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France-Ukraine : au bonheur des présidents et des marchands d’armes
Une odeur de pourriture empuantit l’atmosphère de la rue Bankova à Kiev, siège de la présidence ukrainienne. Zelensky a donc préféré changer d’air pour, sinon se faire oublier de sa propre population, au moins s’éloigner d’un énorme scandale de corruption au sommet de l’État.

Ce scandale implique déjà, entre autres, deux anciens ministres, et un associé en affaires de Zelansky, en fuite à l’étranger. Alors, le président ukrainien a filé pour une visite officielle en Grèce, puis en France et enfin en Espagne, histoire aussi de rassurer ses sponsors européens. En effet, ceux-ci ont beau en avoir vu bien d’autres, ils pourraient à la fin être gênés de soutenir autant le chef d’un régime dirigé par des affairistes et des mafieux, eux qui le présentent comme un rempart de la démocratie qu’il faudrait soutenir à tout prix.
Pour ne parler que de la rencontre entre Macron et Zelensky sur la base militaire de Villacoublay, près de Paris, il y a beaucoup été question de très gros sous pour les industriels français de l’armement à l’occasion de commandesd’armes et d’équipements militaires pour l’armée ukrainienne.
La « lettre d’intention », signée par Zelensky au côté de Macron, devant un Rafale, a de quoi impressionner. Elle prévoit la fourniture d’une centaine de Rafale F4 de Dassault, de radars Thales, de systèmes de défense aérienne fabriqués par Eurosam (Thales et MBDA), de bombes propulsées de Safran, de missiles, de drones en tout genre produits par des entreprises françaises… Jamais aucun pays n’a commandé en une fois autant d’avions de chasse à Dassault. Et il n’est pas le seul à décrocher le gros lot : il y en aurait pour une vingtaine de milliards.
Certes, il ne s’agit pas encore de commandes fermes, et elles sont censées concerner « l’après », quand ou plutôt si un accord de cessez-le-feu est conclu avec la Russie. En outre, il est prévu que la fourniture d’une telle quantité d’engins de mort s’étale sur dix ans, sans que les fournisseurs aient à ce jour les moyens de tenir ce rythme.
De plus, l’Ukraine n’a pas de quoi payer tout cela. Pour régler cette facture, plus les 100 à 150 chasseurs Gripen commandés au suédois Saab, Kiev compte sur un prêt de 140 milliards de l’Union européenne, gagé sur les avoirs des oligarques russes gelés en Europe. L’UE, qui aurait ainsi un nouveau moyen de financer ses industriels de l’armement, aurait sans doute aimé pouvoir présenter cela comme un hommage du vice, représenté par Poutine, à la vertu, qu’incarnerait Zelensky… s’il n’incarnait à la vue de tous un État ukrainien passablement corrompu.
Bien sûr, cela fait quelque peu désordre. Mais Macron ne se fait guère de souci de ce côté-là. Il sait trop bien ce que valent les grands principes de ses pareils, à plus forte raison quand on a, comme lui, été banquier d’affaires… Alors, quels que soient les « trucs » qu’il faudra trouver pour continuer à armer Kiev jusqu’aux dents, la visite éclair de Zelensky à Paris a d’ores et déjà eu un bilan positif pour tout ce beau monde.
Malgré les doutes sur les capacités industrielles de Dassault à fournir 100 Rafale en dix ans, son action a bondi de 7 % à l’annonce de la lettre d’intention. Quant à Macron, il a saisi là une occasion rêvée de faire apparaître la France comme le premier des fournisseurs d’armes à l’Ukraine, en faisant la nique à ses concurrents. C’est aussi un moyen de renforcer les prétentions de Paris à codiriger avec Londres une force militaire d’interposition en Ukraine, s’il y avait accord entre Moscou et Kiev. Occuper le terrain mettrait les capitalistes français en bonne position pour la suite, notamment pour rafler les contrats de reconstruction en Ukraine.
Voila ce que signifie concrètement la souveraineté militaire de la France dont se gargarisent les Macron, Le Pen, Mélenchon et compagnie. Pour eux et leurs pareils, les profits des industriels de l’armement justifient que toujours plus de soldats des deux camps périssent au front, que les civils ukrainiens, et russes aussi, tombent sous les missiles et les drones made in France ou ailleurs.