Russie : la guerre de Poutine, dévoreuse d’hommes23/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2851.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Dans le monde

Russie : la guerre de Poutine, dévoreuse d’hommes

Des médias russes viennent d’affirmer, en citant des sources à la tête de plusieurs régions, que la Russie allait lancer, le 1er avril, une campagne d’information visant à recruter 400 000 engagés pour faire face aux besoins de l’armée.

Il s’agit de combler les énormes pertes après treize mois de guerre en Ukraine. Mais le Kremlin veut aussi pouvoir faire face aux besoins croissants en chair à canon dus à l’escalade militaire que, dans le camp opposé, l’OTAN mène tambour battant avec la peau des soldats et civils ukrainiens, sous un déluge de livraisons d’armes qui font exploser les profits des industries d’armement américaines, allemandes, françaises, britanniques...

En Russie, la conscription dite partielle de 300 000 hommes, lancée en septembre dernier, n’a donc pas suffi. Et cela même si, en réalité, bien plus de jeunes et moins jeunes ont été alors enrôlés, souvent contre leur gré, au service de la poli­tique de Poutine. Plus de 500 000 hommes ont dû ainsi partir à la guerre ces derniers mois, selon ce qu’ont calculé des organismes statistiques en se fondant sur la flambée subite du nombre de mariages enregistrés depuis l’automne. En effet, beaucoup de couples ont voulu régulariser leur situation, seul moyen pour celle qui devenait légalement épouse de conscrit de percevoir des aides au foyer de mobilisés, et une allocation en cas de décès de son compagnon.

En disant chercher surtout des engagés, Poutine s’en tient à ce qu’il martèle depuis le début de cette guerre : il refuse de ­recourir à la mobilisation générale. Mais, au-delà d’un aspect démagogique, cette posture vise à protéger les intérêts bien compris du régime russe. En effet son chef redoute sans doute qu’une décision de mobilisation générale ne cristallise un mécontentement social et ­politique encore diffus, et qu’il se dresse contre ce pouvoir des bureaucrates et des oligarques, avec tout ce qu’il a d’odieux et d’anti­ouvrier aux yeux de la population.

La course aux 400 000 engagés fournira une nouvelle moisson de soldats promis à la mort. Dire que ce seraient des volontaires est une ­sinistre plaisanterie : ils viendront, comme les fois précédentes, des couches les plus pauvres de la population, des régions déshéritées et souvent peuplées de minorités nationales où il n’y a guère de travail.

De plus l’appel ordinaire aux conscrits et les convocations de rappelés continuent. Pire, les députés russes viennent de déposer un projet de loi, évidemment suscité par le Kremlin, qui porte à 30 ans l’âge limite de l’incorporation, au lieu de 27 actuellement. Le but est de priver les sursitaires d’une possibilité d’échapper à la conscription. Et, dans un établissement d’enseignement supérieur tel l’Institut d’aviation de Moscou, d’ores et déjà les étudiants ne reçoivent leur diplôme que s’ils signent leur convocation au centre d’enrôlement.

Quant à la chasse aux rappelés lancée en septembre, si les commissariats militaires et les responsables civils de Moscou et Saint-Pétersbourg ont assez vite levé le pied, vu l’opposition que cela suscitait et le risque qu’elle explose au grand jour, en province ils ont souvent fait le forcing. Voilà comment l’armée a recruté bien plus que l’­objectif de 300 000 hommes fixé par Choïgou, le ministre de la Défense. Et dans l’émulation entre les chefs des régions pour remplir le plan de Choïgou-Poutine, ceux qui ont moins bien réussi que d’autres cherchent apparemment à se rattraper.

Ainsi en Russie centrale, dans la circonscription militaire de Lipetsk, les centres d’enrôlement vont de nouveau envoyer des convocations aux hommes de la région. Interrogées dans la presse, les autorités ont déclaré que cette mesure relève de la comptabilité administrative : celle qui remplit les cimetières en Russie comme en Ukraine et oblige à les agrandir sans cesse.

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