Morts au travail : perdre sa vie en essayant de la gagner08/03/20232023Journal/medias/journalnumero/images/2023/03/2849.jpg.445x577_q85_box-0%2C104%2C1383%2C1896_crop_detail.jpg

Leur société

Morts au travail : perdre sa vie en essayant de la gagner

Samedi 4 mars, à deux pas des Invalides et du ministère du Travail, s’est tenu un rassemblement d’une centaine de personnes. L’appel émanait du collectif Stop à la mort au travail, constitué par des parents et des proches de travailleurs victimes d’accidents du travail mortels, qui tenait à cette occasion sa première réunion.

Le collectif réclame plus de transparence sur les chiffres de la mort au travail, car l’assurance maladie ne décompte pas les travailleurs de la fonction publique, ni les indépendants, les travailleurs détachés ou sans-papiers, ce qui permet de minimiser les chiffres. D’après Matthieu Lépine, un professeur d’histoire à Montreuil qui tient régulièrement un blog sur les accidents du travail, « il y aurait eu 896 morts dans des accidents du travail en 2019. Mais ce chiffre n’apparaît dans aucune étude, aucune analyse, aucun rapport, car ni la Cnam, ni la Dares, ni aucun autre organisme ne prend en compte dans son panel l’ensemble des actifs. » Ce sont donc près de deux personnes par jour qui meurent au travail en France.

« On ne veut pas verser une larme, on ne veut pas pleurer, on veut que les choses changent », a déclaré Caroline Dilly, une des fondatrices du collectif, dont le fils Benjamin, couvreur, est mort à 23 ans en chutant d’une nacelle. Pour Fabienne Bérard, mère de Flavien, mort à 27 ans sur un chantier de forage pétrolier en Charente, il s’agit de « mettre des visages sur des chiffres, et dénoncer la négligence avec laquelle sont traités nos jeunes ». Les chiffres montrent que les travailleurs intérimaires et ceux qui font les travaux les plus durs sont les plus touchés. Mais les accidents mortels sont aussi plus fréquents chez les travailleurs les plus âgés, au-delà de 50 ans.

Les familles demandent l’application de mesures de prévention, des condamnations fermes des employeurs ayant manqué aux obligations de sécurité, et qu’il y ait un accompagnement des proches. C’est effectivement un minimum car, à la souffrance d’avoir perdu quelqu’un, s’ajoute celle de devoir attendre le résultat d’enquêtes qui sont souvent longues. Aux yeux des policiers et des magistrats, ces affaires ne constituent pas des priorités, et ils ne sont jamais pressés de demander des comptes à des employeurs.

Depuis des années, les effectifs des inspecteurs du travail diminuent, et les CHSCT (comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail) ont été supprimés en 2020. La recherche de la rentabilité, la durée et la pénibilité excessives du travail, les économies sur la sécurité continuent à tuer tous les jours.

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