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Leur société
Europe de l’Est : les capitalistes écrasent les paysans
La révolte des agriculteurs touche toute l’Europe, dont les pays d’Europe de l’Est intégrés dans l’Union européenne (UE) il y a vingt ans. Aux causes générales du malheur des petits agriculteurs s’ajoutent les spécificités de ces pays.
L’économie des pays de l’Est ayant été soumise aux capitalistes allemands et français lors de leur intégration dans l’UE, les agriculteurs de ces pays subissent encore plus durement la loi du plus fort. Ils sont sous la pression des Danone, Nestlé, Lidl, Intermarché, John Deere, Cargill, mais avec un rapport de force encore plus défavorable qu’en France et en Allemagne.
Les paysans d’Europe de l’Est sont aussi confrontés, depuis plusieurs mois, à la concurrence des produits agricoles ukrainiens qui circulent dans l’Union européenne. La guerre en Ukraine ayant coupé les voies d’exportation des céréales ukrainiennes par la mer Noire, l’UE, au nom de la solidarité, avait autorisé ces exportations à traverser sans taxe les pays frontaliers. Mais, entre les postes frontières ukrainiens et les ports européens, une grande quantité de ces céréales s’est évaporée dans les pays traversés, alimentant le marché et faisant chuter les cours, ce qui provoque la colère des agriculteurs. À tel point que le gouvernement polonais a fermé ses postes frontières et menacé l’Ukraine, en avril dernier, de suspendre les livraisons d’armes. Pour compenser cette « concurrence déloyale », le gouvernement polonais et les dirigeants de l’UE ont versé plusieurs centaines de millions d’euros aux agriculteurs. Sans surprise, les plus gros producteurs ont récupéré l’essentiel de ces compensations.
Et les plus gros ne sont pas des agriculteurs locaux mais des investisseurs étrangers possédants ou exploitants de vastes surfaces en Pologne, en Roumanie et en Ukraine. Ils gagnent sur tous les tableaux. En Roumanie, 40 % des terres agricoles, les plus fertiles, sont exploitées par des étrangers, des particuliers français, allemands ou des sociétés appartenant à Rabobank (Pays-Bas) ou Generali (Italie). Ces « agriculteurs » ont des exploitations de 5 000 hectares et touchent en proportion les subventions de la PAC. Le groupe français Maïsadour y a d’ailleurs implanté sa principale usine de semences.
Le phénomène est le même en Ukraine. Depuis l’éclatement de l’Union soviétique en 1991, la moitié des riches terres à blé des fermes collectives, propriété publique, ont été accaparées par des oligarques ukrainiens ou des investisseurs étrangers qui exploitent parfois deux ou trois cent mille hectares même si, en attendant une réforme foncière que la guerre pourrait accélérer, ils n’en sont pas propriétaires. Parmi eux on trouve une filiale de la BNP, une de la banque Goldman Sachs, ou AgroGeneration de Charles Beigbeder qui exploite 100 000 hectares.
Ce sont ces géants de l’agriculture qui étranglent les agriculteurs et accaparent les subventions de tous les États et institutions européennes qui prétendent venir à l’aide des paysans.