Rugby : ballon ovale, profits rondelets21/09/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/09/2877.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Rugby : ballon ovale, profits rondelets

La dixième édition de la Coupe du monde de rugby à XV a démarré vendredi 8 septembre. Macron, qui a pris la parole lors de la cérémonie d’ouverture, espère en tirer des bénéfices politiques au nom de l’union sacrée derrière le coq gaulois. Le public du stade de France lui a répondu par une bronca.

Pour d’autres, c’est une belle occasion d’engranger des profits. Depuis la professionnalisation du rugby en 1995, l’argent coule à flots. La Coupe du monde en 2019 a ainsi rapporté 4 milliards d’euros, quand celle de 1995 n’avait ramené que 40 millions. Aujourd’hui, Capgemini, Société générale ou encore TotalEnergies font partie des partenaires de l’événement et obtiennent de World Rugby, organisateur de l’événement, l’accès aux marchés.

Les droits télévisés sont une autre manne qui attire diffuseurs et publicitaires : à 300 000 euros le spot de 30 secondes, il y a de quoi les faire saliver ! Lors de l’édition de 2007, déjà organisée en France, les matchs du XV de France avaient eu jusqu’à 18 millions de télé­spectateurs, autant que des matchs de football. TF1 a récupéré de nouveau les droits pour l’édition de 2023, pour une somme estimée à 40 millions d’euros, et en a revendu une partie à France­TV et M6, ainsi qu’à des organismes publics qui ont assuré des retransmissions gratuites.

De leur côté, les lobbys viticoles ont pesé de tout leur poids pour que le ministère de la Santé annule deux campagnes de prévention sur le thème « Alcool et rugby ». Le groupe Heineken était d’ailleurs jusqu’à cette année l’un des sponsors majeurs de ce sport, au point d’avoir imposé son nom à une prestigieuse compétition européenne, la « ­H Cup ». Sans surprise, entre les profits des producteurs et des vendeurs d’alcool et la santé des supporters, le gouvernement a rapidement choisi.

Les liens entre patrons, affairistes et clubs professionnels ont déjà été à la source de plusieurs scandales. Le plus retentissant a touché l’ex-secrétaire d’État aux Sports, Bernard Laporte, devenu ensuite président de la Fédération française de rugby et Mohed Altrad, patron milliardaire du BTP et président du club de Montpellier. Tous deux ont été condamnés l’an passé à de la prison avec sursis pour corruption, trafic d’influence et abus de biens sociaux.

Le bon déroulé de la Coupe du monde dans les villes qui servent de camps de base à des équipes va être assuré par 3 500 bénévoles. Pour World Rugby, leur passion permettra surtout d’économiser !

Quant aux joueurs, ils sont les premières victimes de la course aux profits. Les témoignages d’actifs et de retraités se multiplient : commotions cérébrales et traumatismes sont devenus communs. Le développement de la musculation et le contrôle de l’alimentation des joueurs ont contribué à durcir les chocs, et le nombre moyen de blessés a doublé en quelques années. Les mesures mises en place, tardivement et sous la pression des rugbymen, ont été détournées à leur détriment. Par exemple, l’augmentation du nombre de remplaçants via les « protocoles commotion » – qui imposent la sortie d’un joueur et son examen par un médecin – a en fait augmenté l’intensité physique des rencontres.

On compte également des décès. En 2023, d’anciens joueurs ont intenté une action en justice contre plusieurs instances. Sur la dernière décennie, ils estiment à 400 le nombre de joueurs morts « de façon prématurée » à cause de dommages cérébraux faisant suite à des matchs. On est loin des « valeurs » du rugby vantées par beaucoup : la seule valeur pour les capitalistes qui tournent autour de ce sport est celle de leur tiroir-caisse.

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