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- Lutte ouvrière n°2901
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Dans les entreprises
Michelin – Cholet : des “cadeaux” qui ne passent pas
À l’usine Michelin de Cholet, comme dans les autres usines du groupe, 5 % des salariés ont touché entre 140 et 250 actions Michelin par personne. Ce sont donc 35 ouvriers et 15 cadres, sur les 1 000 salariés du site qui les ont reçues fin 2023, avec pour instruction de garder cela pour eux.
Mais tout finit par se savoir et jeudi 22 février, après avoir discuté entre eux de cette prime dont ils venaient d’apprendre l’existence, les ouvrières et les ouvriers de l’atelier OV (Vérification) ont demandé des comptes à leur chef. Devant ses explications emberlificotées, ils ont débrayé en fin d’équipe pour protester face à l’opacité de ce genre de prime. Rassemblés dans un réfectoire, ils ont décidé de demander une prime exceptionnelle de 5 000 euros pour tous et des explications quant aux critères de Michelin pour distribuer les actions en question. Un responsable du personnel s’est déplacé, mais a été tout aussi incapable de faire accepter la situation à des salariés bien décidés à ne pas en rester là.
La semaine suivante, les militants de la CGT et de Sud ont fait circuler une pétition reprenant les revendications des grévistes de la Vérif, qui a recueilli 460 signatures. Dans toute l’usine, c’est le montant de cette prime en actions qui choque : alors que les augmentations générales ont été de 2 %, guère plus de 40 euros brut pour la plupart des travailleurs, le patron distribue à quelques-uns l’équivalent de 4 500 à 8 500 euros. C’est le double, voire le triple de l’intéressement qui sera versé en mars, qui n’a pas dépassé 2 000 euros depuis longtemps.
La réaction était souvent la même : « On fait tous le même travail, on fait tous les 3x8, on a tous besoin d’argent : pourquoi seulement 50 personnes ? Qu’est-ce qu’il faut faire, si faire son travail ne suffit pas ? » Toute la semaine, tous les chefs ont été interrogés sur le choix des 50 salariés, puisque c’est une personne par îlot qui a reçu ces actions. Il était comique de voir les chefs d’équipe renvoyer la patate chaude aux chefs d’atelier, qui eux-mêmes la renvoyaient au service du personnel, qui assurait à son tour que c’étaient les chefs d’équipe qui avaient choisi les bénéficiaires. Avant de sortir l’éternel joker : « C’est Clermont qui décide » (c’est-à-dire le siège de Michelin).
Vendredi 1er mars, à 11 heures, 70 salariés de l’équipe du matin ont débrayé pour aller porter ensemble la pétition à la direction. Pendant une heure, ils ont pu dire à un responsable du personnel ce qu’ils pensaient de ces cadeaux discriminatoires, mais aussi du retour du travail des samedis et des jours fériés, du chômage partiel subi en 2023, des suppressions de postes dans l’usine, ou des primes variables qui sautent lorsqu’on est en arrêt maladie. Les efforts de la direction pour transformer cette prime secrète en prime discrète, pour accuser les grévistes de harcèlement envers ceux qui ont touché la prime, n’ont convaincu personne.
L’équipe du matin a donc attendu celle de l’après-midi, dans laquelle 50 nouveaux travailleurs ont débrayé de 13 à 15 heures, qui sont eux aussi allés plus d’une heure dans le bâtiment de la direction pour exprimer les mêmes griefs. Contents d’avoir protesté contre cette prime à la tête du client, les ouvriers rassemblés se sont donné rendez-vous pour un nouveau débrayage le mercredi suivant, avec comme objectif de convaincre d’ici là de nouveaux collègues de les rejoindre pour arracher une prime pour tous.