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Ukraine : plus d’hommes pour une guerre plus impopulaire
Une nouvelle vague de mobilisation devrait fournir près d’un demi- million de soldats à l’état-major ukrainien. Zelensky vient de signer la loi de mobilisation, avec effet au 3 avril.
Votée par les députés il y a un an, cette loi avait vu sa mise en œuvre repoussée, le gouvernement craignant les réactions de la population et Zelensky voulant se défausser sur l’état-major d’une mesure impopulaire dont il prétendait ne pas voir la nécessité. Critiqué en cela par les sommets de l’armée, il a récemment fait coup double en limogeant son chef d’état-major et en lui attribuant l’échec de la contre-offensive dont il a été tant question en 2023.
Mais les manœuvres politiques ne pèsent pas lourd face aux réalités du front. Faute d’armes et de munitions, dit Zelensky, qui supplie ses parrains occidentaux de lui en fournir en plus grand nombre ; faute de militaires pour s’en servir, insistent les généraux, les unités ukrainiennes reculent sous la pression adverse. Et l’armée russe grignote des positions.
« Quelle que soit l’aide reçue, quel que soit le volume des armements dont nous disposons, nous manquons d’hommes, le destin du pays est en jeu », a déclaré lundi 7 avril le chef de l’armée de terre ukrainienne. Rappelant que « les véhicules de combat n’avancent pas tout seuls, que les fusils ne tirent pas d’eux-mêmes, qu’un drone ne vole pas sans aide », il a ajouté : « Les unités doivent être renouvelées. »
Ce dernier point est crucial dans la communication des militaires. En effet, l’opposition de la population à la guerre a commencé à prendre forme autour de manifestations de compagnes, mères et sœurs de soldats mobilisés depuis février 2022, dont elles réclament le retour immédiat dans leurs foyers.
En agitant le thème de la relève, les autorités civiles et militaires veulent désamorcer cette contestation. Mais, il est peu probable que cela suffise à faire taire le rejet croissant que suscitent la guerre et tout ce qu’elle implique de sacrifices, au front et à l’arrière.
En janvier, Zelensky avait affirmé que l’armée ukrainienne avait perdu 31 000 hommes. Pourtant, dès l’été dernier, le New York Times, bien informé par les « conseillers » américains sur place, parlait, lui, de 70 000 morts et 120 000 blessés. Six mois plus tard, ce sinistre bilan s’est alourdi, le mécontentement populaire aussi. Il ne se passe pas de jour sans que les médias ne relatent des refus de jeunes ou non – car l’armée ukrainienne a une moyenne d’âge élevée : 43 ans – de se laisser capturer par les agents recruteurs, des réactions de passants leur venant en aide, des cas de soldats envoyés à l’abattoir sans aucune préparation. Et il ne fait pas oublier l’effroyable corruption de larges pans de l’appareil d’État, auxquels la volonté de millions de civils d’échapper à la mort ouvre d’immenses perspectives d’enrichissement.
Le cas le plus connu est celui du chef du centre territorial de recrutement d’Odessa qui, vendant exemptions et passe-droits à qui en a les moyens, a pu s’offrir une villa à 4 millions d’euros à Marbella ! Du coup, Zelensky a dû limoger tous les chefs de ces centres, comme il l’avait fait pour des ministres, dont celui en titre de la Défense et son adjoint, des généraux ouvertement corrompus. Mais cela n’a freiné ni les départs en douce à l’étranger d’hommes de 18 à 60 ans, ni la rapacité de gradés et de bureaucrates de tout poil.
Il y a quelques jours, le chef d’état-major de Zelensky a exhorté les hommes en âge d’être mobilisés « d’avoir le courage de se porter volontaires pour aller à l’armée, car on ne peut faire autrement ». La formulation même dit assez que les volontaires se font rares, qu’ils ne partent à l’armée que sous la contrainte, et que de plus en plus d’hommes et de femmes en Ukraine ont le courage de le dire publiquement.
Alors, les communiqués des forces armées de Kiev ont beau se conclure de façon rituelle par la formule : « Ensemble jusqu’à la victoire », l’union sacrée qu’elle prêche ne fait plus guère recette.