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Leur société
Police : rébellion et outrage
La mise en examen de quatre policiers marseillais et l’incarcération de l’un d’eux ont provoqué une rébellion ouverte dans la police. Ils sont accusés d’avoir frappé en réunion Hedi, un jeune passant d’origine maghrébine, jusqu’à le laisser pour mort, pendant la répression des émeutes.
Depuis le 21 juillet, une vague d’arrêts maladie a frappé les commissariats marseillais, qui se mettent les uns après les autres en service minimum. Interdits du droit de grève, ils font la grève du zèle. Le soutien explicite du directeur général de la police, qui a déclaré au journal Le Parisien « Cela m’empêche de dormir, avant un procès, un policier n’a pas sa place en prison », a encouragé l’extension de cette rébellion à d’autres villes du pays. Elle pourrait se poursuivre jusqu’à la libération du policier cogneur.
Pour venir à bout des émeutes urbaines déclenchées par l’assassinat de Nahel par un policier de Nanterre, le pouvoir a laissé pendant six ou sept nuits les mains libres à ses « cognes ». Plus de 3 600 personnes ont été placées en garde à vue, dont 1 600 mineurs. Les unités mobilisées, dont le RAID et autres forces antiterroristes, ont utilisé tout leur arsenal, y compris les LBD qui crèvent les yeux et fracassent les crânes. Dans les quartiers concernés, il ne fallait pas croiser la police. À Longwy, un jeune agent de sécurité a été plongé dans le coma par un tir de « bean bag », un sac de billes de plomb, du RAID. À Marseille, outre Hedi gravement blessé à la tête, un homme circulant à scooter est mort d’un arrêt cardiaque après avoir reçu un tir de LBD.
C’est à ce prix que « l’ordre a été rétabli en seulement quelques jours », comme s’en est vanté Macron à la télévision. Autorisés « à traiter les délinquants sur place », selon les termes d’un flic marseillais, c’est-à-dire à cogner sans retenue, les policiers ne digèrent pas qu’on leur demande aujourd’hui des comptes sur leurs bavures et qu’un juge ait osé placer l’un des leurs en prison.
Cette rébellion, accompagnée d’une sorte d’outrage à magistrat et appuyée par le grand chef de la police, fait bien sûr désordre. Cette exigence d’un régime spécial et cette demande d’être placé au-dessus des lois ont provoqué l’ire des magistrats, même modérés. Elles mettent Macron et ses ministres dans l’embarras, les obligeant à des contorsions verbales pour ne fâcher ni les flics ni les juges. Mais, de Macron à Darmanin, chacun y est allé de sa petite phrase compréhensive pour la police et ses dérapages.
Car, quoi qu’en disent les policiers, la justice n’a pas eu la main légère pour les émeutiers, bien au contraire : il y a eu plus de 260 comparutions immédiates et des années de prison ferme distribuées. La police et la justice sont deux appareils de répression vitaux pour maintenir un ordre social inégalitaire, pour faire accepter leur sort aux pauvres et réprimer les travailleurs qui refusent de se laisser exploiter sans broncher. Maintenir l’état de droit et l’indépendance de la justice, deux valeurs supposées de la république française, devient un exercice de plus en plus difficile, dans une période de crise où la politique exigée par la bourgeoisie ne peut qu’entraîner des révoltes et l’intervention de plus en plus violente des forces dites de l’ordre.