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- Lutte ouvrière n°2987
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il y a 110 ans
Septembre 1915 Zimmerwald : l’internationalisme contre la boucherie impérialiste
La conférence de Zimmer
wald, en septembre 1915, fut la première expression internationale des opposants à la guerre déclenchée en août 1914, un an plus tôt.
Cette hécatombe avait été précédée d’une décennie de course aux armements. Les frictions et conflits locaux entre puissances capitalistes européennes s’étaient multipliés en Afrique, au Proche- Orient, en Extrême-Orient et dans les Balkans, pour le contrôle des territoires et des ressources.
Le puissant mouvement socialiste international avait dès 1907, au Congrès de Stuttgart, pris clairement position contre la guerre à venir : « Si une guerre menace d’éclater, c’est un devoir de la classe ouvrière dans les pays concernés […] de faire tous les efforts pour empêcher la guerre par tous les moyens qui leur paraîtront le mieux appropriés et qui varient naturellement selon l’acuité de la lutte des classes et la situation politique générale. Au cas où la guerre éclaterait néanmoins, c’est leur devoir de s’entremettre pour la faire cesser promptement et d’utiliser de toutes leurs forces la crise économique et politique créée par la guerre pour agiter les couches populaires les plus profondes et précipiter la chute de la domination capitaliste. » Cette déclaration fut reprise lors du Congrès de Bâle en 1912 qui rappelait aussi : « Les guerres ne sont actuellement causées que par le capitalisme et particulièrement par la concurrence économique internationale des États capitalistes sur le marché du monde. »
La trahison des dirigeants socialistes
Mais, au déclenchement de la guerre en août 1914, la plupart des partis sociaux-démocrates renièrent tous leurs engagements et s’alignèrent chacun derrière sa bourgeoisie et ses généraux. Ils votèrent les crédits de guerre et reprirent la propagande nationaliste la plus éhontée. Dans plusieurs pays, leurs dirigeants participèrent au gouvernement, tels Jules Guesde et Marcel Sembat en France.
Si les dirigeants accédaient pour la première fois aux fauteuils ministériels, les militants réfractaires étaient, eux, condamnés à la prison.
Toutes les relations internationales du mouvement ouvrier furent rompues. La Deuxième Internationale, qui organisait plus de trois millions de membres dans ses différentes sections en 1914, signait son propre naufrage politique et organisationnel. La plupart des dirigeants syndicalistes, sociaux-démocrates ou anarchistes sombrèrent de la même façon et mirent leur appareil au service de l’effort de guerre.
Les causes de la faillite
Cette faillite totale mettait au grand jour la profonde dégénérescence des organisations ouvrières dans les pays impérialistes. Lénine en définissait ainsi la cause : « La période de l’impérialisme est celle du partage du monde entre les “grandes” nations privilégiées qui oppriment toutes les autres. Des miettes du butin provenant de ces privilèges et de cette oppression échoient, sans nul doute, à certaines couches de la petite bourgeoisie, ainsi qu’à l’aristocratie et à la bureaucratie de la classe ouvrière. »
C’était le terreau sur lequel s’étaient développées les idées opportunistes et réformistes qui avaient gangrené les milieux dirigeants. Ceux-ci s’étaient intégrés chaque jour un peu plus à la société bourgeoise tout en conservant une phraséologie socialiste. Mis au pied du mur en août 1914, ils choisirent de capituler pour sauver leurs postes et leurs appareils.
Ce fut un coup de poignard dans le dos des travailleurs et des militants au moment où ils devaient faire face à l’ordre de mobilisation et à la militarisation du travail dans les usines.
Les opposants à l’Union sacrée
Mais les partis et leurs militants ne perdirent pas tous leur boussole de classe. En Russie, le parti bolchevique refusa de voter les crédits de guerre, ainsi que les partis serbes et bulgares, suivis en 1915 par le Parti socialiste italien, lors de l’entrée en guerre de leur pays. En Allemagne, Karl Liebknecht, Rosa Luxemburg et Klara Zetkin incarnèrent d’emblée l’opposition à la guerre. En France, ce fut autour de Monatte, Rosmer et Merrheim qu’elle s’organisa dans la CGT. Ces militants prirent contact avec Trosky qui éditait à Paris le quotidien Nache Slovo. Le révolutionnaire russe exilé écrivait le 9 août : « Les années qui viennent verront l’époque de la révolution sociale. Seule la montée révolutionnaire du prolétariat peut arrêter cette guerre. »
Le premier impératif pour ces militants était de renouer des liens au-delà des frontières. Zimmerwald fut une étape majeure dans la construction d’une nouvelle internationale.
La conférence de Zimmerwald
Cette réunion fut organisée du 5 au 8 septembre 1915, à l’initiative de militants suisses et italiens opposés à la guerre. Elle regroupa dans ce village de montagne suisse 38 délégués, certains plutôt pacifistes, et un courant révolutionnaire, la Gauche de Zimmerwald, animé par Lénine, qui prônait le défaitisme révolutionnaire et appelait à transformer la guerre impérialiste en guerre civile.
Malgré ces divergences, un manifeste rédigé par Trotsky put être voté à l’unanimité. Face aux mensonges des dirigeants bourgeois et des chefs socialistes ralliés à l’Union sacrée au nom de la défense de la patrie, il affirmait : « Quels que soient les responsables immédiats du déchaînement de cette guerre, une chose est certaine : la guerre qui a provoqué tout ce chaos est le produit de l’impérialisme. »
Le manifeste dénonçait l’Union sacrée, le vote des crédits de guerre et concluait par cet appel : « Ouvriers et ouvrières, mères et pères, veuves et orphelins, blessés et mutilés, à vous tous qui souffrez de la guerre et par la guerre, nous vous crions : Par‑dessus les frontières, par‑dessus les champs de bataille, par‑dessus les campagnes et les villes dévastées : Prolétaires de tous les pays, unissez‑vous ! »
Malgré la censure et la répression, ce manifeste se répandit dans les tranchées, les usines et les prisons. Il hissait le drapeau de l’internationalisme au milieu du carnage impérialiste.
Devant l’horreur des combats, l’opposition à la guerre ne cessa de grandir dans les masses. C’est bien la révolution ouvrière, d’abord en Russie en 1917 puis en Allemagne et en Europe centrale en 1918, qui allait mettre fin à la boucherie mondiale. La transformation de la guerre impérialiste en guerre civile, en révolution, devint alors une réalité. La poignée de militants de Zimmerwald, isolés et à contre- courant en 1915, se retrouvaient à la tête d’une révolution ouvrière victorieuse et d’une nouvelle Internationale trois ans plus tard.
Aujourd’hui, alors que l’impérialisme entraîne à nouveau l’humanité vers une nouvelle guerre mondiale, des partis révolutionnaires reprenant le flambeau des idées communistes internationalistes sont plus que jamais nécessaires. Comme le disait un chant révolutionnaire : « Tu guideras nos pas, Zimmerwald ! »