Michelin : leçon d’indécence patronale24/04/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/04/P14-2_partage_profits_OK_Lupo_d%C3%A9tour%C3%A9.png.420x236_q85_box-0%2C74%2C486%2C348_crop_detail.png

Dans les entreprises

Michelin : leçon d’indécence patronale

Pour que Carlos Tavares ne soit pas le seul grand patron à faire parler de lui, Florent Menegaux, PDG de Michelin, s’est offert une campagne de publicité. Mais, à l’inverse du dirigeant de Stellantis, Menegaux joue les capitalistes au grand cœur, affirmant que tous ses salariés reçoivent un « salaire décent ».

Illustration - leçon d’indécence patronale

Candide, il explique que le salaire minimum dans bien des pays permet seulement de survivre, et que lui-même a intérêt à payer un peu plus que le minimum vital : « Les salariés, lorsqu’ils sortent du mode survie, améliorent leur performance. » Cette communication ne lui coûte pas cher : aucune augmentation de salaire n’est annoncée, Menegaux se félicite simplement des salaires tels qu’ils sont pour les 132 000 salariés du groupe dans le monde. Il a pris soin de présenter des salaires annuels, ce qui permet de ne pas parler de salaire horaire. Ainsi, un ouvrier chinois toucherait 69 000 yuans (9 000 euros) par an, un ouvrier brésilien 37 000 réals (6 700 euros). Mais pour quel temps de travail ?

Pour la France, Michelin présente deux chiffres, expliquant ses calculs par le coût de la vie dans le lieu de résidence, ce qui justifie selon lui une sorte de régionalisation des salaires : 39 600 euros brut à Paris, et 25 300 euros à Clermont-Ferrand, siège du groupe. Il prétend aujourd’hui que tous les salariés touchent au moins 20 % de plus que le smic, deux mois après avoir affirmé sur BFM Business que c’était au moins 40 à 50 %.

En France, les salariés de Michelin ne sont pas au smic, mais de très peu : un ouvrier est embauché à 11,92 euros brut de l’heure, à peine 30 centimes au-dessus, et une bonne partie de ce que chacun touche est constitué de primes, variables et incertaines par nature. Sans ces primes, de nombreux ouvriers des sites français gagnent autour de 1 700 euros, souvent en 3x8. Mais, dans les usines Michelin, il y a bien des salariés au smic : ce sont les intérimaires, les sous- traitants qui remplissent les camions ou font le ménage et la logistique sur les sites, tâches dont Michelin s’est débarrassé d’année en année.

Et, dans le monde, les travailleurs et travailleuses qui participent à la production des profits de Michelin sont aussi dans les plantations d’hévéas en Indonésie, les usines de caoutchouc synthétique au Gabon, ou sur les cargos qui transportent le noir de carbone depuis l’Afrique du Sud. Leurs conditions d’exploitation, l’indécence de leurs salaires, Menegaux s’en lave les mains.

Cette année, les actionnaires vont se partager la moitié des 1,98 milliard d’euros de bénéfices du groupe. Florent Menegaux, lui, reconnaît modestement : « Je gagne très bien ma vie. » C’est-à-dire 3,8 millions d’euros en 2023, année où il a annoncé des fermetures en série : deux usines en Allemagne, une aux États-Unis, un atelier en Chine et un autre en Pologne. Ce patron « à la fibre sociale », comme disent les journalistes, n’a plus qu’à expliquer ce que serait une allocation chômage « décente ». Il est assez cynique et hypocrite pour ça.

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