Nouvelle convention de la métallurgie : contre les divisions catégorielles, l’unité des travailleurs25/10/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/10/2882.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Nouvelle convention de la métallurgie : contre les divisions catégorielles, l’unité des travailleurs

Une nouvelle convention collective nationale de la métallurgie, signée le 7 février 2022 avec le patronat par les fédérations syndicales CFDT, CFE-CGC et FO, mais pas par la CGT, va entrer en application à partir du 1er janvier 2024. Il s’agit bien d’un recul général organisé.

Toutes les conventions collectives régionales sont annulées. Le patronat a pris soin de veiller à leur dénonciation et a fait valider cette démolition par la justice. Les 1,6 million de salariés de la métallurgie devraient donc, à terme, être traités ou plutôt maltraités de la même façon.

D’ailleurs, Eric Trappier, le président des patrons de la métallurgie (l’UIMM), ne s’est pas gêné pour définir l’utilité de cette convention collective : « Je me félicite de cette négociation inédite qui permettra demain [c’est-à-dire dans quelques semaines maintenant] de rendre notre industrie plus compétitive et plus attractive. » Ce sera bien entendu pour les profits des patrons avec, cela va de soi, une nette diminution de ce qui reviendra dans la poche des travailleurs. En guise de compliment pour les dirigeants syndicaux qui ont ainsi servi la soupe aux patrons, le même Trappier a ajouté : « Il [l’accord des syndicats] démontre à nouveau la capacité des partenaires sociaux de la métallurgie à trouver ensemble, via le dialogue social, les réponses concrètes aux défis économiques et sociaux structurants pour nos entreprises et leurs salariés. » Si le patronat est content pour ses profits, les travailleurs, eux, peuvent pleurer sur le sort qui les attend s’ils se laissent faire.

La grève de 1936 avait permis de mettre en place, pour la première fois, des conventions collectives devant garantir des droits égaux pour tous les travailleurs de la branche, alignés sur le haut de ce que les plus combatifs des grandes entreprises avaient pu imposer. Depuis, le patronat a appris à slalomer et à contourner ces accords issus d’un rapport de force en faveur des ouvriers en 1936 puis en 1968. Mais avec cette nouvelle convention collective, il veut imposer une série de reculs.

La convention institue l’augmentation de la période d'essai, qui peut passer pour les plus basses catégories à deux mois renouvelables, à l’initiative du patron. Pendant quatre mois, le patron pourra donc sans aucun motif jeter à la rue un ouvrier peu qualifié. Une période d'essai encore bien plus longue est aussi instituée pour les autres catégories. C’est la généralisation, légalisée, de la précarité. De même des menaces très sérieuses pèsent sur les primes et les congés d’ancienneté.

Les patrons se sont aussi donné les moyens d’instituer un salaire individualisé à leur propre appréciation, voire de pouvoir baisser le salaire d’un travailleur quand bon leur semble. Le moyen est la mise en place d’un nombre incalculable de catégories, qui dépendront de l’évaluation du travail de chaque salarié par les patrons. Mais c’est aussi, il faut bien le dire, la conséquence du piège catégoriel que tous les dirigeants syndicaux ont accepté dans le passé et encore aujourd’hui, et même posé comme revendication pour les travailleurs. Alors que les grilles de classification ont toujours servi à les diviser par catégories, comme s’il y avait les bons travailleurs méritants et les autres. Le patronat a conclu : « Vous avez voulu des catégories, eh bien on va vous en donner. »

Il est difficile de savoir dès aujourd’hui comment les différentes directions d’entreprise vont, ou pas, utiliser l’opportunité ouverte par cette nouvelle convention collective. Mais elle leur donne les moyens de faire reculer sévèrement les salaires et l’ensemble des conditions de travail dans la métallurgie. La question reste celle des réactions du côté des travailleurs et du rapport de force qu’elles peuvent modifier.

Un autre piège est tendu aux travailleurs qui entendent protester contre les risques de perte de salaire à terme, voire pour certains le risque d’une remise en cause de leur classification. On peut comprendre l’indignation de ceux qui se retrouvent piégés et menacés dans leur rémunération par le nouveau système. Mais cela ne doit pas se traduire par la revendication d’un « bon » système de classifications, alors qu’il n’y en a pas. Les classifications ont été mises en place depuis toujours pour diviser les travailleurs, les isoler les uns des autres et, du coup, les affaiblir face à leur patron ou leur direction. Les travailleurs, pour résister le plus efficacement possible, pour ne pas reculer, doivent mettre en avant les revendications qui les rassemblent tous dans un même combat. S’il faut lutter pour essayer de faire reculer ceux d’en face, il faut être le plus grand nombre, rassemblés, en sachant que le combat sera pour que chacun s’en sorte à égalité.

Les patrons de la métallurgie sont à l’offensive, comme l’ensemble du patronat. Mais par cette nouvelle convention collective, ils ont lié le sort de 1,6 million de travailleurs. Cela peut se retourner contre eux et en faire une force si les travailleurs savent se rassembler pour une lutte commune et faire front ensemble.

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