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Dans les entreprises
Apprentissage : économie, cadeaux et propagande
Ministres et soutiens du gouvernement mettent toujours au compte de Macron l'explosion du nombre d'apprentis. Ce serait le signe d'une baisse du chômage et d'un espoir d'emploi stable pour la jeunesse. La Cour des comptes et d'autres organismes publics y ont regardé de plus près.
La réforme de 2018 des CFA (centre de formation d'apprentis) a permis d'augmenter notablement leurs subventions publiques. L'aide exceptionnelle de 2020 a offert auxpatrons une prime de 5 000 euros pour les mineurs et de 8 000 euros pour les majeurs, faisant passer le nombre d'apprentis de 300 000 en 2018 à plus de 800 000 en 2022. À l'énoncé de ces chiffres et au vu des images télévisées de jeunes ouvriers en formation, la propagande gouvernementale affirme que des centaines de milliers d'enfants des quartiers populaires ont ainsi trouvé une voie pour s'en sortir. Mais si on ne les trouve pas autour de soi, c'est qu'ils n'existent pas, ou très peu.
En effet nombre des 500 000 apprentis supplémentaires sont en fait des étudiants d'institutions privées promptement rebaptisées CFA pour toucher les subventions. Le gouvernement a fait des heureux dans sa clientèle: les propriétaires d'écoles privées aux subventions multipliées jusqu'à bac + 5, leurs élèves dont les familles sont en partie libérées du coût des études, les patrons à qui on offre de la main-d'oeuvre gratuite. Et il ne s'est pas oublié en chemin, transformant statistiquement les étudiants en personnes en emploi et faisant du même coup baisser le pourcentage de chômeurs. L'histoire ne dit pas si les apprentis en question garderont leur emploi lorsqu'il deviendra payant pour les employeurs, mais on se doute quand même un peu de la conclusion.
Dans le même temps, les enfants des classes populaires élèves en lycée professionnel ont toujours autant de mal à trouver des stages en entreprise, c'est-à-dire des patrons qui veuillent bien, gratuitement, leur faire découvrir leur métier. C'est pourquoi nombre d'entre eux choisissent l'apprentissage. Mais ils se rendent compte rapidement que ce chemin n'est pas pavé de roses. Pour un artisan heureux de transmettre son savoir-faire, sans cracher sur la prime offerte par l'État, combien d'apprenties coiffeuses ne font que balayer le salon et combien d'apprentis agriculteurs se font injurier quand ils ne viennent pas traire et nourrir les vaches les jours fériés? Ceux-là au moins apprennent vite la place que cette société réserve aux prolétaires.
L'ensemble de ces mesures a coûté huit milliards d'argent public en 2022, ce qui semble trop au ministre de l'Économie. Bruno Le Maire parle donc de réduire ces crédits de 10 à 15% et de modifier la loi sur les CFA. Les grandes entreprises ne verront pas la différence, d'autant plus que ces économies seront faites à leur profit. Les petites se contenteront de les faire supporter aux salariés, supprimeront les postes d'apprentis, voire périront en licenciant tout le monde, tant il est vrai que ce sont ceux du bas de l'échelle qui finissent par régler l'addition pour tous les autres.