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Leur société
Maladies professionnelles : plus nombreuses, moins indemnisées
De 2012 à 2018, Santé publique France a enquêté auprès de milliers de salariés sur les maladies à caractère professionnel, c’est-à-dire celles qui ne sont pas reconnues par la Sécurité sociale.
Les maladies liées au travail sont nombreuses mais le tableau des maladies professionnelles, reconnues comme telles et ouvrant droit à des soins, des indemnités et des pensions, est très restrictif. Et pour cause, la caisse des Accidents de travail et des Maladies professionnelles est exclusivement abondée par le patronat. De plus le taux de cotisation est en partie indexé sur le nombre d’accidents survenus dans l’entreprise. Ainsi, de même que la hiérarchie fait pression pour que les travailleurs victimes d’un accident de travail ne se déclarent pas, le patronat dans son ensemble freine des quatre fers pour empêcher la reconnaissance des maladies professionnelles. Les travailleurs empoisonnés par l’amiante et qui se battent depuis des années pour faire reconnaître leur préjudice en savent quelque chose.
Pour des raisons statistiques, la Sécurité sociale et l’administration ont donc inventé depuis 2013 la maladie à caractère professionnel, non reconnue comme telle alors que chacun, travailleur, employeur, médecin et enquêteur, sait qu’elle est liée à l’emploi. L’enquête révèle sans surprise que ces maladies sont sous-déclarées et en augmentation, notamment les troubles musculosquelettiques et la souffrance psychique. Les premiers sont dus aux charges lourdes, aux gestes répétitifs, aux mauvaises postures, la seconde aux pressions subies au travail, les deux à l’exploitation. Santé publique France note que les travailleurs ont rarement l’occasion de faire un bilan de santé et ont difficilement accès aux procédures pour déclarer une maladie liée au travail. La pression conjointe du patronat et du gouvernement pour réduire l’activité et les possibilités de la Médecine et de l’Inspection du Travail, comme celles des élus des travailleurs, n’y est pas pour rien. Le rapport signale aussi une évidence, trois jours après la promulgation du passage de la retraite à 64 ans : les maladies, leur fréquence et leur gravité empirent avec l’âge.
Pourtant les quelques règlements protégeant les salariés, comme l’interdiction temporaire de licencier un travailleur en maladie, particulièrement si elle est liée à son emploi, révulsent toujours les milieux patronaux. Lundi 18 avril, la veille de la publication du rapport de Santé publique France, un avocat a publié une édifiante tribune dans le quotidien Les Échos, du groupe Arnault. Il y déplore que certains cadres, convoqués par leur patron et pressentant une procédure de licenciement, courent chez leur médecin pour déclarer un trouble psychologique lié à leur métier, retardant la décision de quelques mois. L’astucieux avocat préconise alors le licenciement sans préavis et sans entretien préalable, ce qui ne coûte au patron qu’une amende d’un mois de salaire brut. C’est bien plus rentable, dit-il, que de payer des mois durant quelqu’un à ne rien faire…
Non seulement le capitalisme rend malade, mais ses défenseurs font douter de l’espèce humaine.