Permis de conduire limité : faux remède29/10/20252025Journal/medias/journalarticle/images/2025/10/P6-1_Repasser_le_permis_ok_Lupo.jpg.420x236_q85_box-50%2C0%2C1084%2C582_crop_detail.jpg

Leur société

Permis de conduire limité : faux remède

Mardi 21 octobre, les députés européens ont adopté, au nom de la sécurité routière, une directive qui institue, à terme, dans les 27 États de l’UE, une limitation dans le temps du permis de conduire.

Illustration - faux remède

Le permis ne serait plus délivré que pour une durée de 15 ans, réduite à cinq ans après l’âge de 65 ans, et l’examen serait assorti à chaque fois d’une visite médicale. Les États restent libres des modalités d’application, y compris de la gratuité ou non des examens et visites. La visite médicale pourrait être remplacée, au moins avant 65 ans, par une autoévaluation du candidat.

On peut, sans risque de se tromper, y voir une nouvelle possibilité de rançonner la population et de créer des embarras supplémentaires à des dizaines de millions de personnes. En France, où il est déjà difficile de passer le permis faute d’inspecteurs, le faire repasser périodiquement ne risque pas d’arranger les choses…

Mais la question du permis limité va bien au-delà. Le vote de cette loi a été accompagné d’une campagne de presse mettant en exergue les accidents de la route, parfois mortels, impliquant des conducteurs dont l’âge ou la maladie, ou les deux, ont obéré les capacités et les réflexes. Et de suggérer qu’empêcher les conducteurs âgés de prendre leur voiture améliorerait la sécurité de tous.

Une telle idée révolte bien des vieux travailleurs qui ne peuvent sortir de chez eux, faire leurs courses, aller à la pharmacie ou voir du monde qu’en prenant leur voiture. Les administrations mettent très rarement à leur disposition des transports publics, des voitures partagées, l’organisation d’un ramassage ou autre. Ils n’ont, et pour cause, ni les moyens de prendre un taxi, ni le privilège de disposer d’une voiture de fonction ou d’une limousine avec chauffeur. Des dizaines d’années d’évolution de la société les ont poussés vers le logement individuel loin d’un centre urbain et, naturellement, vers une vie organisée avec le véhicule individuel. Autour d’eux, la vie sociale s’est fragmentée, les commerces ont disparu, remplacés par des hypermarchés construits sur des parkings, les médecins se sont éloignés, les enfants et neveux sont partis, suivant les possibilités d’embauche. Il ne reste, dans certaines petites villes, pavillon après pavillon, que des personnes âgées qui, si elles ne peuvent utiliser un véhicule, sont enfermées chez elles.

Les pouvoirs publics au service de l’industrie automobile, des bétonneurs et du grand commerce, ont consciemment accompagné une évolution sociale qui a conduit à l’isolement de ces vieux travailleurs. Sous prétexte de défendre l’intérêt général, l’État n’est, comme toujours, capable que d’aggraver une situation dont il est pour partie responsable. Les 20 000 morts annuels sur les routes européennes, constat préparant le vote de la loi, découlent bien plus du nombre insensé de véhicules en circulation que des talents des conducteurs, quel que soit leur âge. Ils sont une conséquence du choix du tout-voiture et du tout-camion, autrement dit du tout-profit.

Partager