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Gabon : le dictateur est parti, pas les militaires
Depuis un peu plus d’un mois, le Gabon vit sous le règne des militaires qui ont chassé le dictateur, Bongo. Mais, pour les classes populaires, la situation reste très difficile et la contestation se développe.
Les militaires ont essayé de trouver un soutien populaire. Ils ont montré les valises de billets trouvées dans les maisons de la famille Bongo ou chez certains dignitaires du régime. La presse est aussi plus libre, dévoile ce qui jusque-là était caché, et se permet même de critiquer l’ancien régime et ceux qui y participaient. Surtout, les retraites des fonctionnaires sont de nouveau payées, alors que ce n’était plus le cas depuis 2020 et que toutes les réclamations étaient violemment réprimées.
Mais le nouveau régime a aussi vite montré ce qu’il avait en tête. Ainsi, un décret a interdit à tous les membres du gouvernement dit de transition de se présenter à la future élection présidentielle, sauf au chef de la junte, Brice Oligui Nguema, alors qu’il dirigeait la garde présidentielle de Bongo ! Les militaires ont refusé de donner le pouvoir aux partis de l’opposition à Bongo, comme ceux-ci le demandaient au début du coup d’État. Nguema a rencontré le candidat de l’opposition, Albert Ondo Ossa, sans que leurs tractations soient révélées. Et depuis, ce politicien est devenu bien discret.
Par ailleurs, le chef de la junte a rencontré tous les dignitaires de l’ancien régime pour leur demander des conseils, paraît-il. Cela a été ressenti par beaucoup comme une provocation. Et les militaires n’ont pas entrepris de démarches pour toucher aux nombreux biens de la famille Bongo, en France notamment. D’autant plus que leur chef possède lui-même plusieurs maisons luxueuses aux États-Unis.
Surtout, si une grande partie des malversations des Bongo et consorts ont été révélées au grand jour, les militaires se gardent bien de dénoncer la domination de l’impérialisme, français notamment, et les énormes profits de Total dans le pétrole ou d’Eramet dans le manganèse. De nombreuses entreprises françaises continuent de s’enrichir grâce aux contrats très avantageux que la dictature leur avait concédés. L’ambassadeur de France est d’ailleurs le premier reçu par Nguema, qui a aussi eu une entrevue avec le directeur au Gabon du trust Eramet. Cela explique certainement le silence du gouvernement français sur ce coup d’État, les intérêts des capitalistes français sont toujours bien protégés.
Si, en général, la population est satisfaite d’être débarrassée de la dictature de Bongo, elle n’a pas vraiment d’illusions sur les militaires au pouvoir. D’ailleurs, la presse gabonaise a rapporté des grèves contre les conditions de travail. La seule perspective pour que les choses changent réellement, ce serait que la classe ouvrière, importante au Gabon, notamment dans les mines, intervienne pour prendre son sort en main. Il n’y a en effet rien à attendre des chefs militaires, formés à la répression des révoltes populaires, et pas davantage des politiciens de l’opposition, qui ne rêvent que d’arriver au pouvoir pour s’enrichir en maintenant la population dans la misère.