Bras de fer au sein de l’UE10/04/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/04/une_2906-c.jpg.445x577_q85_box-0%2C7%2C1265%2C1644_crop_detail.jpg

Dans le monde

Bras de fer au sein de l’UE

Le 8 avril, les dirigeants des vingt-sept pays de l’Union européenne et les eurodéputés ont reconduit pour un an les exemptions de taxes sur les importations de produits agricoles ukrainiens décidées en 2022.

L’Ukraine n’étant pas membre de l’UE, ses exportations sont supposées être taxées à l’entrée de la zone de libre-échange qu’est l’UE. Au nom de la solidarité après l’invasion russe, les dirigeants européens ont supprimé en 2022 une grande partie de ces taxes sur de nombreux produits agricoles. L’un des objectifs affichés, alors que les ports de la mer Noire sont inaccessibles aux gros navires, était de permettre les exportations ukrainiennes vers l’ensemble du monde via les ports de l’UE.

Dans les faits, du sucre, des œufs ou des poulets produits à bas coût en Ukraine, ainsi que quelques milliers de tonnes de céréales, n’atteignent jamais ces ports et sont vendus sur le marché européen, où les producteurs les accusent de créer « une concurrence déloyale ». À plusieurs reprises, des agriculteurs polonais ont bloqué la frontière, allant jusqu’à déverser du blé ukrainien sur les voies, tandis que leur gouvernement suspendait la mesure. Des céréaliers français protestent également contre cette exonération des taxes.

Pour prendre en compte ces protestations, les dirigeants européens ont donc introduit dans le nouveau dispositif « un frein d’urgence » en cas de perturbations constatées sur le marché. Ils ont plafonné les importations non taxées aux volumes moyens importés entre mi-2021 et fin 2023, sauf pour les céréales où aucun plafond n’est imposé. Certains agriculteurs réclamaient, en vain, que la période de référence soit l’année 2021, où les importations en provenance de l’Ukraine étaient faibles.

Toutes ces tractations ont peu de rapport avec la solidarité avec l’Ukraine et révèlent surtout le bras de fer permanent qui préside aux décisions de l’UE. Déjà, la quasi- totalité des exportations dites ukrainiennes proviennent d’immenses holdings agricoles dont les capitaux et les créanciers sont occidentaux. Ainsi la BNP est-elle actionnaire du groupe MHP, dont le président Yuriy Kosyuk est surnommé le roi du poulet et qui a triplé ses ventes en Europe depuis 2022. Les bénéficiaires de ces importations sont d’abord les banques et certainement pas les petits agriculteurs ukrainiens, qui n’exportent rien. Quant aux géants européens de l’agro- alimentaire ou de la grande distribution, ils trouvent leur compte dans l’importation de sucre ou d’huile de tournesol à bas prix.

Chaque décision de l’Union européenne résulte d’un arbitrage entre les intérêts contradictoires des capitalistes européens, qu’ils soient dans l’agriculture, l’agro-industrie, la distribution ou la finance. Et en tout cas, aucune de ces décisions ne prend en compte les intérêts des classes populaires, qu’elles soient de France, d’Ukraine ou d’ailleurs en Europe.

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