Les normes en question : moins de règles ou plus d’exploitation ?07/02/20242024Journal/medias/journalnumero/images/2024/02/2897.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Les normes en question : moins de règles ou plus d’exploitation ?

Dans son discours de politique générale, le Premier ministre Gabriel Attal a dénoncé les normes qui étrangleraient l’initiative privée. Il répondait bien sûr aux paysans en reprenant une de leurs revendications, mais ce discours anti-réglementation est une constante chez les patrons petits et grands, et pas seulement dans l’agriculture.

Les médias ont assuré le chœur en dissertant sur les normes les plus absurdes et les plus bureaucratiques, par exemple les quatorze règlements, contradictoires qui plus est, encadrant l’entretien des haies. Et d’affirmer avec Attal, la FNSEA et le Medef que, délivrées des contraintes étatiques, les entreprises, fermes, échoppes et ateliers pourraient créer miraculeusement profits, emplois, bonheur et harmonie sociale.

Mais pourquoi donc l’État de la bourgeoisie, bien souvent sous la pression des luttes des travailleurs, a-t-il écrit, par exemple, une longue série de normes pour réglementer l’apprentissage, en encadrant les horaires, en définissant les tâches etc. ? Pourquoi les conventions collectives contiennent-elles des pages de détails sur les conditions de travail, les congés, les repos etc. ? Pourquoi existe-t-il des normes, bureaucratiques dit-on, réglementant l’usage des produits toxiques, la façon dont on fabrique le béton ou les diplômes nécessaires pour ouvrir une pharmacie ? Parce que, sans un minimum de réglementation sous supervision de l’État, cette société de classe où prévaut la recherche du profit individuel se dévorerait elle-même en suivant sa pente naturelle.

Les patrons, poussés par l’appât du gain ou l’aiguillon de la concurrence, ce qui revient au même, exploiteraient sans limite les salariés, comme ils l’ont fait dans les pays européens au début du capitalisme et comme ils le font encore dans bien des pays. Et c’est précisément parce que les employeurs font pression chaque jour et sur tous les aspects de la vie au travail que les textes des conventions collectives sont longs et détaillés. Ces détails ne sont pas l’expression d’un délire bureaucratique mais le reflet d’une situation où les travailleurs doivent résister pied à pied à la férocité patronale. Et bien souvent, seule la mobilisation des travailleurs concernés permet de les faire respecter, tant le patronat n’a de cesse de contourner ces réglements.

Des normes ont aussi été mises en place pour interdire aux charlatans de pratiquer une fausse médecine, aux promoteurs de construire des bâtiments en papier mâché ou aux agriculteurs de mettre sur le marché des légumes pleins de pesticides. Ils le font pourtant car, dans la lutte de tous contre tous, ces comportements refont toujours surface lorsqu’il faut faire du profit ou périr. Et, alors que cette lutte devient plus âpre, les patrons, à commencer par les plus grands, reviennent à la charge contre les normes et les règlements qui, selon eux, entravent leur liberté. Lorsque ces gens-là disent “moins de normes”, il faut entendre : plus d’exploitation, plus de vols, plus de tromperies, plus de profits. Et Attal obtempère à de telles demandes, quand il ne les devance pas.

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