Mayotte : le piège d’une guerre entre pauvres21/02/20242024Journal/medias/journalarticle/images/2024/02/P10-1_Migrants_au_stade_de_Cavani_C_lona_Youssouffa.jpg.420x236_q85_box-0%2C123%2C2362%2C1452_crop_detail.jpg

Dans le monde

Mayotte : le piège d’une guerre entre pauvres

Après la promesse de Darmanin et Macron de supprimer le droit du sol à Mayotte, la ministre chargée des Outre-mer a annoncé le lancement, « dans les prochains jours », d’une opération Wuambushu 2 et l’évacuation du stade Cavani dans la capitale, Mamoudzou.

Illustration - le piège d’une guerre  entre pauvres

Ces deux opérations visent à traquer les immigrés sans papiers venus des Comores voisines et à chasser les 700 migrants africains qui se sont installés, faute d’autres solutions, sur un stade de Mamoudzou. Le gouvernement veut ainsi répondre aux demandes du collectif qui a installé des barrages sur les routes depuis le 22 janvier et se veut représentatif de toutes les « forces vives » de l’île, élus, partis, associations et autres corps constitués. Sans succès jusqu’à maintenant, puisque lors d’un « congrès » qui a rassemblé 500 personnes le 14 février, les porte-parole des Forces vives ont appelé à poursuivre les barrages, réclamant des garanties et un calendrier de mise en œuvre.

Dénonçant l’insécurité et la violence des gangs composés de jeunes pauvres livrés à eux-mêmes, qui volent et rackettent la population, attaquent les automobilistes, parfois des écoles, ces Forces vives ont établi une liste de revendications qui ciblent tous les étrangers, Comoriens ou Africains. Ce collectif a attiré assez largement, y compris des travailleurs modestes préoccupés par la montée de la violence. Il est soutenu par la députée Youssouffa, qui parle des « bébés papiers » à propos des enfants qui naissent à Mayotte de mères comoriennes, et par le vice-président du conseil départemental, Salime Mdéré, qui avait déclaré en avril dernier à propos des jeunes délinquants « il faut peut-être en tuer ». Le collectif est instrumentalisé par les politiciens et notables mahorais.

Depuis un mois, les représentants des Forces vives ont micro ouvert sur la chaîne Mayotte la 1re pour déverser leurs propos xénophobes, sans qu’aucune voix discordante ne s’exprime, pas même celle des syndicats ou des représentants des partis de gauche, qui refusent de s’en démarquer.

Leurs barrages et leurs contrôles au faciès terrorisent les étrangers et paralysent toute l’activité de l’île. La menace des gangs, celles des Forces vives et les fermetures forcées de nombreux établissements empêchent des milliers de personnes de se rendre au travail et les élèves d’accéder à leur école. Bien sûr, les patrons, le rectorat et les administrations font pression pour que les travailleurs se déplacent coûte que coûte. Les politiciens mahorais et le gouvernement français enferment ainsi les classes populaires de Mayotte dans une guerre entre pauvres et sèment la haine entre Comoriens et Mahorais, un même peuple artificiellement divisé par l’impérialisme français.

Une telle issue dramatique n’a rien d’inéluctable, à condition que des femmes et des hommes, parmi les exploités, s’organisent pour défendre une autre politique, qu’ils choisissent de mettre en avant leurs intérêts communs de travailleurs, sans se laisser diviser et entraîner derrière des notables qui sauront trouver refuge en métropole ou ailleurs si la situation s’envenimait encore.

La responsabilité fondamentale du chaos mahorais revient à l’État français, qui a colonisé l’archipel des Comores, avant de manœuvrer pour garder le contrôle de Mayotte, point stratégique dans l’océan Indien, tout en laissant l’île dans une grande pauvreté. Si l’eau potable est coupée des jours entiers, si le smic est plus faible qu’en métropole, alors que le coût de la vie y est supérieur, si 75 % de la population vit sous le seuil de pauvreté, si des dizaines de milliers d’enfants et de jeunes sont laissés à l’abandon, leurs parents ayant été expulsés, si les écoles sont saturées, ce n’est pas la faute des étrangers, mais celle du gouvernement français. C’est ce gouvernement, et derrière lui la riche bourgeoisie française, qu’il faut combattre et faire payer.

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