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Leur société
Guerre d’Algérie : les enfumades de la République
Un documentaire intitulé « Algérie, sections armes spéciales », annoncé sur France 5 le dimanche 16 mars à 23 heures, a été déprogrammé et, bien que France Télévisions se défende de toute volonté de censure, le contexte politique actuel n’y est peut-être pas pour rien.
Ce documentaire doit beaucoup à la ténacité d’un historien, Christophe Lafaye, et d’une réalisatrice, Claire Billet, qui enquêtent depuis des années sur l’utilisation des armes chimiques par l’armée française pendant la guerre d’Algérie.
Basé sur les témoignages de survivants algériens et de soldats français, il est implacable. Confronté au régime des « archives incommunicables à perpétuité », le faux nez du secret-défense, l’historien s’est heurté à de nombreuses obstructions. Malgré cela, il apporte les preuves incontestables que le gouvernement du socialiste Guy Mollet avait, au printemps 1956, autorisé l’utilisation d’armes chimiques contre les combattants de l’Algérie indépendante. Des unités militaires spéciales avaient été créées dans ce but avec des appelés du contingent. Une fois les premières opérations approuvées par l’état-major, l’utilisation d’armes chimiques s’était généralisée, en particulier à partir de 1959 quand l’armée française intensifia les bombardements et les déplacements de populations.
Ces armes chimiques, grenades ou barils, étaient destinées à piéger et intoxiquer les combattants du FLN réfugiés ou cachés dans des grottes. Des villageois, notamment des enfants, avaient aussi été pris au piège. Les entrées de ces refuges étaient souvent détruites à l’explosif, condamnant leurs occupants à respirer une atmosphère empoisonnée.
L’armée française appliquait les mêmes sales méthodes qui avaient prévalu au moment de la conquête, lors des enfumades. L’historien a répertorié 440 sites où furent utilisées des armes chimiques, mais il estime qu’ils furent au total entre 8 000 et 10 000, pour un nombre de victimes qui reste inconnu.
La République française était signataire depuis 1925, et même la première signataire, dit-on, de la convention de Genève interdisant l’utilisation des armes chimiques. Cela n’empêcha pas la IVe puis la Ve République d’user de toutes les armes disponibles, jusqu’au napalm et à la torture systématisée, pour étouffer la révolte du peuple algérien.
« Algérie, sections armes spéciales » est une dénonciation des méthodes de la République française et de son armée. Si l’on se fie aux engagements de France Télévisions, il devrait finalement être diffusé avant le mois de juin. Il est d’ores et déjà visible en replay sur France 5.