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Taïwan : élections ou pas, c’est l’impérialisme qui décide
Samedi 13 janvier, Lai Ching-te, le candidat du Parti démocrate progressiste (PDP), a été élu à la présidence de Taïwan avec un peu plus de 40 % des voix. Il devance le parti nationaliste Kuomintang (KMT) et le Parti populaire taïwanais (PPT).
Le PDP se présente comme indépendantiste, affirmant que Taïwan, de fait indépendant de la Chine depuis 1949, doit le devenir officiellement, tandis que le KMT défend l’idée du statu quo et que le PPT ne s’est pas engagé sur ce thème. C’est ainsi que la presse occidentale présente la victoire du PDP comme pouvant raviver la volonté de la Chine d’envahir Taïwan.
Il est vrai que, à la suite de ces élections, Pékin a répété que sa détermination à réaliser la réunification est intacte. Mais le gouvernement chinois n’a pas donné de délai et il ne peut guère, sans se déjuger, dire autre chose. La séparation de Taïwan est le fait de l’impérialisme. Après la Deuxième guerre mondiale, le Kuomintang et son chef, Tchang Kaï-chek, massacreurs des ouvriers lors de la révolution de 1927, s’appuyant notamment sur les mafias chinoises, étaient vomis par de larges couches de la population.
Lors de la révolution de 1949, alors que les armées paysannes de Mao prenaient les villes les unes après les autres, Tchang Kaï-chek et ses hommes ne purent que se réfugier à Taïwan, sous protection américaine. Déjà en 1947, la population s’y était révoltée contre le Kuomintang qui pillait l’île. La répression, qui avait fait entre 10 000 et 30 000 morts, avait pour ainsi dire préparé le terrain à l’arrivée de Tchang Kaï-chek. Après 1949, alors que la Chine de Mao était mise sous embargo, ce n’est pas Pékin mais Taïwan qui, avec ses quelques millions d’habitants, fut reconnu par l’impérialisme comme la Chine officielle, occupant un siège au Conseil de sécurité de l’ONU.
Taïwan fut donc dès le début un atout entre les mains de l’impérialisme contre la Chine. Dans les années 1950 et 1960, l’île devint une base arrière des États-Unis, notamment lors des guerres de Corée et du Vietnam, et un bagne pour la classe ouvrière. Pendant ces 40 années de Terreur blanche, 140 000 oppositionnels furent emprisonnés, entre 3 000 et 4 000 exécutés. La loi martiale n’y fut levée qu’en 1987, permettant au régime de se donner une façade démocratique à partir des années 1990.
En 1979, après le rapprochement entre la Chine et les États-Unis, et alors que ces derniers reconnaissaient Pékin comme capitale officielle de la Chine, le Taïwan Relation Act permit à l’impérialisme de continuer à soutenir Taïwan comme une île indépendante de fait, la fournissant en armes et lui assurant protection. Cela leur permettait toujours de faire pression sur Pékin, tantôt en appuyant les revendications indépendantistes taïwanaises, tantôt en les mettant en sourdine.
C’est dire si les déclarations occidentales sur la victoire de la démocratie à Taïwan après le vote du 13 janvier sont des plus hypocrites. La statue de Tchang Kaï-chek se dresse toujours fièrement à Taipei, la capitale, et si le Kuomintang y a perdu le pouvoir, l’appareil d’État qui date de la Terreur blanche est toujours là. Quant à la preuve de l’attachement supposé des habitants de Taïwan à gagner leur indépendance officielle, les résultats électoraux montrent en fait l’inverse.
En quatre ans, le PDP est passé de 57 % à 40 %, et il a perdu sa majorité à l’Assemblée législative de l’île. Quoi qu’il en soit, aucun parti ne compte à ce jour, malgré les discours, aller sur cette voie, d’autant plus que l’impérialisme l’interdit toujours. Biden a ainsi déclaré, après s’être félicité du résultat du 13 janvier, que les États-Unis « ne soutiennent pas l’indépendance de Taïwan ». Mais l’impérialisme américain compte plus que jamais continuer à utiliser l’île comme un pion pour provoquer Pékin quand il le souhaite.