Badinter : une caution morale de Mitterrand14/02/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/02/2898.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Badinter : une caution morale de Mitterrand

La disparition de Robert Badinter a donné lieu à une avalanche d’hommages, en particulier pour son combat contre la peine de mort et sa détermination à la faire abolir.

Jusque-là, aucun autre politicien, même de gauche, n’avait eu le courage de mener cette lutte qui n’avait alors plus rien d’un combat d’avant-garde : sur les dix pays de la Communauté européenne de l’époque, seules la Belgique et la Grèce n’avaient pas encore aboli cette peine. C’est donc à Badinter qu’on doit en 1981 une des seules mesures progressistes du gouvernement Mitterrand. Elle souligne surtout, par contraste, la lâcheté de tous les politiques de l’époque, et y compris de nombre de ceux qui la louent aujourd’hui.

S’il était convaincu de la nécessité d’abolir la peine de mort, Badinter n’était pas pour autant un défenseur des malheureux, mais un avocat d’affaires dont les clients réguliers étaient de très grands patrons, comme le capitaliste le plus riche de France de l’époque, Boussac.

En tant que ministre de la Justice du gouvernement Mitterrand entre 1981 et 1986, il fit siennes toutes les attaques antiouvrières des gouvernements d’alors : forfait hospitalier, suppression des mesures d’indexation des salaires sur les prix, massacres de l’emploi dans la sidérurgie, vagues de privatisations à partir de 1984, etc. L’humaniste ne semblait pas choqué que des millions de travailleurs commencent à s’enfoncer dans la pauvreté.

Badinter ne critiqua jamais non plus les opérations militaires menées alors par l’impérialisme français un peu partout sur la planète, comme l’opération au Tchad en 1983, pour soutenir Hissène Habré, un dictateur ayant assassiné plus de 40 000 personnes. Il faut aussi rappeler que Mitterrand avait été ministre de la Justice pendant la guerre d’Algérie. C’est à ce titre qu’il avait soutenu la condamnation à mort et l’exécution de 45 militants algériens et refusé de gracier un militant communiste français qui soutenait le FLN, Fernand Iveton. En matière de peine de mort, Badinter aida donc son ami Mitterrand à se donner une autre image et à jeter un voile sur ce passé. Et pas seulement sur celui-ci.

Badinter, dont le père juif avait été assassiné dans les camps d’extermination nazis, a choisi de rejoindre ce politicien, devenu socialiste par opportunisme, qui avait été d’extrême droite dans sa jeunesse. Et qui, en tant que garant de la stabilité de l’État, refusa toujours de reconnaître la responsabilité de celui-ci dans la déportation des Juifs, en rejetant tout sur Pétain. Pour redorer le blason de l’État de la bourgeoisie française sali par la collaboration et par les mesures antisémites, Mitterrand comme Badinter étaient d’accord pour masquer que la majorité des parlementaires de la Troisième République avaient confié les pleins pouvoirs à Pétain et que nombre de hauts fonctionnaires et hommes politiques, comme Papon… et comme Mitterrand, avaient pu sévir sous la République aussi bien que sous Vichy.

Servir le grand patronat, Badinter le fit aussi jusqu’à son dernier souffle. À 87 ans, il écrivit un livre encensé par le Medef, qui visait à démolir le peu de mesures favorables aux salariés dans le Code du travail et qui allait servir de référence à la loi Travail votée en 2015 sous la présidence du socialiste Hollande.

La conscience de classe de Badinter était au moins aussi solide que sa conscience humaniste !

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