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Leur société
Loi narcotrafic : répressive et impuissante
Lundi 17 mars, les députés ont commencé l’examen du texte présenté conjointement par un sénateur LR et un socialiste, appuyant le gouvernement qui prétend « sortir la France du piège du narcotrafic ».
Adopté à l’unanimité par le Sénat le 4 février, le texte prévoit des mesures répressives, censées éradiquer le trafic de drogue qui empoisonne la vie dans bien des quartiers populaires. Mais les postures de super-shérif que se disputent Retailleau et Darmanin, si elles leur permettent de gagner des points dans l’opinion, ne feront pas reculer la violence liée aux guerres de territoires, ni les ravages provoqués par la drogue.
Parmi ces mesures, la création d’un régime carcéral exceptionnel est la marotte de Darmanin dans son nouveau costume de ministre de la Justice. Il a d’abord parlé de créer des prisons de haute sécurité pour les 100 plus gros narcotrafiquants, puis, d’ici à 2027, d’en ouvrir pour plusieurs centaines de détenus. Ce régime d’exception vise à isoler totalement les détenus en les enfermant seuls et en interdisant toute promenade ou activité collective, à rationner les possibilités de contacts avec l’extérieur, à rétablir les fouilles à nu. Le ministre de la Justice, interrogé par une radio le 13 mars, affirmait ainsi : « Ce que je crée est quelque chose de révolutionnaire, et de très dur, j’en conviens ». Comme le souligne l’Observatoire international des prisons, en fait de « révolution », il s’agit plutôt d’un retour en arrière, au régime des quartiers de haute sécurité (QHS). Ces derniers avaient précisément été supprimés en 1982, après qu’une commission indépendante avait conclu que l’absence de contact humain, d’activité et d’accompagnement des détenus aggravait, plutôt qu’elle ne tempérait, « la dangerosité de ceux qui y sont affectés ».
À l’Intérieur, Retailleau appuie quant à lui les mesures qui renforcent les prérogatives de la police. Celle-ci réclame par exemple d’avoir accès aux contenus des messageries cryptées comme Whatsapp ou Signal, promettant la main sur le cœur qu’elle n’utiliserait cette possibilité que pour surveiller les échanges de personnes liées au narcotrafic. En réalité, cela deviendrait un outil de surveillance de plus entre les mains de l’État. Autre nouveauté, les préfets pourraient prononcer contre des personnes des « interdictions de paraître » sur les points de deal ce qui, dans les faits, paraît quasiment inapplicable.
La loi permettrait d’ordonner la fermeture administrative de commerces soupçonnés de blanchir l’argent de la drogue. Mais si le kebab ou l’épicerie du coin de la rue fermeront peut-être leurs portes, l’étage supérieur du blanchiment, qui concerne de grandes banques ou le financement de grands chantiers de construction à Dubaï par exemple, ne sera pas touché.
Au pied des immeubles, dans les quartiers populaires et les cités de Marseille et de bien d’autres villes, la progression du commerce de cocaïne et autres drogues se traduit par des morts de plus en plus jeunes, des collégiens transformés en guetteurs et des cages d’escalier ou des rues entières sous la coupe des trafiquants. Mais couper les « petites mains » du trafic ne le fera pas disparaître, le capitalisme en crise fournissant une main-d’œuvre inépuisable aux dirigeants de ce commerce. Ceux-là, dont le chiffre d’affaires mondial est estimé à plus de 250 milliards de dollars, ne seront pas touchés par les gesticulations des ministres, ni même par les lois répressives.