En 2021 Johnson et Macron se renvoyaient mutuellement la responsabilité des naufrages de migrants, le Premier ministre britannique voulant même renvoyer ceux qui avaient réussi la traversée, alors que le gouvernement français reprochait à l’État anglais sa faible participation financière pour la surveillance des plages du Nord. Mais aujourd’hui les deux gouvernements font face à des mouvements sociaux importants et la question de l’immigration est un bon dérivatif. Prendre les migrants pour cible est devenu la recette commune pour tenter de faire diversion. Chacun joue sa partition : le gouvernement français prévoit de renforcer la loi asile-immigration en entravant un peu plus le regroupement familial. Quant au gouvernement anglais, il prépare une loi pour pouvoir renvoyer les migrants entrés illégalement sur le territoire sans même examiner leur demande d’asile.

L’entente est donc maintenant parfaite : Rishi Sunak a promis une enveloppe de 543 millions sur trois ans à Macron pour permettre la construction d’un nouveau centre de rétention à Dunkerque et le déploiement de 500 gendarmes supplémentaires sur les plages de la Manche.

Les associations d’aide aux migrants sont vent debout contre cette nouvelle coopération qui va rendre encore un peu plus difficile la traversée de la Manche. Pour autant 45 000 personnes ont tenté et réussi la traversée en 2022. Le directeur général de Médecins sans frontières a dénoncé « le cynisme à toute épreuve » des dirigeants français et britanniques, en ajoutant : « Cette coopération » jamais vue « ignore la souffrance des migrants et se moque de leur dignité et de leurs droits fondamentaux. »

Faire de la Manche une mer quadrillée de drones et de patrouilles comme la Méditerranée n’empêchera certainement pas les tentatives de traversée, mais les rendra plus difficiles. La Manche, à l’instar de la Méditerranée, risque de devenir de plus en plus un cimetière.