuses reprises pourtant que la classe ouvrière a cru pouvoir améliorer son sort en donnant sa confiance à de beaux parleurs n'hésitant pas au besoin à se parer des étiquettes les plus ronflantes «socialistes», «communistes» ou «révolutionnaires», mais en fait profondément étrangers aux intérêts de la classe ouvrière. C'était là, selon le mot de Trotsky, le «drame du prolétariat français».

Et le rôle des révolutionnaires, fraction la plus consciente de la classe ouvrière, c'est précisément d'exprimer de la manière la plus claire possible ses propres intérêts de classe, et en particulier l'idée que ce n'est qu'en prenant eux-mêmes leur sort en mains que les travailleurs pourront construire une société ignorant l'oppression et l'exploitation.

C'est aussi et surtout cette démonstration que nous avons voulu faire, avec les faibles moyens dont nous disposons, en présentant dans ces élections 171 ouvriers révolutionnaires, travailleurs du rang, et en tournant résolument le dos à tout «vedettariat» à l'encontre de ce qu'ont fait dans le passé, et de ce que font encore aujourd'hui, maints groupes révolutionnaires.

Il ne s'agit pas évidemment de faire croire ou de laisser croire qu'il suffirait d'une majorité de députés ouvriers (si même cela était mathématiquement possible) au parlement des bourgeois, pour transformer celui-ci en instrument du pouvoir ouvrier. Il s'agit au contraire, là aussi, de lutter contre toutes les illusions électoralistes et de démontrer le caractère de classe du pouvoir en place, et la nécessité pour le prolétariat de le détruire.

Les révolutionnaires luttent pour le pouvoir des travailleurs, pour un pouvoir exercé non pas par quelques poignées de députés incontrôlables ou incontrôlés, (même révolutionnaires) mais par les travailleurs eux-mêmes à tous les échelons de la vie sociale. Pour un pouvoir où les organismes centraux de contrôle ou de décision seront l'émanation de l'ensemble de la classe ouvrière organisée dans ses conseils d'usines ou de quartiers. Et la première chose qu'ils peuvent faire pour populariser cette idée, pour leur permettre aussi de démontrer qu'il ne s'agit pas pour eux d'une phrase creuse mais bien de leur conviction profonde, dès à présent c'est d'appeler les travailleurs, dans les consultations électorales organisées par la bourgeoisie, à voter pour d'autres travailleurs. C'est leur proposer un vote qui soit vraiment un vote de classe. Et pour les révolutionnaires, c'est enfin la possibilité de démontrer que la classe ouvrière dont ils se réclament dans leurs idées, et celle qui chaque jour lutte avec ses espérances, ses illusions, ses préjugés, mais aussi son dévouement et son héroïsme, ne sont qu'une seule et même classe.

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