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- Lutte ouvrière n°2887
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Leur société
Milliardaires : merci papa !
« Travaillez, prenez de la peine », écrivait Monsieur de La Fontaine pour familiariser les jeunes lecteurs du 17e siècle avec une certaine morale du travail attribuée à la classe bourgeoise montante. Pour les milliardaires du 21e siècle, il vaut mieux compter sur son héritage.
Comme l’a montré l’émission Cash investigation le 16 novembre, l’insolente richesse des milliardaires français ne tombe pas du ciel. « Si on veut être au sommet de la hiérarchie des fortunes, commente un intervenant universitaire au cours de l’émission, il vaut mieux compter sur son héritage, sur le fait d’être né au bon endroit, au bon moment, dans la bonne famille, plutôt que sur son effort. Donc le seul effort, le seul mérite risquent d’être un peu insuffisants ici pour faire partie des milliardaires français. »
Car les capitalistes ultra-riches, les Bettencourt-Meyers, Arnault et autres, sont non seulement les héritiers de familles capitalistes, mais les heureux bénéficiaires d’un système fiscal dessiné sur mesure pour eux. Les trois quarts, parmi les quarante premiers milliardaires, ont hérité de leur patrimoine et, en tant qu’héritiers, tous ont profité depuis vingt ans d’un avantage fiscal considérable, dit pacte Dutreil, qui les a exonérés de 75 % des impôts à payer sur une succession ou une donation. Au passage, le pacte Dutreil prive chaque année les caisses de l’État de quelque 2 à 3 milliards d’euros d’impôts. Évidemment, plus la valeur de l’entreprise transmise est grande, plus le cadeau est royal. D’autant plus que vient en déduction de la somme taxée un abattement pour un héritage en ligne directe, et encore une réduction de 50 % des droits à régler si le donateur a moins de 70 ans.
Les milliardaires sont des capitalistes héritiers d’autres capitalistes mais, comme le démontre une étude de l’Institut des politiques publiques de juin dernier, plus leur fortune est grande, moins ils paient d’impôts. Ainsi les 378 foyers les plus riches du pays n’ont-ils versé au fisc, en moyenne, que 2 % de leur fortune, contre 46 % pour les un peu moins riches, ceux que l’étude nomme les « millionnaires ».
Cette grosse différence de taux s’explique, selon les auteurs de l’étude, par le fait que les gros capitalistes paient proportionnellement très peu d’impôt sur le revenu, l’IR, mais sont en grande partie taxés à l’IS, l’impôt sur les bénéfices des sociétés, à taux fixe, contrairement à l’IR, et susceptible de bien des aménagements. Et encore l’étude porte-t-elle sur des données de 2016, les dernières disponibles, alors que l’IS était encore à un taux de 33,33 %. Macron l’a, depuis début 2022, réduit à 25 %.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que les lois, y compris les lois fiscales, servent la classe dirigeante, la bourgeoisie. Mais leur fortune et celle de leurs parents proviennent bien sûr, et l’émission ne le dit pas, de l’exploitation du travail des milliers de salariés qui produisent, commercialisent, transportent les marchandises qui, une fois vendues, rempliront les coffres des grands patrons. Et, en ce sens, il faudra que ce qui appartient au travail revienne au travail, et le plus tôt sera le mieux.