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Égypte : grève victorieuse dans les filatures
Jeudi 22 février, les 3 700 ouvrières de la filature de Ghazl al-Mahalla se sont mises en grève pour les salaires. C’est une des usines de MSWC, entreprise publique de textile qui emploie plus de 16 000 travailleurs à Mahalla el Koubra, dans le delta du Nil.
Les ouvrières n’ont pas accepté d’être exclues des augmentations de salaire que le président Abdel Fattah al-Sissi a annoncées. Après sa réélection en janvier, survenue dans un contexte marqué par la guerre à Gaza et une crise sociale et économique aiguë, Sissi avait annoncé une augmentation du salaire minimum mensuel de 50 %, le portant à 6 000 livres égyptiennes, soit aujourd’hui 180 euros. Cette hausse, entrée en vigueur au 1er mars, rattrape à peine l’inflation officielle qui est en moyenne de 39,7 % annuels, mais de 70 % pour les produits alimentaires, et parfois plus. Ainsi le prix du kilo de sucre a presque quadruplé sur le marché.
À la veille du ramadan, où les dépenses sont importantes, cette bouffée d’oxygène accordée aux fonctionnaires, mais pas aux salariés des entreprises publiques, a déclenché la colère des ouvrières de la filature. Dans l’usine, les ouvrières ont scandé des slogans, puis ont cessé de travailler, les slogans se propageant d’une usine à l’autre. Cette colère a redoublé quand elles ont constaté, le jour de la paye, que le gouvernement les privait de leur salaire au lieu de répondre favorablement à leur demande. « Le gouvernement nous prive de nos salaires et utilise l’arme de la famine, comme si nous étions à Gaza » déclarait l’une d’entre elles à la presse.
Les ouvrières ont réussi à entraîner dans le mouvement les travailleurs des autres usines textiles et les ouvriers de la compagnie pétrolière Assiout. Le 24 février, 7 000 d’entre eux se sont rassemblés sur la place Talaat Harb de Mahalla. Face à la détermination des grévistes, qui n’ont pas été intimidés par la centaine d’arrestations, Sissi, craignant sans doute une extension du conflit, s’est empressé d’annoncer qu’eux aussi percevraient un salaire minimum de 6 000 livres.
Les ouvrières et ouvriers ont repris le travail, mais avancent une autre revendication concernant cette fois la prime de repas, exigeant qu’elle soit portée à 30 livres, « le prix d’un litre de lait », disent-elles, ce qui équivaut à peine à un euro. La colère sociale couve en Égypte, où les deux tiers de la population sont pauvres ou vivent sous le seuil de pauvreté, pendant que les classes moyennes se paupérisent.
Le maréchal al-Sissi, dictatorial, qui exerce son pouvoir d’une main de fer depuis 2013, a cédé face à la colère des travailleuses et des travailleurs du textile, conscient qu’en cas contraire il risquait d’être confronté à une vague de contestation bien plus difficile à contrôler. C’est un encouragement pour tous les travailleurs du secteur privé et pour ceux du secteur informel qui ont leur salaire bloqué. Cela l’est aussi pour tous ceux qui s’opposent à un régime soutenu par les puissances impérialistes et incontournable dans le contexte de la guerre à Gaza, où l’Égypte est complice de l’enfermement des Palestiniens qui ne peuvent fuir les bombardements israéliens.