Australie : le sort des populations autochtones25/10/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/10/2882.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Australie : le sort des populations autochtones

Le 14 octobre en Australie, le référendum proposé par le gouvernement australien sur les droits des populations autochtones (Aborigènes et insulaires du détroit de Torrès) a été rejeté par plus de 60 % des voix.

C’est un revers pour le Premier ministre travailliste Anthony Albanese qui espérait sans doute se donner à peu de frais une image de modernisateur.

Ce vote met surtout en lumière la situation dramatique de peuples dont les droits les plus fondamentaux ont été bafoués durant près de deux siècles. Au nom de la « réconciliation », le texte proposé devait inscrire dans la Constitution les Aborigènes comme étant les premiers habitants de l’île. Il prétendait également leur donner une « voix » auprès du parlement et du gouvernement par la création d’un organe consultatif sur les questions les concernant. Ces avancées symboliques dépendaient du bon vouloir des descendants des colons qui constituent aujourd’hui 96,2 % de la population et du corps électoral. Et bien que n’apportant aucune avancée concrète en faveur du million d’autochtones, il avait le soutien de la gauche et d’une partie des représentants des communautés concernées. Mais c’était déjà trop pour la frange la plus réactionnaire des conservateurs, dont des porte-parole expliquaient, un comble, que certains Australiens deviendraient ainsi « plus égaux que d’autres ».

Les Aborigènes ont été soumis par les colonisateurs britanniques à de multiples formes de discrimination et de spoliation depuis la fin du 18e siècle. L’Australie fut considérée comme une « terra nullius » : une terre n’appartenant à personne. Ceux qui la peuplaient depuis 60 000 ans furent décimés par les maladies apportées par les colons et par les massacres. Leurs terres furent saisies au profit des grands propriétaires puis des capitalistes du secteur minier, les contraignant à survivre sur des territoires privés d’infrastructures et de logements. Le racisme d’État les relégua hors de toute citoyenneté, les syndicats y apportant leur appui en refusant de les syndiquer, ce qui les priva longtemps de tout accès à l’emploi. Leur existence même n’était pas prise en compte par le recensement.

Ainsi, de 1869 jusqu’aux années 1970, 10 à 33 % des enfants aborigènes, soit près de 100 000, furent enlevés à leurs parents et placés dans des institutions ou des familles blanches, au nom d’une politique d’assimilation forcée. Ce n’est que très récemment qu’un plan a promis de verser une indemnisation aux survivants de cette « génération volée ». Ils eurent aussi droit à des excuses officielles…

La mobilisation des Aborigènes rencontra une résistance acharnée et il fallut attendre 1967 pour qu’ils obtiennent le statut de citoyen. Mais ce n’est qu’en 1992 que les droits fonciers des autochtones furent reconnus, ce qui ouvrit la voie à certaines rétrocessions de terres.

Depuis, les gouvernements successifs ont multiplié les déclarations puis, en 2008, adopté une politique intitulée « combler le fossé » (« closing the gap » en anglais) censée réduire les inégalités et les discriminations dans l’accès à l’éducation, à l’emploi et aux soins. Mais la situation n’a guère évolué. Et ce d’autant qu’en 2014 le Premier ministre conservateur Tony Abbott avait taillé à hauteur de 340 millions d’euros dans les fonds alloués à différents programmes destinés notamment aux communautés les plus isolées.

Les Aborigènes vivent encore dans des conditions de vie révoltantes au regard de la richesse du pays et de ses classes dirigeantes. Leur espérance de vie est inférieure de huit ans à la moyenne nationale, ils occupent les emplois les plus précaires et les plus mal payés et connaissent un taux de chômage trois fois supérieur à celui du reste de la population. Un adolescent aborigène a vingt-quatre fois plus de risques de se retrouver derrière les barreaux qu’un autre, et d’y subir des sévices. Enfin, l’alcoolisme, la toxicomanie et les violences qui y sont liées font des ravages.

En l’absence d’investissements massifs, ce qui supposerait de s’en prendre aux profits des multinationales qui prospèrent dans le pays et ravagent son environnement, l’objectif proclamé et répété de combler ce fossé d’ici à 2031 n’a aucune chance d’aboutir. Les dizaines de milliards engloutis dans les programmes d’armement confirment que les priorités des gouvernements de gauche comme de droite sont ailleurs. Mais rien ne dit que les autochtones et ceux qui soutiennent leur combat accepteront toujours ce statu quo.

Partager