- Accueil
- Lutte ouvrière n°2892
- ADP : comment se débarrasser des casseroles
Dans les entreprises
ADP : comment se débarrasser des casseroles
Le 4 décembre, la filiale ADP Ingénierie (ADPI) du groupe Aéroports de Paris a payé une amende de 14,6 millions d’euros au Trésor public pour échapper à un procès en corruption. Un fait d’actualité qui n’a rien d’étonnant et qui aussi en dit long sur le rôle de l’appareil d’État.
Sarkozy, qui a été mis en examen pour des soupçons de financement occulte de sa campagne de 2007 par Kadhafi, n’est sans doute pas le seul à avoir bénéficié des largesses de l’homme au pouvoir en Libye à l’époque. ADPI s’était en effet vu attribuer la conception d’aéroports dans les villes libyennes de Tripoli, Benghazi et Sabha. En 2014, une enquête pour corruption d’agents publics a été ouverte par le parquet de Paris, mettant en cause les conditions d’attribution de ces contrats, ainsi que celles d’un autre contrat dans l’un des Émirats arabes unis en 2011. C’est cette enquête que vient clore une décision du tribunal judiciaire de Paris assortie de l’amende de 14,6 millions.
Il est en effet possible pour une entreprise d’échapper à un procès en payant. Cela s’appelle une « convention judiciaire d’intérêt public », un dispositif légal mis en place sous Hollande. ADP n’est pas la seule à en avoir bénéficié, puisque ce fut aussi le cas d’Airbus à deux reprises, également pour des contrats avec le régime de Kadhafi, ainsi que de LVMH. À l’annonce de la décision du tribunal judiciaire, le directeur général d’ADPI a pu d’autant plus exprimer son soulagement que le communiqué du procureur financier ne fournit aucune information concernant les délits mis au jour.
Le groupe ADP s’est prévalu d’avoir mis en place un programme intitulé « Éthique et compliance » censé prouver qu’il est désormais exemplaire. Il s’agit de formations où l’entreprise explique qu’il ne faut pas accepter de cadeaux… à ses salariés ! Les travailleurs d’ADP, qui étaient déjà convaincus que c’était le monde à l’envers, savent désormais contre quelles accusations leurs dirigeants veulent se couvrir, en les conviant à ces leçons de morale bien décalées.
Le fait que la justice permette de se débarrasser d’un procès en corruption en payant le Trésor public évitera sans doute des procès tels que celui d’Elf, au début des années 2000, qui avait embarrassé non seulement les dirigeants du trust pétrolier mais également les hautes sphères de l’État. De toute façon, aucun procès n’a jamais empêché que les grandes entreprises recherchent des contrats par tous les moyens et en impliquant les États. Les financements occultes et autres rétro- commissions par le biais d’intermédiaires de l’ombre, qui défraient de temps en temps la chronique, ne sont que l’un de ces moyens et l’une des faces de la concurrence capitaliste.