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Colombie : un chef paramilitaire avoue ses crimes
Dans les années 1990 et 2000, Salvatore Mancuso était le chef d’un des groupes paramilitaires de Colombie, ces milices d’extrême droite responsables de centaines de milliers de morts pendant les soixante ans de guerre civile. Pour bénéficier d’une peine aménagée pour ses crimes, il a décidé de passer aux aveux.
En 2003 et 2006, durant le gouvernement de droite du président Uribe, les paramilitaires, dont Mancuso, avaient pu se démobiliser et bénéficier d’une réduction de peine, en échange d’aveux. Mais, en 2008, Mancuso avait été extradé vers les États-Unis. Il arrive au terme de sa condamnation aux États-Unis et voudrait maintenant bénéficier de l’accord de paix conclu en Colombie en 2016 avec la guérilla des FARC. C’est ce qui explique ses nouveaux aveux.
La guerre civile en Colombie a opposé d’un côté les guérillas appuyées sur les populations pauvres à majorité indienne, dont les responsables ont parfois tenté de se réintroduire dans la vie politique officielle, mais ont été le plus souvent assassinés. De l’autre côté, les classes possédantes, décidées à ne rien lâcher, avaient à leur service la police, l’armée, les paramilitaires et une classe politique complaisante y compris avec les narco-trafiquants. Même l’avion privé du père d’Uribe avait assuré une livraison de drogue du célèbre trafiquant Escobar.
Les aveux d’aujourd’hui bouleversent bien des gens, car ils rappellent la collusion entre les autorités officielles de l’époque et les groupes de tueurs qu’étaient les paramilitaires. La police et l’armée colombienne n’ont certes pas été les dernières à perpétrer des massacres. Mais, quand elles rechignaient à certaines basses besognes, les paramilitaires assuraient la relève, ayant bénéficié des mêmes entraînements que la police et l’armée.
Ainsi, les militaires pouvaient remettre des listes d’opposants à éliminer aux paramilitaires, qui se présentaient à domicile pour les tuer.
Ces massacres de masse avaient fini par inquiéter les paramilitaires eux-mêmes, qui avaient alors décidé de faire disparaître les cadavres de leurs victimes, soit en les brûlant dans des fours crématoires, soit en les enterrant dans des fosses communes, y compris dans des pays voisins comme le Venezuela.
Ces aveux confirment ce qui est bien connu. La grande majorité des massacres commis n’ont pas été le fait des guérillas, comme le prétend la droite, mais bien des forces de répression paramilitaires, avec un soutien actif de l’appareil d’État ; une complaisance que la droite colombienne, Uribe en tête, refuse toujours d’admettre.
Après 2016, une commission a siégé afin d’établir un bilan de soixante ans de guerre civile. Elle a abouti à un chiffre global de près de 9 millions de morts, dans ce pays de 51 millions d’habitants. Les communautés paysannes ont payé le plus lourd tribut, puisque 80 % des morts étaient des civils. Selon les déclarations d’un paramilitaire à cette commission, il était admis que pour tuer un « subversif », on puisse abattre vingt personnes. Autant dire que l’assassinat de présumés guérilleros était libre, ce qui explique le nombre effarant de victimes.