Été 1913, la deuxième guerre des Balkans09/08/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/08/2871.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

il y a 110 ans

Été 1913, la deuxième guerre des Balkans

Il y a 110 ans, le 29 juin 1913, commençait la seconde guerre des Balkans, prélude à la Première Guerre mondiale. Elle venait moins d’un an après la première guerre balkanique qui avait déjà failli embraser l’Europe et opposait cette fois les petites nations balkaniques entre elles.

Les Balkans avaient jusque-là été dominés par les empires ottoman, russe et austro-hongrois. Depuis 1882 existait un royaume de Serbie dirigé par une monarchie arriérée et avide de conquêtes. La Bulgarie avait conquis son indépendance en 1908, après avoir été un satellite de la Russie tsariste. La région était une mosaïque de populations, de religions, d’origines et d’ethnies. Son économie était contrôlée par les puissances impérialistes. Les peuples des Balkans subissaient la domination des puissances régionales, ottomane et austro-hongroise, et l’oppression des classes possédantes.

Lors de la première guerre balkanique de 1912, les frontières étaient encore celles établies lors du Congrès de Berlin de 1878 par les grandes puissances, sans tenir compte des souhaits des peuples. La Macédoine bulgare avait été accordée aux Ottomans, l’Empire russe s’était emparé de la Bessarabie roumaine. La Bosnie-Herzégovine, en partie revendiquée par la Serbie, avait été livrée à l’Autriche-Hongrie. Mais les trois empires dominants s’affaiblissaient. La Russie avait été battue par le Japon en 1905. L’Italie s’était emparée en 1908 de la Libye et de quelques îles, dernières possessions de l’empire ottoman sur l’autre rive méditerranéenne. À mesure que l’impérialisme allemand s’affirmait, l’Autriche-Hongrie devenait une puissance de second ordre et le relais de l’Allemagne dans cette partie orientale de l’Europe.

Les camps de la future Première Guerre mondiale étaient déjà en partie constitués. D’un côté, la triple alliance réunissait l’Allemagne, l’Autriche-Hongrie et l’Italie. De l’autre, la France et la Grande-Bretagne formaient avec la Russie la triple entente.

La déliquescence de l’Empire ottoman apparut comme une opportunité pour les petits États de la région. Avec l’appui de la Russie et la complicité de la France et de la Grande-Bretagne, la Bulgarie et la Serbie, rejointes ensuite par la Grèce et la Macédoine, s’allièrent pour l’affronter. Au bout de sept mois de conflit meurtrier, l’Empire ottoman capitula en particulier devant les armées serbes. Celles-ci devaient leur efficacité à leurs armements modernes sortis des usines du Creusot et payés par des emprunts auprès des investisseurs français.

Les troupes bulgares, elles, arrivèrent aux portes de Constantinople, aujourd’hui Istanbul et alors capitale de l’Empire ottoman. Cette avancée fulgurante alarma l’Empire russe et ses alliés qui ne voulaient pas d’une grande Bulgarie. Parallèlement, la ville la plus importante de la Macédoine, Salonique, qui faisait partie de l’Empire ottoman, fut emportée par les Bulgares et les Grecs qui la convoitaient.

L’Empire ottoman dut céder quasiment l’ensemble de ses territoires d’Europe, en particulier la Macédoine. Un traité dit de paix fut signé à Londres en mai 1913, par lequel les nouvelles frontières étaient fixées par l’avancée des différentes armées et selon les intérêts contradictoires des différents impérialistes et de leurs alliés régionaux. Sous la pression de la France et de la Grande-Bretagne, l’Albanie devenait un État indépendant, ce qui provoquait le mécontentement des nationalistes serbes car leur État perdait ainsi son accès à la mer.

Le traité de Londres ne mit pas fin à la guerre qui reprit rapidement. Dans la nuit du 29 au 30 juin 1913, la Bulgarie envahit une partie de la Macédoine passée de la domination turque à celle de la Serbie et de la Grèce, qui répondirent à la provocation. La Roumanie déclara à son tour la guerre le 3 juillet et repoussa les troupes bulgares. L’Empire ottoman en profita pour reconquérir une partie des territoires perdus précédemment. Capitulant le 18 juillet après quelques semaines de combat, la Bulgarie, en rompant ses alliances avec la Grèce et la Serbie, ne put conserver que 16 % de ses conquêtes de la première guerre bal­ka­ni­que. À l’inverse, le Monténégro, la Serbie et la Grèce doublèrent leur territoire. La Macédoine fut partagée en quatre entre la Grèce, la Bulgarie, l’Albanie et la Serbie, au détriment de l’Empire ottoman.

Dans la foulée de ces deux guerres, les ambitions des classes possédantes nationales provoquèrent des massacres de populations, des exactions contre des minorités afin de les pousser à partir et d’unifier ethniquement les territoires conquis. Des centaines de milliers de civils fuirent les combats, selon leur origine ou leur religion. Les mêmes atrocités furent commises par les différentes armées.

Le traité de paix signé à Bucarest en août 1913 ne résolut à son tour aucune des questions posées. Les bourgeoisies européennes avaient usé de leur influence pour attiser les haines nationales entre peuples slaves, turcs, hongrois.... Les deux guerres balkaniques favorisèrent la domination des communautés les plus importantes contre les minorités. Formellement indépendantes, n’ayant réglé aucun de leurs différends territoriaux, les États bal­kaniques restèrent otages de la politique des impérialistes et dépendaient économiquement des bourgeoisies des grandes puissances.

L’horreur de ces deux guerres préfigurait la violence de la Première Guerre mondiale dans laquelle les grandes puissances impérialistes européennes allaient s’affronter pour maintenir ou agrandir leurs zones d’influence.

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