Airbus – Toulouse : les actionnaires s’enrichissent, les travailleurs trinquent25/10/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/10/2882.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans les entreprises

Airbus – Toulouse : les actionnaires s’enrichissent, les travailleurs trinquent

À l’usine Airbus de Toulouse, depuis le retour des vacances, le rythme s’intensifie sur les chaînes de montage, même si la véritable montée en cadence devrait se faire en janvier.

Pour préparer cette montée en cadence, de nouveaux intérimaires sont arrivés et il faut les former, sans avoir du temps en plus. Entre les absents du fait des accidents du travail, les démissionnaires, les intérimaires formés qui ne restent pas ou qui ne sont pas embauchés, le sous-effectif est criant.

La direction commence déjà à dire que les objectifs de livraison annoncés pour la fin de l’année (720 appareils) ne seront sans doute pas tenus. Pour rappel, le carnet de commandes s’élève à 8 000 avions, soit environ dix ans de production. Airbus a de quoi voir venir. Alors, pour répondre au manque d’effectifs, la direction a envoyé un courrier à chaque salarié, pour l’informer que les heures supplémentaires sont ouvertes jusqu’au 11 novembre. En réalité, il est sûr que cela durera au moins jusqu’à la fin de l’année. Ainsi, au lieu de commencer à 6 h 30, il faut commencer à 5 heures et le samedi venir de 6 heures à midi pour l’équipe de jour. Pour les équipes de nuit, il s’agit de travailler de minuit à deux heures en heures supplémentaires, même le samedi.

Officiellement, ces heures supplémentaires sont au volontariat, mais les chefs ne cachent pas que, s’il n’y a pas assez de volontaires, elles deviendront obligatoires. Vu le rythme de travail imposé, des anciens se posent la question de démissionner et des intérimaires refusent la prolongation de leur contrat, voire le CDI. Cela n’empêche pas la direction de se plaindre qu’elle a du mal à recruter, tout en licenciant certains intérimaires, bien que formés et compétents.

Dans le secteur Saint-Éloi, au retour des vacances, plusieurs réunions ont été organisées par la maîtrise pour dire que les cinq prochaines années seront difficiles au vu du nombre d’avions à fabriquer. À la Pulse line A320neo, cela se traduit par ce qu’ils appellent le « tact ». Chaque mois, le nombre de mâts réacteurs à fabriquer est annoncé, mais chaque semaine, voire chaque journée, les objectifs sont révisés, et toujours à la hausse. Du coup, régulièrement, les chefs mettent la pression sur les ouvriers du secteur pour qu’ils ne prennent pas de pause. Dernièrement, la direction a décidé que le quota le plus important de mâts à réaliser serait pour le vendredi, alors que la semaine aura déjà été bien éprouvante.

La plupart du temps, les objectifs sont inatteignables et, si le travailleur n’a pas fait son quota, il est convoqué par sa hiérarchie, ou on l’accuse de « ne pas vouloir volontairement tenir les temps ». À l’issue de son entretien, on lui remet une lettre de « sensibilisation ». Les travailleurs sont donc à bout.

Mais, pendant l’aggravation des conditions de travail, la machine à profit bat des records. En 2022, Airbus a réalisé un bénéfice net de 4,2 milliards d’euros, et les actionnaires ont bénéficié d’une augmentation de 20 % de leurs dividendes. Dans l’avenir, l’entreprise compte encore leur reverser bien plus, grâce à la nouvelle convention collective de la métallurgie, qui permettra d’intensifier encore les rythmes de travail tout en allégeant la masse salariale.

L’avenir est donc toujours aussi radieux pour les actionnaires, beaucoup moins pour les travailleurs, sauf s’ils refusent de laisser faire.

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