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Dans le monde
Haute mer : un traité entre pirates
Samedi 4 mars, un traité de protection de la haute mer a été signé sous l’égide de l’ONU. Après quinze ans de négociations et alors que le changement climatique et la pollution des océans deviennent toujours plus inquiétants, les représentants des grandes puissances comme ceux des ONG y ont vu un pas en avant décisif pour la protection du climat, de la biodiversité et de la planète.
On peut évidemment douter que l’ONU protégera plus la haute mer, soit 60 % de la surface de la planète, qu’elle ne protège la paix et les peuples. La pollution de l’océan et son réchauffement viennent de l’activité humaine terrestre, régie par la course au profit, face à laquelle l’ONU n’a que des phrases, et encore, à proposer.
Le traité envisage de transformer un tiers des océans en Aires maritimes protégées (AMP), ce qui en ferait des sanctuaires de biodiversité d’où toute activité humaine serait proscrite. Or les AMP existent déjà dans des zones sous contrôle étatique et sont au mieux un affichage politique ou touristique, au pire une privatisation de l’océan. Ainsi, la mer d’Iroise, bordant le Finistère, est une zone protégée dans laquelle des algues vertes reviennent chaque année, sans qu’aucune mesure sérieuse ne soit prise. La Grande-Bretagne quant à elle a transformé en 2010 l’archipel des Chagos, dans l’océan Indien, en AMP, y interdisant toute activité humaine… sauf celle de la base militaire américaine de Diego Garcia, avec ses milliers d’hommes, ses navires de guerre, ses bombardiers et jusqu’à sa prison secrète. La France a institué en 2016 une AMP de 2500 km² autour de l’île de Clipperton dans le Pacifique. Elle est entourée d’une zone de 4,5 millions de km² dédiée à la recherche de nodules polymétalliques, la zone où on peut polluer est donc près de 2 000 fois plus étendue que la zone dite protégée.
La concurrence entre les grandes puissances et les entreprises privées qu’elles représentent compte bien plus que la protection de la nature. Les fosses océaniques recèlent en effet des espèces vivantes dont la découverte donne lieu à des brevets en chimie, biologie et même en cosmétique. Le traité indique simplement que 1 % du profit tiré de l’exploitation de ces brevets, qui ne peut être le fait que de grands groupes capitalistes occidentaux, devra revenir aux pays pauvres. Quant aux métaux rares qui reposent au fond des mers, on commence déjà à aller les chercher. Quatorze tonnes de nodules polymétalliques ont été extraites en décembre, par plus de 4 000 mètres de fond, dans la zone de Clipperton. L’impact de cette opération sur l’environnement est inconnu à ce jour, celui d’une éventuelle exploitation industrielle encore plus. Quoi qu’en disent les scientifiques, elle risque pourtant d’être lancée et l’Autorité internationale des fonds marins doit en décider avant la fin de l’année. L’ONG américaine très influente Pew Charitable Trusts, en pointe dans la constitution d’AMP, se contente de demander qu’un tiers des fonds soient épargnés. C’est à de telles ONG, étroitement liées au grand patronat et aux États, que seront confiées les AMP si elles voient le jour.
Tous les pays impérialistes sont aux aguets. Ainsi, le Sénat français, qui visiblement ne s’emploie pas seulement à démolir les retraites, a commandé en 2022 un rapport à ce sujet. Il conclut que l’exploitation des fonds marins peut rapporter gros et qu’en conséquence l’État doit prendre les mesures administratives, financières et diplomatiques permettant à la cinquantaine de sociétés françaises intéressées de ramasser le pactole. Le rapport enrobe bien sûr tout cela de considérations écologiques, mais recommande que dorénavant la Marine nationale soit plus présente sur les zones concernées et que ses frégates soient équipées de drones sous-marins capables de travailler en grande profondeur.
En fait de protection de la nature, les États impérialistes préparent des Aires maritimes protégées de la concurrence, par la force des armes s’il le faut.